Gaz de schiste : un grand danger pour l'environnement
Le chef du gouvernement tunisien Youssef Chahed plaide pour l’exploration du gaz du schiste lors du dialogue national sur le secteur de l’énergie et des mines lancé jeudi soir à la Cité de la Culture et en présence de représentants des autorités et entreprises énergétiques et une faible participation de la société civile.
Il déclare : “Il faut tout explorer même le gaz de schiste. Les technologies ont évolué et on peut produire avec des techniques qui préservent l’environnement. Il ne faut pas avoir de tabous".
Qu’est-ce que le gaz de schiste ?
Le gaz de schiste est une forme de gaz non-conventionnel, c'est-à-dire de ressource de gaz naturel piégée dans des roches argileuses, peu profondes et peu perméables ou dans des gisements de charbon. Comme son nom l'indique, le gaz de schiste est extrait de terrains schisteux où il se répartit de manière diffuse. Le gaz de schiste s'oppose ainsi aux ressources conventionnelles de gaz naturel (gaz piégé en haute densité dans des cavités naturelles), et aux autres types de ressources non-conventionnelles de gaz naturel (gaz de charbon, gaz de réservoir compact, hydrates de méthane).
Bien que le gaz de schiste soit naturel, son exploitation nécessite un forage, car il est emprisonné à l'intérieur de roches situées de un à trois kilomètres de profondeur. Le forage nécessite l'utilisation d’une grande quantité d'eau pour briser les roches : c'est la technique de Fracturation hydraulique (fracking). Cette eau est alors polluée et n'est plus recyclable. L'exploitation du gaz de schiste a bien un impact sur l'environnement, principalement en raison des techniques de forage utilisées.
Impacts du gaz de schiste sur l’environnement
Les paysages
Exploiter le gaz de schiste nécessite une grande densité de forages pour être rentable, source de pollution visuelle du paysage par des puits d’extraction. Comme un puits d'exploitation du gaz de schiste s'épuise rapidement, il faut également faire évoluer le réseau de gazoducs, ce qui nécessite des travaux de terrassement, d'enfouissement de gazoducs, de construction de pistes pour l'accès des engins.
La multiplication des sites de forage et les énormes volumes d’eau injectés dans le sol par la fracturation hydraulique peuvent provoquer des séismes à répétition, comme fréquemment dans l’Oklahoma aux USA.
L'exploitation des gaz de schiste est extrêmement consommatrice d'eau, et peut mettre sous pression les réserves des nappes phréatiques. En effet, chaque puits peut consommer 10 à 15 millions de litres d'eau, soit jusqu'à trois piscines olympiques et la consommation quotidienne de 100 000 habitants ! 20 à 80% de l'eau peut néanmoins être recyclée pour une utilisation dans d'autres puits de forage.
Les nappes phréatiques
En plus du risque d’être sous pression, les nappes phréatiques risquent d'être polluées par le gaz de schiste ou par le liquide de facturation injecté dans le forage. Ce liquide contient de l'eau, du sable, mais aussi des produits chimiques antibactériens, biocides et anticorrosifs. Quant à la contamination de l'eau par le gaz de schiste, le documentaire à charge contre les gaz de schiste Gasland a marqué les esprits en filmant l'embrasement de l'eau sortant d'un robinet d'un particulier.
Le traitement du liquide de fracturation remonté à la surface après usage est également une problématique. L'eau doit être stockée dans des bassins de surface pour traitement et réinjection, ou avant évacuation par camion-citerne.
Le réchauffement climatique
Une forte inquiétude réside dans la probabilité de fuites de gaz de schiste apparaissant lors de son exploitation avec les techniques actuelles : au lieu d'être récupéré et transporté pour combustion, le gaz de schiste (principalement constitué de méthane) peut s'échapper directement dans l'air. Le méthane étant un gaz à effet de serre avec potentiel de réchauffement global 25 à 70 fois plus élevé que le CO2, on comprend que ces fuites de méthane, difficiles à évaluer, soient extrêmement préjudiciables à la lutte contre le réchauffement climatique. D'après une étude de l'université de Cornwell, le gaz de schiste contribuerait deux fois plus à l'effet de serre que le charbon, en particulier à cause de ces fuites.
Le transport
L’exploitation du pétrole de schiste a entrainé une explosion du nombre de wagon-citerne. Ce dernier se révèle être plus économique que la construction d’oléoducs. Les puits de pétrole de schiste ayant une faible durée de vie, même si le prix du mètre cube transporté par train est 2 à 3 fois plus élevé que par oléoduc, il est le moyen de transport le plus économique et le plus polluant.
Le gaz de schiste une catastrophe écologique à éviter
Les faits avérés ne méritent-ils pas l'engagement d'un réel débat qui dépasserait la simple question du profit économique généré par l'exploitation des gaz de schiste ?
« On essaie aujourd'hui de réduire le sujet des gaz de schiste à une question technologique, à savoir trouver une alternative à la fracturation hydraulique, alors que les vraies interrogations (pollution de l'eau, artificialisation des sols et surtout réchauffement climatique) sont totalement ignorées ».
L’émergence du gaz de schiste comme source d'énergie alternative aux hydrocarbures conventionnels permet de retarder la transition vers un mix énergétique laissant davantage de place aux énergies renouvelables. Puisque le gaz de schiste est présent en quantités massives sur la planète et puisque son exploitation est techniquement rentable pour les sociétés explotantes, la nécessité de développer les énergies renouvelables se fait moins pressante. Le développement de l’exploitation du gaz de schiste serait donc contre-productif et agirait en défaveur des énergies renouvelables (soleil, vent, mer) présentes massivement en Tunisie et de la lutte contre le réchauffement climatique qui devient de plus en plus menaçant.
A.K
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