La rentrée scolaire sera-t-elle l'année du renouveau de l'école républicaine?

La rentrée scolaire sera-t-elle l'année du renouveau de l'école républicaine?

 

« Celui qui ouvre une porte d'école, ferme une prison. » Victor Hugo

Depuis l’indépendance, la stratégie nationale de l’éducation a toujours lié l’instruction au progrès social. À partir des années 80, cette vision n’a plus collé à la réalité. Pis encore, l’enseignement, surtout à l’université, est devenu synonyme de chômage et de lourd fardeau financier pour la famille. Cette réalité influence considérablement le moral des élèves qui décrochent de l’enseignement public et préfèrent (pour ceux qui ont les moyens) les institutions privées. En plus, avec les transformations du marché du travail et leur inadéquation avec un système d’éducation usé et mal réformé, l’absence de considération vis-à-vis du savoir et de l’éducation, à leur juste valeur, n’a pas aidé à améliorer la situation.

Faisons un point détaillé sur les données de cette rentrée 2017-2018 et ses perspectives.

Plus de 1 million d’écoliers et 66.000 instituteurs

2,088 millions d’élèves reprendront ce vendredi 15 septembre les bancs de leurs écoles  primaire, collège et lycée confondus. Le nombre total des élèves a augmenté de 41 000 par rapport à l’an dernier. Ils étudieront dans les 6093 établissements scolaires du pays. Le nombre d’écoliers  -préparatoire et primaire- a atteint 1,185 371 million. Les cours seront assurés par 66.000 instituteurs. Ainsi on compte une moyenne nationale d’1 instituteur pour 17,2 élèves. Le rapport élèves-instituteur du gouvernorat de Zaghouan est le plus élevé du pays : 1 instituteur pour 22,3 élèves. En bas du classement, on trouve le Kef, avec 1 instituteur pour 11,6 élèves. On compte 18,1 élèves pour un instituteur à Tunis. Ce que fait de l'éducation nationale le premier budget et la première priorité nationale.

Le coût de la rentrée scolaire

L'institut national de la consommation (INC) a estimé que le coût total de la rentrée scolaire avoisine les 473 millions de dinars.  La fourniture scolaire de base d'un élève en primaire coûte entre 79 et 125 dinars, elle oscille entre 126 et 132 dinars pour un lycéen, sachant que les prix en question ne concernent pas les tenues de sport ainsi que le payement des frais d’abonnement scolaire.

Système semestriel maintenu

L’école numérique fera son entrée dans 52 établissements scolaires. Ce concept sera progressivement généralisé. Le ministère a aussi renforcé l’encadrement des élèves aux besoins spécifiques, à travers le recrutement de 32 psychologues supplémentaires, pour atteindre un total de 52 spécialistes.

Sur la question du temps scolaire dans les écoles primaires, le calendrier des vacances a été modifié dans l’optique de le faire coïncider avec les vacances universitaires de l’hiver. Néanmoins, le système semestriel sera maintenu. Par ailleurs les travaux de construction de 13 nouvelles écoles primaires ont été finalisés, pour une enveloppe totale de 4,5 millions de dinars. Des projets d’extension ont porté sur 171 écoles pour un montant total de 11 millions de dinars. 154 établissements ont bénéficié de travaux de maintenance et de restauration, pour un montant de 20,7 millions de dinars.

Collèges et lycées : 74.500 professeurs pour 902 595 élèves

Au niveau des collèges et des lycées, 902 595 collégiens et lycéens reprendront les cours ce vendredi. Les cours seront assurés par 73 500 professeurs dans 1512 établissements. La moyenne nationale est de 1 professeur pour 11,7 élèves. Nabeul est au sommet du classement avec 13,2 élèves pour 1 professeur. En bas du classement, on trouve Kébili avec 9,6 élèves pour 1 enseignant. À l’instar du primaire, le calendrier des vacances scolaires a été modifié, tout en gardant le système semestriel.

4 nouveaux établissements scolaires ont été construits, pour un montant total de 12,750 millions de dinars. Les travaux d’extension ont porté sur 39 collèges et 32 lycées, pour, respectivement, un total de 3,3 et 2,2 millions de dinars. Quant aux travaux de restauration, ils ont touché 53 collèges et 51 lycées avec des coûts respectifs de 17,6 millions de dinars et 19,3 millions de dinars.

2 nouveaux foyers et 45 nouveaux restaurants scolaires

Sur le plan des services scolaire,  40 millions de dinars ont été débloqués pour assurer le logement et l’organisation de la  vie scolaire : 24 millions pour le primaire et 16 millions pour le collège et le lycée. Deux nouveaux foyers ont vu le jour, pour un montant de 2,5 millions de dinars. 45 restaurants scolaires ont aussi été construits, pour un coût total de 3 millions de dinars. Les services de restauration devraient permettre d’assurer les repas de 353 000 élèves.

