La création d’une zone euro-maghrébine en perspective
L’Association des Etudes Internationales a organisé récemment un séminaire sur le thème « la zone de libre échange euro-méditerranéenne
; mise en œuvre, perspectives et limites ».
M. Abdessalem Dammak, universitaire et expert a saisi cette occasion pour expliquer le libre-échangisme sur le plan théorique et pratique, en mettant en valeur les conditions préalables de la mise en œuvre d’une zone de libre échange euro-maghrébine.
Ainsi, pour M. Dammak, la zone du libre –échange est le commencement d’un processus d’intégration économique qui devrait normalement s’achever par la constitution de l’unité politique entre les pays partenaires.
La théorie économique traditionnelle prévoit cinq étapes dans le processus de la constitution d’une intégration économique, à savoir, la zone du libre-échange, l’union douanière, le marché commun, l’union économique et l’intégration politique.
Qu’est ce que la zone du libre –échange ? M. Dammak a répondu que c’est le fait qu’un certain nombre de pays décident d’établir entre eux un calendrier d’abaissement progressif des droits de douane.
Il ne faut pas oublier que chaque pays garde l’organisation de ses relations commerciales avec des pays tiers. « chaque pays est libre d’organiser des relations commerciales avec les pays tiers », souligne-t-il.
On peut dire que les contrats d’association entre l’Union Européenne et les pays du sud de la Méditerranée ont abouti à l’instauration de plusieurs zones de libre-échange.
La Tunisie, faut-il le rappeler, a signé en 1995 un accord d’association avec l’Union Européenne en vue de l’instauration d’une zone de libre- échange commune.
Les deux parties ont convenu de supprimer totalement les droits de douane sur les produits industriels.
L’union douanière est une zone de libre-échange avec un tarif extérieur commun. En 1957, la CEE a été créée sous forme d’une union douanière.
Le marché commun est une union douanière qui suppose non seulement l’abaissement graduel des droits de douane, mais aussi la liberté de circulation des personnes et des capitaux.
L’Union économique est une union douanière qui exige l’harmonisation des politiques sociale, monétaire, fiscale et économique entre les pays membres. C’est l’état actuel de l’Union Européenne.
L’intégration politique est normalement le couronnement de tout un processus qui devrait s’achever par une fusion politique entre les pays membres.
Il y a, depuis la création de l’OMC en 1994, toute une série de zones du libre-échange qui se sont installées entre les pays.
Il y a les accords d’association qui sont établis individuellement entre l’Union Européenne et les pays du sud de la Méditerranée.
Il y a aussi la zone du libre échange de la ligue arabe constituée de 14 pays. Il y a la zone du libre échange d’Agadir (le Maroc, la Tunisie, l’Egypte et la Jordanie). S’y ajoute la zone du libre-échange de l’UMA, mais, celle-ci n’a pas vu le jour jusqu’à présent.
Zone monétaire pour l’UMA
Quelles sont les conditions préalables pour la mise en place d’une zone du libre-échange ?
Selon M. Dammak, il faut tout d’abord trouver un moyen de combler le déficit de la balance de paiement des pays pauvres.
« Lorsque les pays pauvres libéralisent leurs échanges commerciaux, leurs importations ont tendance à dépasser leurs exportations. Il en résulte un déficit chronique dans leur balance de paiement », explique-t-il.
Pour combler ce déficit, il faut mobiliser l’investissement direct étranger. Selon M. Dammak, on peut recourir a des emprunts, mais il ne sont pas faciles à trouver en ces jours-ci.
Pour le cas des pays du Maghreb, il faut créer une zone de libre –échange entre les pays de l’UMA. Parallèlement il faut créer une autre zone de libre-échange entre ces pays et l’Union Européenne pour en tirer le meilleur profit.
« Si l’UMA est parvenue à créer son propre zone, elle peut mieux profiter de la zone créée avec l’UE », parce que dans l’UMA, il y a des pays déficitaires et d’autres qui disposent d’excédents.
« Les pays qui disposent des excédents, en l’occurrence l’Algérie et la Libye, peuvent les investir dans les pays déficitaires (la Tunisie et le Maroc), ce qui permet de combler le déficit de la balance de paiement de ces pays » explique M. Dammak.
L’épargne en Libye et l’Algérie est très importante et pour qu’elle circule librement, il faut créer une zone monétaire au niveau de l’UMA.
Voilà, une autre condition pour créer une zone de libre –échange. Le FMI a autorisé, il y a quelques années, la création de zones monétaires régionales, pour certains pays désirant installer des zones de libre échange communes.
Selon M. Dammak, l’UMA n’a pas profité de cette décision. Elle aurait pu créer une zone monétaire dans laquelle on aurait introduit l’interconvertibilté des monnaies de l’UMA, cela aurait permis la création d’une bourse de valeurs mobilières au niveau de toute l’UMA et qui profite à la circulation libre de l’épargne.
Les cinq pays de l’UMA peuvent, du coup, en tirer profit en comblant une partie du déficit de leur balance de paiement.
Mais ce n’est pas tout, il faut aussi que cette zone monétaire soit assurée par l’Euro qui soutient l’inconvertibilité des monnaies maghrébines.
Il faut en outre créer un pool de devises pour permettre d’assurer une certaine stabilité des taux de change des cinq monnaies convertibles.
Bref, la zone de libre-échange nécessite la préparation du milieu sud méditerranéen. Si on raisonne sur l’UMA, celle-ci nécessite la mise en place d’une bourse de valeurs mobilières et d’une zone monétaire qui assure l’interconvertibilité des monnaies et la constitution d’un pool de devises qui permettrait à ces pays d’avoir une monnaie stable, convertible et qui assure la mobilisation des investissements étrangers dans ces pays.