Lu dans l’OBS : Désillusions tunisiennes Par Sara Daniel

Lu dans l’OBS : Désillusions tunisiennes Par Sara Daniel

Sara Daniel, la fille de Jean Daniel qui, comme son père, connait bien la Tunisie, à laquelle elle a consacré sa chronique hebdomadaire dans l’Obs de ce jeudi 19 Janvier 2023.  Sous le titre « désillusions tunisiennes », elle entame son papier par citer l’historienne tunisienne Sophie Bessis qui a écrit dans « dans sa passionnante « Histoire de la Tunisie, de Carthage à nos jours » (Tallandier), « la Tunisie de toute éternité ? « Une géographie particulière, une large ouverture sur une mer emblématique, une urbanité inscrite sur son sol depuis des millénaires, un mélange inédit de populations et de culture, l’existence multiséculaire d’un Etat, voilà ce qui aurait contribué à donner à ce pays sa configuration particulière ». Ainsi le pays tire-t-il une grande fierté d’avoir été le premier pays musulman à instaurer l’égalité entre hommes et femmes, et d’être la première démocratie arabe. Même sa « révolution du jasmin » s’est faite sans que le sang soit versé, ou presque. Las, douze ans après la chute du dictateur Ben Ali, il ne reste plus grand-chose de cette exception tunisienne…

Elle rappelle ensuite comment en l’été 2021, le président de la République « Kaïs Saïed avait décrété le pays ingouvernable, limogé son Premier ministre et gelé le Parlement. Depuis, il dirige le pays par décret. Il a réformé la Constitution cet été pour renforcer ses pouvoirs, puis dissous le Parlement début 2022. En décembre 2022, un scrutin législatif avec un taux d’abstention de 89 % (record mondial de la plus faible participation à une élection) a élu une Assemblée impuissante. »

 Elle ajoute que « les Tunisiens, qui avaient en grande partie soutenu le coup de force de Kaïs Saïed, parce qu’il paraissait pouvoir les sauver de la corruption des islamistes, lui reprochent la détérioration de leur niveau de vie. Il a été divisé par deux : la pauvreté touche désormais 20 % des 12 millions d’habitants et 70 % des habitants ne mangent de la viande que pour l’Aïd. Les inégalités entre le littoral touristique et l’intérieur du pays ne cessent de croître. L’Etat, au bord de la faillite, peine à financer l’importation des produits de première nécessité – les pénuries de lait, sucre, pâtes et café sont chroniques. De nouveaux oligarques sont apparus depuis la révolution et la victoire des islamistes, souvent financés par la Turquie, qui a réussi à réorienter à son profit les flux commerciaux du pays, ce qui a le don d’exaspérer les Tunisiens.

Comme le constate Pierre Vermeren, un des meilleurs spécialistes universitaires du Maghreb,:« le pays s’est ensauvagé.Plus personne ne respecte les lois en vigueur. Chacun peut à sa guise s’emparer d’un terrain public, voire privé pour son usage personnel ».

Quant à l’école, autrefois fierté nationale et principal acquis du régime bourguibien, sa déliquescence est brutale : « A observer les milliers d’enfants redevenus gardiens de troupeaux dans les campagnes du nord du pays, misère rurale et déscolarisation marchent de pair », regrette Vermeren….

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