Loin de la polémique, la symbolique d’une visite

Loin de la polémique, la symbolique d’une visite

 

La polémique autour de la signature du mémorandum d’entente entre les Etats Unis d’Amérique et la Tunisie par le ministre conseiller  Mohsen Marzouk et le secrétaire d’état américain John Kerry et l’absence du ministre des affaires étrangères Taieb Baccouche ont failli éclipser la symbolique de la visite du Président de la République Béji Caid Essebsi à l’invitation de son homologue américain Barack Obama. Cette visite revêt, en effet, une symbolique particulière en raison des relations séculaires entre les deux pays et d’une amitié de plus de deux siècles. Il faut remonter à la fin du 18 ème siècle, pour trouver les traces d’un accord  d’amitié et de commerce conclu, le 26 mars 1799, entre la Tunisie et les Etats-Unis. Elle intervient en mai, un mois riche en histoire. C’est le 22 mai 1946 que le consulat américain a été élevé au rang de consulat général. Et c’est encore le 17 mai 1956 que Washington reconnut la souveraineté de la Tunisie. Et c’est enfin du 3 au 5 mai 1961, que  le président Habib Bourguiba effectua sa première visite historique aux États-Unis. Effet du hasard ou calcul prémédité ?

La Tunisie constitue un allié important des Etats Unis en Afrique du Nord. Même les quelques nuages qui ont, à un moment ou un autre, assombri les rapports entre les deux pays ont vite été dissipés. Quand le 1er octobre 1985, l’aviation israélienne bombarda le paisible village de Hammam Chatt tuant 68 personnes innocentes entre Tunisiens et Palestiniens, la Maison Blanche avait approuvé le raid israélien le jugeant comme «  une réponse appropriée à des actes de terrorisme est un acte légitime d'autodéfense ». Mais elle a dû revoir sa position, face à la réaction du Président Habib Bourguiba qui, devant l’ambassadeur américain, avait prononcé cette phrase restée célèbre  «  Je suis dans la situation d'un homme qui a toujours cru à la fidélité de son épouse, qui découvre au terme de cinquante années qu'il a été trompé et qui se demande s'il n'a pas été trompé depuis le début ».  La suite on la connait. Le conseil de sécurité de l’ONU avait condamné Israël et Washignton n’avait pas utilisé son véto habituel, optant pour l’abstention. Et c’était un certain Béji Caid Essebsi, alors ministre des affaires étrangères, qui avait présenté et défendu le dossier tunisien.

Après une première visite effectuée en sa qualité de chef du gouvernement de transition en octobre  2011, Béji Caid Essebsi a retrouvé Obama, cette fois en tant que Chef d’Etat. Au-delà du côté protocolaire de cette cérémonie de signature du mémorandum d’entente entre les deux pays par le ministre conseiller Mohsen Marzouk avec le secrétaire d’état américain John Kerry et de l’absence du ministre des affaires étrangères Taieb Baccouche et qui a failli éclipser le fond même de la visite , le Président de la République a eu droit à plusieurs égards de la part de ses hôtes. Il a rencontré tous les hauts responsables de l’administration américaine, le Président Obama, le secrétaire d’Etat John Kerry, le secrétaire d’état à la défense, les secrétaires d’état au trésor et au commerce en plus des hommes d’affaires. Les honneurs qui lui ont été faits dépassent sa propre personne pour toucher la Tunisie et les Tunsiens. De même que le mémorandum signé  entre les deux pays marque le début d’une nouvelle étape et met les jalons d’une nouvelle forme de coopération stratégique à long terme en vue « d’instaurer un partenariat plus solide et diversifié entre la Tunisie et les Etats Unis ».

La visite a été, également, une occasion propice pour le Chef de l’Etat pour rappeler à son homologue américain les engagements pris lors du sommet du G8 de Deauville en France au mois d’octobre 2011 auquel il avait été invité. Elle intervient aussi, à quelques jours d’un nouveau sommet des sept grands du monde prévu à Berlin en Allemagne le 7 juin prochain et qui verra la participation du Président tunisien.

Cette visite si elle doit avoir une certaine lucidité historique, elle doit, néanmoins être orientée vers l’avenir. Le pays aborde un tournant de son histoire plein de dangers et de risques, sécuritaire, économique et social. Il a besoin d’un large soutien international pour l’aider à sortir du marasme dans lequel il s’est empêtré. Sans parler des répercussions de la situation inextricable dans la Libye voisine et les menaces terroristes qui planent sur son toit. Les promesses formulées par les pays étrangers et les institutions internationales doivent être tenues.

L’avenir nous le dira.

Brahim OUESLATI