Grève illimitée à TT : un bras de fer entre l’UGTT et Kaïs Saïed ?

 Grève illimitée à TT : un bras de fer entre l’UGTT et Kaïs Saïed ?

La grève de Tunisie Télécom qui a été déclenchée pour une durée illimitée prend l’allure d’un bras de fer qui ne dit pas son nom entre la Centrale syndicale, UGTT et le président de la République Kaïs Saïed.

Le secrétaire général de l’organisation ouvrière, Noureddine Taboubi s’en est mêlé en haranguant les grévistes, alors que le chef de l’Etat fait la sourde oreille alors que ce débrayage, pour une durée indéterminée coûte très cher à l’Etat tunisien. En effet chaque jour de grève engendre une perte sèche de 1 million de dinars dont 65% soit 650 millions de dinars reviennent à l’Etat tunisien.

Mais ce qui encore plus incompréhensible c’est que la grève illimitée, une notion qui n’existe pas dans le Code du Travail n’a pas de revendications salariales, car comme chacun sait les employés de TT sont parmi les mieux payés outre les multiples avantages dont ils bénéficient.

En effet, selon le secrétaire général adjoint de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), Mohamed Ali Boughdiri, le mouvement de protestation entamé par les agents de Tunisie Télécom visent en premier lieu la préservation du caractère public de cet opérateur de télécommunications, et non pas seulement l’augmentation des salaires.

Boughdiri a affirmé que l’UGTT considère que les négociations représentent un élément important du dialogue social, précisant que le dialogue et les négociations visent, outre l’augmentation des salaires, l’amélioration des conditions du travail et la situation professionnelle.

Et d’ajouter que les négociations ont également pour objectif d’instaurer un climat social sain motivant et encourageant pour impulser la productivité et assurer la stabilité sociale. Le secrétaire général de la centrale syndicale, Noureddine Taboubi a été plus explicite. Supervisant un rassemblement du groupe Tunisie Telecom, Taboubi a appelé à l’impératif d’abandonner le décret gouvernemental n°422, qui permet à l’Administration générale de Tunisie Télécom de disposer des biens logistique et immobilière en les vendant ou en les cédant en dehors du contrôle de l’Etat.

Le secrétaire général de la centrale syndicale a menacé d’organiser un vaste mouvement sectoriel si l’administration générale de Tunisie Télécom ne trouve pas de solutions et ne répond pas aux revendications syndicales au cours de cette semaine, soulignant l’attachement du syndicat aux entreprises publiques.

De son côté Tunisie Telecom a réitéré, dans un communiqué publié suite aux déclarations de Taboubi, sa disposition à mener des réformes dans l’entreprise. L’opérateur national a indiqué que le décret gouvernemental n°422 du 14 juillet 2020, portant dispositions particulières à la société nationale des télécommunications s’inscrit dans le cadre d’une série de mesures visant à lui permettre de faire face à la concurrence dans le secteur.

Ce décret ne s’oppose pas au caractère public de l’établissement qui reste un « acquis national » conformément à la vision de l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), a souligné Tunisie Telecom dans un communiqué. Tunisie Telecom a ajouté que les mesures décidées jusqu’à présent sont encore insuffisantes et ne sont pas capables de développer la capacité concurrentielle de l’établissement afin de répondre aux exigences de la concurrence loyale.

TT affirme ainsi qu’elle compte sur la volonté de l’UGTT d’éviter tout ce qui peut entraver le processus de développement de la société et ses capacités concurrentielles. D’autre part, elle a exprimé sa « disponibilité inconditionnelle à poursuivre avec son partenaire social sur la voie de la mise à niveau de la société, et ce à travers la mise en œuvre de ses programmes de réforme dans le cadre du respect de la charte de dialogue social. Il s’agit, également, de préserver le rôle de l’institution en tant qu’acteur économique national responsable.

Mais rien n’y fit, la grève dure toujours. Déclenchée pour deux jours, elle est désormais d’une durée illimitée. Malgré six longues semaines de négociations, la situation est dans l’impasse, l’Etat estimant que les revendications sont « irréalisables ».

Pour mesurer le coût de cette grève il importe de souligner que l’Etat tunisien détient 65% du capital de TT, une société considérée comme le fleuron des entreprises publiques puisqu’elle rapporte 1,3% du PIB du pays.

La grève ayant entrainé l’arrêt total de la fourniture de lignes internet fixes aux clients en attente entre tous les opérateurs et les fournisseurs de services (TT, TOPNET, GLOBALNET, etc…) et des perturbations techniques dont le nombre avoisine les 40.000, les pertes quotidiennes pour l’opérateur national sont de l’ordre de 1 million de dinars dont 65% auraient dû revenir à l’Etat tunisien, alors que les 35 iraient aux partenaires Emiratis. Ces derniers se seraient lassés et il semblerait même qu'ils menacent de mettre leurs parts en vente et de quitter la Tunisie, si l’Etat tunisien ne trouve pas une solution à ce blocage dans les plus brefs délais.

Au moment où le président de la République détient tous les pouvoirs, certains observateurs estiment que cette action ne peut que le viser personnellement et s'inscrit dans un message codé lancé par la puissante centrale syndicale pour marquer sa présence .

L'UGTT n'accepte semble t-il pas d'être ignoré et voit d'un mauvais oeil le fait que Kais Saied n’a pas engagé la moindre concertation avec sa direction pour une hypothétique sortie de l’état d’exception qu’il avait décrété le 25 juillet dont la confirmation avait eu lieu en vertu du décret n° 117 du 22 septembre 2021.

Face à la situation explosive du pays, il est de l’intérêt de tous que ce bras de fer cesse et le plus tôt serait le mieux.

RBR

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