L’intolérable provocation de l’ambassadeur
L’image reste vivace dans toutes les mémoires. Les réseaux sociaux n’existaient pas à l’époque sinon elle aurait eu une diffusion virale. Cela n’a pas empêché que l’enregistrement du journal télévisé de l’époque ne soit vu par plus d’un million d’internautes lorsqu’il a été placé sur Youtube sous forme d’archives.
On était en 1996, le président français de l’époque Feu Jacques Chirac décida de se promener dans la vieille ville arabe d’Al-Qods occupée. Cela n’était pas du goût des forces d’occupation qui ont tout fait pour l’en dissuader rendant sa promenade impossible. Exaspéré et dans un accès de colère il a menacé d’interrompre son voyage et de rentrer à Paris en ajoutant « this is provocation », traduisez : Ceci est une provocation.
Cette image ne peut pas ne pas sauter à l’esprit, lorsque, l’ambassadeur d’Allemagne Peter Prügel déclara sans crier gare et en public : « les Israéliens sont victimes du terrorisme palestinien ». Ni le lieu, le collège de Mhamdia, ni l’occasion, une cérémonie d’inauguration en présence du ministre de l’Education et du gouverneur de Ben Arous ne se prêtaient à un tel écart de langage à un moment où les Tunisiens vivent dans leur chair les bombardements incessants de l’armée sioniste et les massacres de milliers de palestiniens à Gaza qui font l’objet d’un véritable génocide à ciel ouvert tout en étant privés aussi d’eau, d’électricité et de vivres.
Le ministre Mohamed Ali Boughdiri a eu la présence d’esprit de lui répliquer sur le champ affirmant que la Tunisie n'a pas de problème avec les Juifs et n'a pas participé à l'Holocauste. "Les Juifs ont coexisté avec les musulmans en Tunisie depuis des milliers d'années, et en Palestine, les musulmans priaient le vendredi, les Juifs le samedi et les chrétiens le dimanche, sans problème", a poursuivi Boughdiri. Il a affirmé que la position du gouvernement tunisien était claire, soutenant la cause palestinienne et la création d'un État palestinien indépendant avec Jérusalem comme capitale.
L’ambassadeur a tenu d’édulcorer ses propos en adressant « une clarification » aux médias dans laquelle il se dit "désolé de voir ses propos repris de manière incomplète et erronée dans les médias", réaffirmant la volonté de son gouvernement à "trouver une issue au conflit et soutenir les habitants civils à Gaza". Il souligna que son pays était « également, désolé pour la souffrance des habitants de Gaza et des victimes palestiniennes ». « Cependant, nous exprimons notre sympathie avec toutes les victimes de ce conflit : les Palestiniens, les Israéliens et les étrangers. Nous ne pouvons ignorer que la surenchère actuelle résulte d’une attaque terroriste barbare entrepris par Hamas sur Israël".
Ainsi il reprend la même argumentation de la soi-disant « barbarie » du mouvement Hamas qualifié de « terroriste » alors qu’il s’agit d’un mouvement de résistance qui tire sa légitimité de son combat contre des forces d’occupation qui exercent depuis plus de quinze ans un blocus total sur la bande de Gaza, une immense prison entourée d’une barrière ayant coûté plus d’un milliard de dollars et dont les habitants (2,2 millions d’âmes dans une minuscule bande de terre) sont réduits à survivre grâce à l’aumône des organisations caritatives internationales.
En voulant se dédouaner le diplomate commet l’intolérable impair de mettre sur un pied d’égalité la victime, la population civile de Gaza et le bourreau, l’armée d’occupation sioniste dotée des moyens militaires les plus sophistiqués y compris ceux interdits par les lois internationales comme les bombes de phosphore blanc comme l’affirme l’ONG Human Rights Watch et qui ne se prive de les utiliser pour tuer le plus de personnes possibles et mutiler les survivants à vie.
La position de l’Allemagne est certes connue et son chancelier a été parmi les premiers à marquer son alignement sur les Etats-Unis dans son soutien à l’entité sioniste mais la provocation délibérément faite par l’ambassadeur allemand est à tout point de vue intolérable.
L’incident n’est pas clos tant que ce dernier n’est pas convoqué au ministère des Affaires étrangères pour qu’une protestation officielle lui soit signifiée. Ce serait lui faire un grand honneur de le recevoir au niveau du ministre ou du secrétaire d’Etat, ceux-ci qui peuvent charger le directeur chargé des relations avec l’Allemagne de cette tâche. Cette intolérable provocation ne doit pas passer sans une ferme réaction officielle.
RBR
Votre commentaire