Karima Ladjimi, productrice tunisienne aux 6 Oscars
"The Hurt Locker" (Démineurs), film où Karima Ladjimi a été directrice de production, a décroché, 6 oscars: meilleur
scénario original, meilleur montage son, meilleur mixage son, meilleur montage, meilleur film, et le plus significatif, en cette journée, celui du meilleur réalisateur décerné à Kathryn Bigelow, première femme à recevoir la statuette depuis la création des récompenses de l'Académie en 1929.
Un oscar, distinction suprême dans le monde du cinéma, est synonyme de reconnaissance de tous les professionnels du métier, d'impact fulgurant au niveau international et de ligne en or sur le CV.
A quelques jours de la 82e cérémonie des oscars qui a eu lieu dimanche soir à Los Angeles, Karima ne pouvait déjà pas cacher son émotion devant les 9 nominations du film, qui égalaient, en nombre, "Avatar" de James Cameron, le plus grand succès de l'année.
"Une nomination aux oscars est déjà un sacre en soi", relève fièrement la productrice tunisienne qui s'est frayée, en une vingtaine d'années, un chemin dans le monde de la production cinématographique internationale et a associé son nom à de nombreuses importantes productions.
"The Hurt Locker", tourné en 2007 en Jordanie et sorti en salle en 2009, est l'histoire d'une unité de déminage de l'armée américaine à Bagdad chargée de désamorcer des bombes dans des quartiers civils ou des théâtres de guerre.
Un film poignant et captivant, où se succèdent poussées d'adrénaline, tension psychologique et souffle coupé.
Yeux pétillants d'un bleu cristallin, beauté distinguée digne d'une icône de cinéma, allure vive et look décontracté, Karima parle avec enthousiasme de "son" film.
"C'était une expérience inoubliable. J'ai été sollicitée par le producteur exécutif de "Démineurs" alors que je finissais le tournage d'un autre film, "captain Abu Raed", une production jordano-américaine", indique-t-elle.
"J'ai rejoint l'équipe de "Démineurs" avec trois semaines de retard, étant donné que j'ai remplacé l'ancien directeur de production, démis de ses fonctions. Ca n'a pas été facile, en particulier au niveau de la logistique et du matériel: engins de guerre, armes, explosifs mais toute l'équipe, constituée de 19 nationalités différentes, a fourni des efforts considérables et bénéficié de l'aide inestimable des autorités et de la formidable coopération de la population locale".
"Démineurs" avait reçu, avant les Oscars, de nombreux prix et récompenses dans des festivals et manifestations internationales, notamment celui du meilleur film remis par le "Producers Guild of America" (PGA, syndicat des producteurs américains), de meilleur réalisateur par le syndicat des réalisateurs (DGA), de meilleur scénario par le syndicat des auteurs (WGA) ainsi que 6 "Baftas", équivalent anglais des oscars.
"C'est un honneur pour moi d'avoir participé à ce film, et cet honneur je le dédie à la mémoire de mon père, récemment décédé", souligne-t-elle, les yeux embués de larmes.
Karima raconte son parcours dans la production cinématographique, elle que tout prédestinait à une carrière dans le monde de la finance et des affaires.
Au début des années 80, une licence de buisness administration (études commerciales) en poche, obtenue à Denver, aux Etats-Unis, elle retourne à Tunis et projette de se lancer dans l'exportation de l'artisanat tunisien, mais le destin lui réservait d'autres projets.
Invitée à assister au tournage du film "L'incompris" de Jeremy Chap, c'est le déclic immédiat. Elle sait désormais ce qu'elle veut faire de sa vie. "J'ai eu le coup de foudre, j'ai été épatée par la façon dont se fabriquait une scène et par l'esprit d'équipe sur le plateau, ce que j'affectionne encore aujourd'hui".
Elle a la chance d'entrer dans le monde de la production cinématographique par la grande porte, en travaillant en tant que seconde assistante de production pour son célèbre compatriote Tarek Ben Ammar sur "Anno Domini", grosse production italo-américaine.
"La belle époque", affirme-t-elle, un sourire nostalgique au coin des lèvres. Karima a également travaillé pour le regretté Ahmed Bahaeddine Attia "que j'ai beaucoup aimé et respecté, un grand homme et un producteur d'exception qui m'a beaucoup appris".
En 1997, à 37 ans, elle crée sa propre société de production et commence à se faire un nom. S'enchaînent ensuite les films, séries, documentaires et spots publicitaires, dont notamment "you, me and the baby" pour la BBC, "Age of treason" pour Colombia Pictures ou encore "Madame Butterfly" de Frédéric Mitterrand.
En véritable citoyenne du monde, Karima parcourt les continents, de plateau en plateau, ponctuant ses collaborations dans la production cinématographique de nombreux emplois aux Etats-Unis, au Danemark, au Koweït, au Liban, aux Emirats, au Maroc ou en Tunisie, dans le domaine des relations publiques, de la publicité, de la finance ou de la traduction.
La carrière internationale de Karima Ladjimi, nourrie par sa passion pour le cinéma, par l'échange entre les différentes cultures et par la collaboration tolérante entre les Hommes, l'a associée aux plus grands noms de la production cinématographique et propulsée sur la grande scène du 7e art mondial, où elle se distingue en digne ambassadrice du cinéma tunisien.