Gouvernement : Tous les scénarios sont possibles y compris une nouvelle coalition sans Ennahdha
La plénière du 03 Juin qui a duré plus de 20 heures et au cours de laquelle le président de l’ARP Rached Ghannouchi a essuyé une salve de critiques des plus virulentes de la part de ses opposants, mais également de la part de ses alliés dans le gouvernement, risque de désarçonner l’équipe gouvernementale et de provoquer sa chute. Trois membres de la coalition, le mouvement Achaab, Tahya Tounes et le groupe de la Réforme ont voté pour la motion présentée par le bloc du Pdl pour rejeter toute intervention étrangère dans la crise libyenne. Bien pis, des députés de ces groupes s’en ont pris au président de l’ARP, l’accusant d’avoir outrepassé ses prérogatives.
Abir Moussi crie victoire
L’une des conséquences immédiates de cette plénière a été le refus d’Ennahdha, vendredi dernier, de signer le document du « pacte de stabilité et de solidarité » proposé par le chef du gouvernement Elyès Fakhfakh. Le mouvement de Rached Gahnnouchi exige d’élargir le document à la majorité parlementaire désunie.
Entre temps, Abir Moussi et son groupe parlementaire crient victoire, bien que la motion ait été rejetée faute de majorité absolue, soit 109 voix. Mais Moussi a réussi à fissurer la coalition gouvernementale, obtenant 94 voix pour contre 68 seulement pour Ennahdha et ses alliés. La photo d’ensemble des députés qui ont soutenu la motion a sonné comme un avertissement annonciateur d’une nouvelle configuration au sein de l’ARP. La présidente du Parti destourien ne semble pas s’arrêter là, puisqu’elle a annoncé au cours d’une conférence de presse ce lundi 08 Juin que son bloc a présenté un nouveau projet de motion visant à classer l’organisation des frères musulmans comme organisation terroriste hostile à l’Etat civil.
En plus, on parle d’une motion de retrait de confiance du président du parlement Rached Ghannouchi. Pour Hassouna Nasfi, président du bloc parlemnatire la Réforme , ce retrait est nécessaire parce que Ghannouchi est une personnalité clivante qui divise au lieu de rassembler et fédérer. Au cas de sa déposition et de son adoption, cette motion pourrait signier la fin politique du président d’Ennahdha et constituerait un revers cuisant pour son mouvement.
Le scénario que redoute Ennahdha
Parallèlement à cela, on parle de négociations entre des groupes parlementaires pour la constitution d’une nouvelle coalition, sans Ennahdha. Chose difficile mais pas irréalisable. Avec les groupes déjà représentés au sein du gouvernement, en plus des blocs National présidé par Hatem Mliki et formé de 11 membres dissidents de Qalb Tounes et les Indépendants, 9 membres, en plus de quelques non-inscrits, on pourrait avoir une nouvelle majorité de près de 120 députés sans ceux d’Ennahdha, de Qalb Tounes et d’al Karama.
Ce scénario serait catastrophique pour Rached Ghannouchi et son mouvement qui ne bénéficie que d’un seul soutien sûr, celui du groupe al Karama. C’est pourquoi, il cherche à s’assurer un nouvel allié, Qalb Tounes qui « va se battre pour entrer au gouvernement sur la base d’un programme », selon son président Nabil Karoui revenu à de meilleurs sentiments avec son ennemi d’hier Rached Ghannouchi qualifié « d’homme sage de la famille » par le député Yadh Elloumi. Mais ce souhait ne trouve pas grâce ni auprès du président de la République, ni encore plus auprès du chef du gouvernement et du Courant démocrate fermement opposé à l’entrée de Qalb Tounes dans le gouvernement.
Champ de manœuvre réduit
Certaines sources disent qu’Ennahdha pourrait retirer ses ministres du gouvernement et initier une motion de censure pour le faire tomber. Mais ce serait trop risqué. Car le droit de désigner un nouveau chef de gouvernement pourrait revenir encore une fois au président de la république. En effet, au cours de la période de 15 jours entre la déposition de la motion et son examen au sein d’une plénière, Elyès Fakhfakh pourrait remettre la démission de son gouvernement au chef de l’Etat qui pourrait soit le reconduire soit désigner une nouvelle personnalité pour former une nouvelle équipe.
Le champ de manœuvre du chef de gouvernement semble se réduire comme une peau de chagrin, devant l’intransigeance des membres de sa coalition où la cohabitation devient difficile. La délégation de pouvoir qui lui a été confiée par l’ARP prendra fin ce jeudi 11 Juin. Il aura du mal à arbitrer entre les membres de son équipe et faire passer des projets de loi devant le parlement. Comme il n’est pas exclu qu’il procède à un remaniement d’ici la rentrée, sans revenir au parlement, comme l’exige le règlement intérieur de l’Assemblée. Mais pas la Constitution dont la lecture reviendrait, en l’absence de la cour constitutionnelle reviendrait au président de la République.
L’après 03 Juin 2020 ne sera plus comme avant. Une nouvelle reconfiguration s’annonce au sein du Parlement et dans la scène politique nationale, comme nous l’avons déjà écrit sur ces mêmes colonnes.
B.O
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