Reconnaître un État sous occupation : les précédents de l’histoire

Reconnaître un État sous occupation :  les précédents de l’histoire

La reconnaissance de l’État de Palestine par la France et d’autres pays européens marque un tournant diplomatique majeur dans un contexte de conflit persistant. Avec désormais plus de 145 États ayant accordé ce statut, la Palestine s’impose de plus en plus sur la scène internationale, même sans souveraineté territoriale réelle. De la Namibie à l’Asie du Sud-Est, l’histoire a montré que la reconnaissance d’un État peut précéder sa libération, devenant un instrument politique destiné à soutenir un peuple en lutte pour son autodétermination.

La reconnaissance d’un État suppose-t-elle nécessairement son indépendance effective et son contrôle total sur son territoire ? L’histoire démontre le contraire. Plusieurs nations ont été reconnues alors qu’elles étaient encore sous occupation ou privées de souveraineté réelle. La récente décision de la France et d’autres pays occidentaux de reconnaître l’État de Palestine relance ce débat complexe et hautement politique.

La Palestine : entre occupation et reconnaissance internationale

En novembre 1988, Yasser Arafat proclame à Alger l’indépendance de l’État de Palestine. À cette époque, et encore aujourd’hui, la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est restent largement sous occupation israélienne. Malgré cette absence de souveraineté territoriale, plus de cent pays décident de reconnaître la Palestine comme un État.

Une étape majeure survient en 2012 lorsque l’Assemblée générale des Nations unies accorde à la Palestine le statut d’État observateur non membre. Cette avancée symbolique confère une visibilité diplomatique accrue, sans pour autant donner à la Palestine les prérogatives d’un membre à part entière.

En septembre 2025, la dynamique s’accélère : après plus de deux ans de guerre à Gaza, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et le Portugal reconnaissent officiellement l’État palestinien. Le lendemain, la France, ainsi qu’une dizaine d’autres pays européens (Belgique, Luxembourg, Malte, Andorre, Saint-Marin…), annoncent à leur tour une reconnaissance formelle lors de l’Assemblée générale de l’ONU.

Selon les décomptes diplomatiques les plus récents, au moins 145 États membres de l’ONU reconnaissaient déjà la Palestine avant cette vague. Avec les nouvelles annonces, ce chiffre franchit un seuil historique, renforçant la légitimité internationale des revendications palestiniennes, malgré une réalité toujours marquée par l’occupation et les affrontements.

La Namibie : l’indépendance reconnue avant la libération

La Namibie constitue un précédent marquant. Après la Première Guerre mondiale, ce territoire est placé sous mandat sud-africain. Pretoria impose une administration de type colonial, prolongée bien au-delà de la fin des mandats de la Société des Nations.

Dès 1973, les Nations unies reconnaissent le mouvement de libération SWAPO comme représentant légitime du peuple namibien. En 1981, une indépendance « théorique » est proclamée, mais la Namibie reste de facto sous contrôle sud-africain. Ce n’est qu’en 1990, après une longue lutte armée et diplomatique, que l’indépendance devient effective.

Le Timor oriental : un État proclamé puis étouffé

En 1975, à la faveur de la décolonisation portugaise, le Timor oriental proclame son indépendance. Mais l’Indonésie voisine envahit aussitôt le territoire et l’annexe. Malgré cette occupation brutale, plusieurs pays et organisations internationales continuent de considérer le Timor comme une nation à part entière.

La situation ne se débloque qu’après un référendum supervisé par l’ONU en 1999, où la population choisit massivement l’indépendance. Le Timor oriental devient finalement un État souverain en 2002, près de trente ans après sa première proclamation.

Reconnaître un État occupé : un geste avant tout politique

Ces exemples, de la Palestine à la Namibie en passant par le Timor oriental, illustrent une réalité fondamentale : la reconnaissance d’un État est autant un acte politique qu’un acte juridique.

Elle ne garantit pas la maîtrise du territoire.

Elle peut être une forme de soutien diplomatique à une cause nationale.

Elle exerce une pression sur la puissance occupante.

Elle prépare le terrain à une indépendance future, en inscrivant la légitimité de cet État dans les relations internationales.

La récente reconnaissance de la Palestine par la France et plusieurs alliés occidentaux confirme cette logique : même sans souveraineté effective, un État peut être consacré par la communauté internationale comme une entité légitime, dotée du droit imprescriptible à l’autodétermination.

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