Les vraies raisons du limogeage de Abid Briki
Abid Briki ne décolère pas et continue de ruminer « sa revanche » après son limogeage de son poste de ministre de la fonction publique et de la gouvernance. Un limogeage qu’il qualifie d’humiliant parce qu’il n’a pas manqué à ses obligations, a-t-il déclaré. Avec son passé syndical, l’ancien porte parle de l’UGTT est passé à côté d’une carrière gouvernementale qui lui tendait la main. Le secteur que le chef du gouvernement lui a confié lui sied parfaitement et en peu de temps il a fait preuve de beaucoup de professionnalisme, de tact et de rigueur. Il est monté tant de fois en première ligne pour exposer et défendre les options du gouvernement, parfois, au détriment de ses convictions politiques et syndicales comme ce fut le cas pour le projet de loi des finances et il a été pour beaucoup dans le règlement du conflit qui a opposé le gouvernement et l’UGTT sur cette question précise.
Toutefois, Abid Briki, le beau parleur et l’excellent débatteur qu’il est, n’a pas réussi à endosser les habits d’un ministre et a oublié la fameuse « maxime » devenue célèbre prononcée un jour par l'ancien ministre français Jean-Pierre Chevènement qui, alors ministre de l'Industrie en 1983 «un ministre, ça ferme sa gueule, si ça veut l'ouvrir, ça démissionne», tenue au président François Mitterrand avant de démissionner de ses fonctions. Car les vrais raisons de son limogeage sont à chercher justement dans les quelques indiscrétions ou encore les déclarations jugées inopportunes et malvenues. On n’annonce pas son intention de démissionner dans les médias et on ne consulte pas sur cette décision d’autres personnalités aussi hautes soient-elles dans les différents sphères de la politique. Or, le désormais ancien ministre a déclaré s’être confié aux deux anciens secrétaires généraux de l’UGTT Abdessalem Jrad et Houcine Abbassi. Mieux, il a annoncé qu’il allait en discuter avec le président de la République au cours d’une rencontre prévue pour ce lundi 27 février. Ce qui a été perçu comme une forme de pression exercée sur le chef du gouvernement et une sous estimation de son rang et un dépassement de ses prérogatives. Se distinguer par un certain franc parler en donnant son avis sur des sujets sensibles, même en catimini, critiquer fût-il en des mots doux, des mesures prises par le gouvernement ou encore, pendre des initiatives et des engagements sans se référer au chef du gouvernement, serait synonyme de manquement à l'obligation de réserve et au devoir de solidarité. Et c’est justement là où Abid Briki s’est fait prendre. Il a séché un conseil des ministres pour recevoir dans son bureau le nouveau secrétaire général de l’UGTT Noureddine Tabboubi sans en avoir avisé préalablement le chef du gouvernement.
Sur un autre plan, Briki qui était secrétaire général du syndicat de l’enseignement secondaire, s’est trouvé dans une position embarrassante face au conflit qui oppose ses successeurs au ministre de l’éducation Néji Jalloul. Un vrai dilemme, d’autant plus que l’escalade monte chaque jour d’un cran et la rupture entre les deux parties est presque consommée. On dit même que Abid Briki aurait refusé de valider la demande de mettre fin aux contrats de « plein temps » syndical en vertu desquels les enseignants membres des syndicats de l’enseignement de base et de l’enseignement secondaire sont rétribués sans avoir à assurer leurs heures de travail effectif.
Un homme averti en vaut deux
La rapidité avec laquelle Youssef Chahed a anticipé la démission annoncée de Abid Briki, qui était à la tête d'un ministère important et qui de surcroît bénéficie du soutien de la centrale syndicale, et au-delà des raisons précédemment citées, contient un message clair et un avertissement à peine voilé adressé aux autres membres de son équipe qu'il n'est plus question de tolérer les écarts ni les manquements au devoir de discipline. Ni encore moins cette propension à s'afficher dans les médias et chercher à se placer dans les sondages. Un membre du gouvernement est limogeable à tout instant. Dans l’interview diffusée dans la soirée de dimanche par la chaîne El Hiwar Ettounsi, il a été précis. « Le réaménagement de l’équipe gouvernementale figure parmi les attributions du Chef du gouvernement. Tous les ministres sont soumis à une évaluation permanente. Si l’on constate que l’un des ministres ou des secrétaires d’État est défaillant, il sera limogé ». Un message clair à tous les membres du gouvernement. Un homme averti en vaut deux !
Toutefois, face aux nombreux défis, Youssef Chahed a besoin, pour réussir, d'une véritable équipe de choc, restreinte et unie, avec et autour de lui. Une équipe dont les membres allient expérience, sens de l'Etat et du devoir, beaucoup plus soucieux de l'intérêt général que de l'intérêt partisan ou particulier et qui échappe aux clivages politiques.
Brahim OUESLATI
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