Pour que la loi sur l’économie sociale et solidaire ne reste pas lettre morte

Pour que la loi sur l’économie sociale et solidaire ne reste pas lettre morte

Par Amine Ben Gamra, Expert-Comptable

Un projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire (ESS) a été adopté récemment par l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP). C’est le premier cadre législative réglementant l’ESS en Tunisie. Mais, à lui seul, il ne suffit pas à impulser un secteur dont on attend beaucoup en termes de créations de richesses et d’emplois.

L'économie sociale et solidaire (ESS) désigne la branche de l'économie regroupant les entreprises et les organisations (coopératives, associations, mutuelles ou fondations) qui cherchent à concilier activité économique et équité sociale. 

Les organisations de l'économie sociale adhèrent à des principes fondateurs, parmi lesquels : la recherche d'une utilité collective, la non-lucrativité ou la lucrativité limitée (bénéfices réinvestis au service du projet collectif) et une gouvernance démocratique.

Est-ce que c’est nouveau en Tunisie ?

Les entités d’économie sociale et solidaire englobent, selon le nouveau texte, « les coopératives, les sociétés coopératives des services agricoles, les groupements de développement agricole, les associations coopératives, les associations de micro-crédits et les mutuelles d’assurances à caractère collaboratif ».

Mais on a déjà un cadre réglementaire régissant les coopératives, les mutuelles et les associations. D’abord, les coopératives sont déjà régies par la loi n°4-1967 du 19 juin 1967, portant statut général de la coopération. Ensuite, les mutuelles sont déjà régies par le décret beylical du 18 février 1954. Enfin, les associations sont soumises au décret-loi de 2011.

La loi relative à l’ESS va-t-elle atteindre ses objectifs ?

Ce projet de loi vise, selon les dires des députés, à mettre en place en Tunisie le premier cadre législatif réglementant l'économie sociale et solidaire en vue de développer la création d'emplois et impulsion la croissance économique.

Mais comment atteindre ces objectifs en l’absence d’une stratégie de l’Etat en la matière ? Aujourd’hui, il n’existe pas une politique de l’ESS. Cette absence, conjugué à  l’absence d’une compréhension précise et partagée du concept de l’ESS, aux problèmes de gouvernance et à un accès limité au financement annihile toute possibilité de développement de ce secteur en Tunisie.

Recommandations pour que l’ESS joue un rôle en Tunisie 

La pérennité de l’économie sociale et solidaire repose sur des sources de financements stables et récurrentes. Dans ce cadre, il est nécessaire de répondre aux besoins financiers des opérateurs du secteur en envisageant la mutation du microcrédit à la micro-finance solidaire, de favoriser la création de banques coopératives et d’institutions de micro-assurance. 

Aussi, il y a lieu de mettre en place un plan national de formation et un plan de communication pour promouvoir la promotion de l’ESS et de lui fixer un cadre stratégique de développement à travers des axes et un plan de mise en œuvre pour les prochaines années.

Enfin, pour permettre, à l'économie tunisienne de faire de l’ESS un réel levier de croissance inclusive en faveur de la création de richesses et d'emplois, il est primordial de doter la Tunisie d’un cadre fiscal, comptable et des règles de gouvernance et de bonne gestion spécifiques à ce secteur pour mieux définir les axes et les leviers qui permettront aux différents acteurs de l'ESS de jouer efficacement leur rôle dans le nouveau modèle de développement de la Tunisie.
 
Amine BEN GAMRA
Expert-Comptable
Commissaire Aux Comptes
Membre de l'Ordre des Experts Comptable de Tunisie

 

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