Des cours privés à encadrer

Sur la question des cours particuliers, Hatem Ben Salem considère que la coercition ne constitue pas la solution. Il insiste, en revanche, sur la nécessité d’encadrer ces cours. « Je ne suis pas opposé au principe des cours particuliers, mais que leur encadrement soit raisonnable et que ces cours soient bénéfiques pour les élèves. »

Une main tendue aux syndicats

Le nouveau ministre de l’éducation Hatem Ben Salem a affirmé lors de cette conférence du jeudi 14 septembre que les concertations vont bon train avec les parties syndicales. « Malgré les conditions de travail difficiles, nous ferons en sorte d’assurer une rentrée réussie. Les médias, dans ce contexte, sont appelés à nous informer pour que nous puissions améliorer notre travail. Nous n’avons rien à cacher, nous travaillons dans la transparence totale et nous travaillons avec toutes les parties prenantes au dialogue sur les questions de l’éducation.» C’est sans doute un clin d’œil aux syndicats et surtout à Lassad Yakoubi , une manière de leur dire que finie la « méthode Jelloul » qui consistait à travailler seul, sans aucune concertation avec les syndicats et de passer son temps à entretenir une ambiance de conflit permanent.

Des réformes nécessaires

Au sujet de la détérioration du niveau du système scolaire, le ministre concède cette réalité, mais rappelle qu’il ne s’agit pas d’une exclusivité tunisienne. « Le ministère de l’Éducation a toujours œuvré pour l’amélioration du système scolaire. Notre richesse réside dans nos ressources humaines », dit-il. Il reconnaît, néanmoins, que le problème d’éducation est réel. « C’est le résultat de notre incapacité à élaborer un programme adapté aux besoins du pays et du monde », note-t-il, assurant que tous les moyens possibles seront déployés pour la résolution de cette problématique.

Une école Tunisienne qui connait de graves problèmes. Il est temps d'offrir une autre alternative en la transformant en profondeur pour qu’elle soit le ferment d’une société qui tourne le dos à l’individualisme, l’égoïsme et la loi du plus fort. Cela ne se fera pas tout seul.

D’abord, celui de l’argent : L’État, qui consacre déjà  4 862 millions de dinars  par an à l’éducation dans son ensemble (Supérieur à la somme des 2 budgets de l’intérieur et de la défense) ne peut suivre indéfiniment cette augmentation sans remettre son équilibre budgétaire en cause. De leur côté,  les parents trouvent que les études leur coûtent déjà trop cher et sont pourtant appelés à payer davantage dans les années à venir. Souvent, les familles  s'endettent pour que les jeunes fassent des études et puissent, en retour, les aider. Mais aujourd'hui, par manque de débouchés professionnels, les jeunes reviennent au contraire comme charge supplémentaire. Ils sont obligés de faire des petits boulots non qualifiés pour survivre ou être chômeur de longue durée. Le retour vers la famille est alors vécu comme une humiliation, un échec personnel. C'est presque une mort sociale.

Ensuite, celui de la qualité et de l’adaptation des formations.  Le nombre de diplômés du supérieur, qui a déjà doublé au cours des dernières années, ira crescendo, pour atteindre plus de 100 000 à l’issue de l’année universitaire 2014, contre 64 000 en 2008 et seulement 5 000 en 1988. Il va falloir leur offrir d'une part des choix de formation mieux adaptés à leur profil et d'autre part répondre aux besoins futurs du marché de l’emploi en Tunisie et à l’étranger, notamment dans les pays africains et du Moyen Orient. Il faut développer des liens de coopération Sud-Sud bénéfiques aux différents partenaires.

Et enfin, une école citoyenne solidaire adaptée aux besoins de la Tunisie : C’est une école au service d’une société juste et qui construit l’indispensable mieux vivre ensemble. Et c’est bien ce dont nous avons particulièrement besoin aujourd’hui, à l’heure où la société se délite sous les coups de boutoir de l’argent-roi, du profit à outrance et du chacun pour soi. L’école publique doit aussi contribuer à la prise de conscience des élèves citoyens. Si l’école publique devait toujours être le lieu où l’on apprend les « fondamentaux » – lire, écrire et compter –, sa mission civique doit être aussi de former des citoyens libres et éclairés qui sauraient faire prévaloir les exigences de la raison et de la conscience contre toutes les idéologies discriminatoires, ethniques, intégristes qui portent la haine et la guerre dans leurs fondements.

Bonne rentrée aux élèves, enseignants et aux familles en leurs souhaitant que cette année se déroule dans de bonnes conditions de paix et de sérénité et qui annoncera la fin de la décadence constatée depuis plusieurs années.

L'école publique républicaine est un ascenseur social qui permet à nos enfants d'être des citoyens libres et éclairés qui décident seuls de leurs choix dans leur vie.

Je paraphrase Victor Hugo en disant que celui qui ouvre une porte d'école, ferme une prison et fabrique moins de terroristes.

A.Klai

 

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