Impasse politique : Tu retires, je retire et le pays va à sa perte
La décision était attendue. Du moment que quatre blocs parlementaires ont fait part de leur intention de retirer la confiance au président de l’ARP, Rached Ghannouchi, il était dans l’ordre des choses que le Conseil de la Choura, la plus haute instance du Mouvement Ennahdha décidé lui de son côté à retirer la confiance au gouvernement Elyès Fakhfakh. Lequel gouvernement comporte des composantes, à savoir Ettayar, Echaab, Tahya Tounes et le bloc de la Réforme qui veulent la tête Ghannouchi.
Il faut dire que la scène politique tunisienne est surréaliste. Des partis ou blocs partenaires au gouvernement sont par ailleurs des adversaires acharnés sur la scène politique et au sein du Parlement.
Certes, la goutte qui a fait déborder le vase a été la controverse au sujet de l’entrée au Parlement d’un invité de la Coalition Al Karama, fiché S17. Mais ce bloc n’est pas allié au gouvernement et ses prises de position n’engagent que lui.
Mais des groupes parlementaires alliés d’Ennahdha au gouvernement ont trouvé le moment propice pour renverser la table et demander des comptes à ce dernier parti pour sa complaisance envers le Bloc d’Al Karama.
L’entrée de celui qui est considéré comme « un terroriste » dont ce n’est pas la première fois qu’il soit invité au Parlement n’a pu se faire sans la complicité du président du Parlement et de son directeur de cabinet, clament-ils en chœur.
Ils menacent Ghannouchi de destitution et déclarent engager la procédure dès lundi matin en rassemblant les 73 signatures de députés en vue d’entamer le processus qui pour être mené à son terme demande la majorité absolue de l’ARP soit 109 voix.
Du moment que des partis envisagent de retirer la confiance à Ghannouchi, quoi de plus normal que le parti que préside ce dernier décide de retirer sa confiance au gouvernement d’Elyès Fakhfakh pour cette histoire de conflit d’intérêts qui a fait couler beaucoup d’encre. Tu retires, je retire et le pays peut aller à sa perte, pourrait-on dire.
Le conseil de la Choura a « chargé Ghannouchi d’entamer les concertations » avec le président de la République, les partis politiques et les organisations nationales en vue de la formation d’un nouveau gouvernement à la place de celui présidé par Elyès Fakhfakh.
Cependant, ce n’est que par une motion de censure qui doit réunir 109 députés et être accompagnée du choix d’un nouveau chef de gouvernement dans la même procédure que le gouvernement peut être révoqué et un autre désigné à sa place.
Rassembler cette majorité n’est pas chose aisée. Il lui reste la possibilité de retirer ses ministres du gouvernement, mais là aussi il n’a aucune chance d’avoir gain de cause. Selon une méthode déjà éprouvée, Elyès Fakhfakh peut charger des ministres en place de l’intérim des ministres démissionnaires et le tour est joué.
Dans ce cas, Ennahdha pourrait se retrouver minoritaire, car seul le bloc de la Coalition Al Karama restera à ses côtés. Il est d’ailleurs possible dans la configuration actuelle du Parlement qu’une majorité anti-Ennahdha formée d’Ettayar, Echaab, Tahya Tounes, la Réforme, Al Watania et peut être aussi d’une partie d’Al Moustakbal soit mise en place. Cette majorité est en mesure de destituer Ghannouchi du Perchoir et choisir un autre à sa place.
Quel choix ferait le parti Qalb Tounes. En première ligne contre Elyès Fakhfakh il devrait rester dans l’opposition. Tous les scénarios restent envisageables, estime-t-on. Mais le maintien de la confiance d’Ennahdha à Elyès Fakhfakh pourrait-il être parmi ces scénarios. Auquel ce serait le statut quo.
Que ferait le président de la République si on lui demande son arbitrage d’autant plus que c’est lui qui a choisi Elyès Fakhfakh comme étant le plus apte à former un gouvernement.
C’est la grande question qui se pose. A moins que Kaïs Saïed ne décide de garder ses distances et ne veut en aucun intervenir dans un conflit qui ne le concerne pas. Il ne pourrait intervenir que si Elyès Fakhfakh décide de remettre sa démission. Mais cette hypothèse semble pour le moment inenvisageable
Cet imboglio peut mener loin. Le chef de l'Etat y trouvera peut être le moment propice pour lancer ses projets de modification de régime politique et d'amendement de la loi électorale.
RBR
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