"Thalathoun" à Carthage: Un hommage posthume à Fadhel Jaziri

À la suite du décès du cinéaste et homme de théâtre Fadhel Jaziri, le Festival international de Carthage a organisé le 17 août une soirée de projection spéciale de l’un de ses films emblématiques « Thalathoun ».
Un moment fort en émotion, salué par le public et les professionnels du milieu venus célébrer la mémoire d’un artiste qui a marqué l’histoire culturelle tunisienne. Cette projection spéciale vise à saluer l'immense contribution de Jaziri au cinéma tunisien et à la culture nationale d’une manière générale, rappelant à tous l'empreinte indélébile qu’il a laissée à travers son œuvre engagée et novatrice.
« Thalathoun » doit son nom aux années trente, une période tumultueuse dans l’histoire de la Tunisie moderne. Créé en 2008 et projeté aux Journées cinématographiques de Carthage en 2010, il est réalisé par Fadhel Jaziri qui a également participé à l’écriture du scénario avec Aroussia Naloutiil. A l’affiche, Rami Afana dans le rôle de Mohamed Ali El Hammi, Ali Jaziri pour Tahar Haddad, Maher El Hefidhi qui incarne Abou el Kacem Chebbi et Walid Nahdi campant Ali Douagi.
Le film en noir et blanc alterne des scènes fictives filmées et d’autres réelles des archives. Il s’ouvre sur des manifestations illustrant les prémices du mouvement syndical, avec Mohamed Ali El Hammi en tête. Cette résilience lui a valu 10 ans d’exil pour « résolution de démettre le gouvernement ». Durant ce parcours de combattant, le créateur du film a imaginé des relations qui auraient existé, ou auraient pu exister, entre Mohamed Ali El Hammi, Ali Douagi, Abou el Kacem Chebbi et Taher Haddad. Ce long métrage peint en parallèle le portrait de la société tunisienne avec ses coutumes et son esprit sclérosé s’opposant à tout renouveau.
Dans un contexte politique particulièrement agité, ces jeunes portaient un esprit réformateur et des idées avant-gardistes, en avance à leur époque. Taher Haddad, qui s’est consacré à défendre les droits de l’homme et l’émancipation de la femme à l’époque où le patriarcat était la règle absolue, a récolté une vive opposition .L’imaginaire poétique de Chebbi, « le jeune prodige », lui attirait sarcasme et ironie, allant jusqu’à des réactions plus violentes.
Livres censurés, arrestations, complots.. Le destin tragique de ces figures historiques n’a pas dissuadé leur influence prépondérante sur la Tunisie moderne.
« Thalathoun » traduit la vision de Fadhel Jaziri qui a toujours cru en cet élan de changement chez la jeunesse. Il transcende par son œuvre la simple esthétique pour provoquer une prise de conscience et inciter à réfléchir. Le choix de ce film pour commémorer la disparition de son metteur en scène reflète ainsi l’importance de son héritage artistique engagé et souligne la capacité de l’art à questionner le présent en puisant dans la mémoire collective.
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