Le challenge de la théorie
Il y a un décalage énorme entre la théorie et la pratique !...Oubliez tout ce que vous avez vu à la faculté !... En tant que nouveaux diplômés, vous n’avez pas de valeur ajoutée et nous allons
vous former et vous enseigner à nouveau !...
Ce sont généralement les discours de la plupart des recruteurs des sociétés tunisiennes.
Mais permettez-moi, mesdames et messieurs, recruteuses et recruteurs, avec tout le respect que je vous dois, de vous annoncer la bonne nouvelle : je ne suis pas d’accord avec vous !
La pratique est la mine de la théorie, la formation académique est la source de la créativité et par conséquent de l’excellence.
La théorie ne s’est jamais appuyée sur des fondements intuitifs ou des préjugés subjectifs. Elle était toujours basée sur l’observation du réel tout en essayant de le normaliser, de le cadrer, de l’expérimenter et enfin de le corriger si des rectifications paraissent indispensables.
Néanmoins, le problème majeur réside dans le fait qu’au sein de nos fameuses firmes tunisiennes, il n’y a aucun espoir que les théories peuvent y être applicables. L’élaboration même de ces théories s’est faite sur la base de marchés supposés être parfaits, complets et plus concrètement efficients, et non pas sur la base d’un marché émergent comme le notre. Toutefois, on essaye toujours d’être collés, bien-entendu à travers le moi social et la façade externe de nos entreprises, à des aspects « scientifiques » qui ont prouvé leurs importances et leurs apports dans les marchés efficients.
Gouvernance, signalisation, relations d’agence, financement hiérarchique, ratio d’endettement cible…ce sont tous des outils d’aide à la décision permettant une interaction meilleure entre l’entreprise et son environnement externe, notamment les investisseurs, dans un marché ouvert, transparent et de concurrence pure et parfaite, par exemple celui des Etats-Unis.
Cependant, nous en Tunisie, on parle de plus en plus de gouvernance et de tout ce qui l’escorte de mécanismes jugés valeureux comme la dispersion de la propriété, la délégation du pouvoir, le contrôle interne, etc., mais on peut facilement remarquer dans plusieurs entreprises que la majorité des postes clés sont détenues par des parents et des proches du Président Directeur Général ; et malgré ça on insiste à défendre agressivement le fait que nos structures internes sont démocratiques quoiqu’il a était prouvé que les systèmes participatifs ne sont pas toujours meilleurs !
Aussi, on entend, souvent, plusieurs managers traiter le sujet des signaux émis par leurs entreprises sur le marché (le marché boursier bien évidemment) et les réactions des investisseurs qui leurs sont associées. Mais permettez-moi de demander : de quel marché parlez-vous ? J’espère bien que ce n’est pas celui où on utilise encore les stylos et les tableaux pour les cotations !
A ce niveau, l’existence de décalage entre la théorie et la pratique demeure évidente et même naturelle. Aucun bagage académique ne parait nécessaire pour forger une carrière professionnelle réussie. Par conséquent, il est impératif de nous enseigner des théories en adéquation avec les caractéristiques du marché tunisien pour pouvoir par la suite avoir une valeur ajoutée dès la première intégration dans le monde professionnel et une capacité d’adaptation plus grande.
Néanmoins, serait-il possible de « théoriser » un marché émergent ? Pour ma part, je le crois.