La société civile tunisienne commémore la journée nationale de lutte contre la torture

 

Le 8 mai de chaque année, la Tunisie commémore la journée nationale de lutte contre la torture, en mémoire de la disparition du martyre Nabil Barketi, mort sous la torture dans le poste de police à Gaafour le 8 mai 1987. La société civile et politique tunisienne a consacré cette date comme une tradition militante depuis des décennies et demande chaque année aux autorités de la reconnaître officiellement comme journée nationale de lutte contre la torture.

Notre pays commémore le 8 mai cette année alors que les fléaux de la torture et de l’impunité continuent à se propager sous le regard indulgent de l’État qui continue à se soustraire à ses responsabilités en matière de réparation des victimes de torture et de violations graves des droits humains. Exemple parmi d’autres, l’affaire de la mort d’Omar Labidi dans laquelle les policiers accusés ignorent leur procès.

La Tunisie a ratifié la plupart des conventions internationales relatives aux droits de l’Homme. Bien que ces conventions priment légalement sur le droit tunisien, les lois nationales demeurent pour beaucoup non conformes au droit international des droits de l’Homme. Il en va ainsi par exemple de la définition inadéquate de la torture dans le code pénal tunisien, ou encore des textes régissant le système judiciaire qui ne garantissent pas la protection et la réparation des victimes.

Le processus de justice transitionnelle fait lui-aussi l’objet de graves obstructions. Après la publication du rapport final de l’Instance Vérité et Dignité au Journal officiel le 24 juin 2020, l’État disposait d’un délai d’un an pour élaborer, après consultation de la société civile, un plan de mise en œuvre des recommandations du rapport concernant la réforme des institutions, la garantie de non-répétition des violations, la restitution des fonds publics détournés et la préservation de la mémoire nationale. Près de deux ans plus tard, l’État n’a toujours pas honoré ses engagements.

De même, les chambres criminelles spécialisées en justice transitionnelle sont confrontées à de nombreuses entraves qui compromettent l’avancement de leurs travaux. Elles achèveront, le 29 mai, leur 4ème année de travail depuis la tenue de la première audience le 29 mai 2018 à Gabes dans le dossier de Kamel Matmati, victime de disparition forcée et de torture dont le sort reste inconnu jusqu’à présent.

Quatre années marquées par l’instabilité de la composition des chambres résultant du mouvement de rotation annuel des magistrats, l’absence de nombreux accusés à leur procès sur incitation et encouragements explicites de plusieurs syndicats des forces de sécurité, le défaut de protection des juges et des victimes et finalement l’absence totale de toute volonté politique de soutenir et renforcer les travaux des chambres.

A l’occasion de cette journée de commémoration, la société civile tunisienne réitère sa volonté de militer pour éradiquer le fléau de la torture et achever le processus de justice transitionnelle, seul mécanisme à même de garantir la non-répétition des violations du passé et la réforme des institutions.
 

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