Hammamet Sud, entre la désolation des visiteurs et le désarroi des professionnels

Hammamet Sud, entre la désolation des visiteurs et le désarroi des professionnels

 

Hammamet Sud, premier et deuxième jours de l’Aid. Point de touristes mais des Tunisiens en familles venus se rafraîchir en cette canicule qui commence à sévir en ce mois d’Aoussou. Le soir, les restaurants qui, d’habitude ne désemplissaient pas, sont à plus que moitié vides, alors que les cafés connaissent plus d’affluence. Les hôtels sont quasiment désertés, beaucoup d'hôteliers ont mis les clés sous le paillasson. C’est que l’attentat de Sousse, le 26 juin dernier, qui a fait 38 morts parmi les touristes a porté le coup de grâce au secteur du tourisme déjà chancelant. De Djerba à Tabarka, en passant par Sousse, Monastir, Mahdia, Hammamet, Nabeul, la fermeture des hôtels continue. Chez les professionnels c’est le désarroi total. Le tourisme ce n’est pas uniquement 7% du PIB, c’est surtout l’image d’un pays naguère paisible et accueillant qui est frappée de plein fouet. C’est aussi un secteur qui fait vivre directement et indirectement près de deux millions de personnes. « D’habitude, en cette période j’achetais un millier de pains par jour, maintenant je n’en achète qu’une trentaine », confie Hassen Kenani, le directeur de l’hôtel Marina Palace fréquenté par quelques familles tunisiennes à la faveur d’une réduction frôlant les 50%. « L’attentat de Sousse risque de peser longtemps sur  la situation générale du pays » ajoute Hassen Kenani. « Ses répercussions se feront ressentir à tous les niveaux, politique, économique, social et bien entendu sécuritaire », explique-t-il.

Les Algériens se font attendre

Même son de cloche chez les restaurateurs et les cafetiers. « Le congé de l’Aid a fait revivre la Marina », lance un serveur « et j’espère que cela va continuer pendant les vacances d’été ». Les Algériens dont on annonçait l’arrivée massive,  se font encore attendre. En déambulant tout le long de l’esplanade pas une seule voiture portant immatriculation algérienne. « Le service commercial de la Marina n’a pas enregistré beaucoup de réservations au profit de nos voisins de l’Ouest », nous confie-t-on. Par contre les Tunisiens continuent à venir en familles et les mois de juillet et d’août sont presque complets. Pourtant les tarifs ne sont pas à la portée de toutes les bourses. Un petit studio de 40 à 50 m2, c’est 1.500 dinars par semaine, alors qu’un petit appartement de deux pièces revient à 1.800 dinars et 2.500 dinars pour un trois pièces. « Mais généralement, on loue à plusieurs pour se partager le coût et en aucun cas c’est toujours moins cher qu’à l’hôtel », assure Mansour qui détient les clés, dans les deux sens du terme, des appartements.

Pour un effort supplémentaire en faveur des Tunisiens

Malgré l’effort consenti pat les hôteliers en affichant des réductions allant jusqu’à 50% pour les Tunisiens sur les tarifs de la haute saison, cela reste franchement inabordable. Une nuitée en demi pension dans un quatre étoiles, c’est  entre 75 et 120 dinars alors qu’elle revient à beaucoup plus dans un cinq étoiles, entre 130 et 190 dinars. Faites le compte pour un couple plus deux enfants et vous  allez vous retrouver avec une somme au dessus des bourses de n’importe quel salarié. C’est que le tourisme intérieur  a toujours été le parent pauvre du secteur, une sorte de cinquième roue de la charrette. Pourtant, le Tunisien est de nature dépensier, beaucoup plus que les touristes, surtout lorsqu’il  est accompagné de ses enfants. C’est qu’il n’y a jamais eu une véritable stratégie pour développer ce créneau qui, selon la ministre du tourisme Selma Elloumi, « vient en seconde position, après l’Allemagne et avant la France et l’Italie ». Tout le monde en souligne l’importance, mais tout le monde reconnait qu’il est « mal structuré ». Il est intéressant dans cette optique que les professionnels fassent un effort supplémentaire, notamment en cette période de crise,  pour encourager par le biais de la promotion, les familles tunisiennes, à visiter les stations touristiques, en appliquant, par exemple et de manière exceptionnelle, les tarifs d’hiver à la haute saison. Cela ne résoudra pas leurs problèmes mais il atténuera tant soit pas l’impact de la crise. Les 30% de réduction annoncée en grandes pompes par la fédération tunisienne des hôteliers, n’encourageront pas les Tunisiens à se ruer vers les hôtels.  A-t-on oublié que les salaires  des employés sont bouffés les dépenses quotidiennes, les factures et les crédits bancaires ?

Et pourtant, je garde espoir

Il était une fois une station balnéaire, véritable joyau du tourisme tunisien, destination privilégiée des Tunisiens et des étrangers, Hammamet Sud.  Entre la désolation des visiteurs et le désarroi des professionnels, elle offre l’image d’un lieu fantomatique. « Et pourtant, je suis optimiste et je garde espoir », affirme Hassen Kenani. Ne dit-on pas que l’espoir fait vivre.

Brahim OUESLATI