Les dessous de la révision de la croissance par l’INS

Les dessous de la  révision de la croissance par l’INS
Par B.S.M
 
L’INS a publié le 31 mai, soit 15 jours après la date habituelle, le taux de croissance du premier trimestre 2014. On s’attendait comme d’habitude à voir une publication du chiffre de la croissance trimestrielle en glissement annuel, mais la surprise était la révision à la baisse de la croissance du premier trimestre de 2013. Surprise, en ce sens que ce n’est pas l’habitude de l’INS de réviser toute l’année dès le début de l’année suivante.  La croissance de 2013 a alors été réduite de (-0.3%) ce qui n’est pas négligeable lorsqu’on répartit ces points sur quatre trimestres.
 
I- La boule magique de l’INS
 
Jusque-là l’histoire aurait été banale et aurait pu s’inscrire dans une logique purement technique de révision mais l’examen de la révision sectorielle de la croissance interpele les spécialisâtes et mettent du doute quant à l’objectivité de la révision. Le tableau 1 montre dans la première colonne les taux de croissance initiaux avant la révision, la seconde colonne les taux révisés, la troisième les ajustements en valeur et la dernière colonne  les marges d’erreurs.  
 
Il est étonnant de s’apercevoir que les réductions de taux de croissance ont touché l’industrie manufacturière (1.5% au lieu de 3%) et l’industrie non manufacturière (-2.3% au lieu -1.7%) les autres ont été gardés inchangés, à part les impôts nets de subvention dont la contribution est faible. Il est aussi inconcevable qu’une institution statistique si technique soit-elle se trompe de 50% sur son taux de croissance industrielle et de 35 % sur son taux non manufacturier à moins qu’elle utilise une boule magique pour estimer la croissance. Que dira-ton alors si on lui confiait les prévisions ?
 
 
II- La manipulation du premier trimestre 2013
 
Jusque-là on aurait pu se contenter de dire qu’il y’a eu des erreurs et qu’on pourrait y remédier prochainement mais l’examen détaillé de la révision montre à quel point cette révision est intentionnée. Comment et pourquoi ?
 
1- Comment ?
 
Le tableau 2 montre les ajustements effectués par trimestre et on découvre qu’effectivement le secteur manufacturier et non manufacturier ont été ajustés à la baisse comme le montre le tableau 1. Cependant la révision la plus importante a touché le premier trimestre 2013. Le premier trimestre a perdu 0.5% de croissance globale (2.2 au lieu de 2.7), la croissance du secteur manufacturier a été amputée de 2.1% de croissance au premier trimestre (0.6 au lieu de 2.7) et que le secteur non manufacturier a aussi perdu 2% de croissance au premier trimestre. Le problème qui se pose à ce stade est que ces chiffres proviennent des enquêtes et sont quasiment définitifs ou marginalement modifiables. 
 
De même, s’il fallait réviser, on aurait pu le faire au deuxième trimestre 2013 ou le 3ème ou le 4ème  trimestre 2013, mais pourquoi diable révise-t-on le premier trimestre 2013 sans pratiquement toucher le deuxième ou le troisième ou le quatrième trimestre 2013 ?
 
A ce titre, il serait utile de signaler qu’un point de croissance dans ces deux secteurs (de l’industrie manufacturière et non manufacturière) correspond à environ 0.3 point de croissance agrégée et qu’indépendamment des fluctuations apparentes, les tendances lourdes renseignent aussi que le taux de croissance trimestriel le plus élevé de l’année est celui du premier trimestre. C’est ce qui est convenu de considérer parmi les faits stylisés du sentier de la croissance en Tunisie !
 
 
2- Pourquoi ? 
 
Le lecteur averti l’aurait bien compris. La croissance est calculée par glissement trimestrielle. En l’occurrence, en mai on devrait publier le taux de croissance du premier trimestre 2014 par rapport au premier trimestre 2013. Par conséquent, le taux qui en résulte ne dépendra pas de la croissance trimestrielle du 2ème, 3ème ou 4ème. L’histoire ne s’arrête pas là. Si vous voulez gonfler le taux de croissance en glissement il faudrait réduire la base et par conséquent réduire le taux de croissance du premier trimestre pour faire apparaitre un taux de croissance positif du quatrième trimestre (0.6% selon l’INS) et important en glissement (2.2%). En fait, plus le niveau initial est réduit, et plus est élevé le taux de croissance pour le même niveau final !
 
 
Le tableau 3 montre que si le premier trimestre n’avait pas été manipulé à la baisse, le taux de croissance aurait été de 1.8% en glissement trimestriel et non 2.2% comme annoncé. Cela voudrait dire que la croissance trimestrielle aurait été négative au premier trimestre 2014. 
 
A qui profite alors cette “manipulation” ? Pourquoi se produit-t-elle sous un gouvernement de technocrates ? Quelle est sa relation avec les bourdes du gouffre de 13 milliards (déjà annonces dès la première communication officielle médiatisée) et d’incapacités à payer les salaires ? Et particulièrement, quelle est sa relation avec le départ forcé de l’ancien Directeur de l’INS ? Enfin, jusqu’à quand les Tunisiens attendraient-ils des reformes mettant à l’épreuve la capacité de la classe des technocrates a gérer le pays pendant la transition ?
 
 Source i: donnes INS et Ministère des Finances
 Source ii: donnes INS et Ministère des Finances
 Source iii: donnes INS et Ministère des Finances et calcul de l auteur