« Le Cappo » Adel Zouaghi nargue les autorités et défie la justice

« Le Cappo » Adel Zouaghi nargue les autorités et défie la justice

 

A Sfax son fief, on appelle Adel Zouaghi  « le Cappo », ce qui veut dire en bon italien le chef. Dans les hôpitaux de la seconde ville du pays et capitale du Sud, il fait la pluie et le beau temps. Rien ne se fait sans son aval.  Personne ne peut rien lui refuser. Tant et si bien que ces établissements de l’Etat sont plus que sa propriété privée. Tout le personnel est sous son autorité. Même les médecins se plient à ses caprices pour ne pas avoir à subir ses coups de colère. Sous son  aspect débonnaire se cache un vrai autoritaire. Mais pas seulement. Il a appris à profiter de son statut  de responsable syndicaliste dans une région qui fut le berceau du mouvement ouvrier. Quand bien même il n’a rien d’un ouvrier.  Pour lui son statut est une rente à vie. L’hôpital n’est pas seulement à ses yeux un lieu pour des soins. Il peut aussi devenir une salle de fête pour le mariage des amis ou des copains. Si tel est son vœu, et ses vœux sont toujours exaucés.

Alors quand il apprend qu’un médecin colonel est nommé directeur général du Centre Hospitalo-universitaire (CHU)Habib Bourguiba son sang ne fait qu’un tour. C’est que tous les usages qu’il peut faire de cet établissement, il va les perdre du jour au lendemain. Finis les fêtes, les mariages, les réceptions. Finies les hospitalisations, les soins gratis qu’il distribuait à tour de bras. Alors jamais l’officier supérieur ne mettra les pieds dans « son » hôpital à lui. C’est craché, juré. Les militaires ça le connait. En 2012 déjà, il a été traduit devant   le tribunal militaire permanent de première instance de Sfax  pour avoir « porté atteinte à la dignité de l'institution militaire » et ignoré une convocation pour comparution dans une affaire examinée suite à une plainte d'un cadre de l'armée. Bien que le tribunal ait décidé d'abandonner les charges retenues lui, il  n’a pas oublié. Cet épisode qu’il a mal vécu, jamais il ne le laissera se reproduire. Alors il mobilisera contre « la militarisation » du service public de santé. L’argument est tout trouvé et il est imparable. L’armée s’est bon pour surveiller les frontières et protéger les personnes et les biens, mais diriger un hôpital alors même qu’on est médecin, là c’est une ligne rouge, infranchissable.

Adel Zouaghi fera tout pour que le militaire officier supérieur qu’il soit, ne mettra pas les pieds dans l’établissement qu’on lui a confié. Tout juste si on ne lui interdit pas de diriger l’hôpital à partir de la direction régionale de la santé. Cela durera ce que ça pourra durer, mais ni lui ni ses camarades ne flancheront. Ils tiendront bon même si cela prendra des mois, des années. Tout est question d’endurance et de patience. L’une et l’autre il en a à revendre. Il a appris que les ministres passent, les directeurs régionaux, les directeurs de l’hôpital aussi mais lui il reste. Il est là ad vitam aeternam. Alors ce ministre comme son directeur s’en iront tôt ou tard.

A son grand regret la situation s’éternise plus que de raison. Quand le ministère décide de dépêcher un comité médical pour examiner la situation au sein de l’établissement, il s’y oppose avec fermeté. Ce qu’ils découvriront ne servira pas ses affaires,  il en est persuadé.   Avec le renfort de ses affidés, il empêche le comité de pénétrer à l’hôpital.   Advienne que pourra. Aux aguets, lui et les siens bloquent la porte d’entrée de l’administration et renvoient la délégation médicale d’où elle est venue  en lui criant le fameux « dégage ». Le directeur régional porte plainte. Ses dires sont appuyés par le témoignage de six hauts  cadres du ministère de la Santé avec constat d’huissier.  Le procureur général près la cour d’appel de Sfax, Mohamed Abid, a beau ordonner  l’arrestation d’Adel Zouaghi et de  ses quatre comparses du bureau syndical de l’hôpital universitaire Habib Bourguiba à Sfax et délivrer  un mandat d’amener  en vue de les placer en garde à vue, avant de les traduire en justice pour entrave à la liberté de travail, son ordre n’est pas exécuté. Il a beau décider d’ouvrir une enquête pour présomption de corruption et de gaspillage de l’argent public, Adel Zouaghi et ses complices ne sont pas inquiétés. Ils sont libres comme l’air. Les prenant sous son aile protectrice, la centrale syndicale s’empresse d’affirmer dès que la nouvelle tombe qu’aucun syndicaliste n’a été arrêté. Ce quasi-soutien le réconforte. Alors pourquoi en rester là. Profitant de la fête du travail et en bon syndicaliste qu’il se considère toujours, il n’hésite pas à haranguer ses « foules » dans un meeting organisé sur mesure. Narguer les autorités et faire un pied de nez à la justice, ça il sait faire. Et il ne s’en prive pas. Le « Cappo » le bien  nommé peut continuer sa basse besogne impunément ! Mais jusqu’à quand ? Peut-on défier l’autorité de l’Etat impunément ? A l’évidence quand c’est trop, c’est vraiment trop.

Raouf Ben Rejeb

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