Tourisme: Les chiffres hallucinants de l'endettement du secteur hôtelier en Tunisie
Quatre milliards de dinars, c'est le montant de l'endettement global du secteur de l’hôtellerie en Tunisie. C'est du moins ce qu'annoncent les dernières statistiques de la BCT de l’année 2014. Le montant des créances classées s’élève, lui, à 2,3 milliards de dinars, qu’il faut distinguer des créances litigieuses estimées, elles, à 1,4 milliard de dinars.
C'est au cours d'un débat organisé samedi 21 mai à Hammamet sur l’endettement du secteur touristique organisé par l’Association pour la promotion du tourisme tunisien qu'ont été révélés ces chiffres hallucinants. Et ce, en présence d’Ahmed El Karm, président de l’Association professionnelle tunisienne des banques et des établissements financiers, et de Radhouane Ben Salah, président de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH).
Lors de l’ouverture du débat, Hichem Hajri, Président de l‘Association pour la promotion du tourisme tunisien a souligné que « Cet endettement est resté sans réponse depuis belle lurette.Si les banques attribuent leurs difficultés de liquidité à l'importance des créances impayées du secteur touristique, les hôteliers attribuent leurs endettements à des pratiques bancaires non conformes aux dispositions réglementaires au niveau du taux d'intérêt appliqué aux hôteliers, aux méthodes de calcul et de perception des intérêts entraînant des augmentations exponentielles irrégulières de leurs dettes.
Du coup, depuis quelque temps, de plus en plus de voix s’élèvent pour protester contre l’absence de mesures efficaces en faveur des hôteliers super endettés». Dans une situation morose, la rentabilité du secteur de l’hôtellerie reste négative. Pire encore, elle ne cesse de se détériorer depuis quelques exercices. Cette situation s’est aggravée par la hausse des charges d’intérêts due à un endettement important.
Ridha Taktak, un des hôteliers et membre à la FTH, a expliqué que les difficultés sont énormes et les autorités nous font la sourde oreille. « On est en train de rembourser plus de 600% du montant durant ces 20 ans. C’est aberrant. On nous taxe fortement alors que nos hôtels sont presque vides depuis la révolution ».
Mounir Sahli, expert en tourisme, a reconnu que l’endettement hôtelier est le problème numéro 1 du tourisme en Tunisie. « Les hôteliers ne sont pas les seuls responsables. La résolution de ce problème passe par une collaboration étroite entre le ministère des Finances et celui du Tourisme et de l'Artisanat ainsi que les organisations professionnelles afin de permettre une meilleure visibilité et un meilleur positionnement des problèmes qui se posent aux hôteliers. Aussi, serait-il une priorité d'établir une « feuille de route transversale » qui traduirait les attentes des différents acteurs de l'hôtellerie et de toutes les composantes du tourisme et qui identifierait les actions ayant un impact immédiat sur l'économie du tourisme.
Zakaria Zgolli a reconnu que le projet de loi relatif à la société de gestion, rejeté par l’ARP était plutôt une tentative de spoliation. Myriam Boujbel et Mouna Ben Hlima Allani n’ont pas mâché leurs mots « Les bons hôteliers doivent continuer à gérer l’hôtellerie alors que les mauvais doivent assumer leurs responsabilités. Les banques doivent trancher et chaque retard corse la situation du secteur".
Ahmed Karam, en sa qualité de Président de l'association Professionnelle des Banques, a appelé à mettre fin à cet endettement en autorisant une composante immobilière sur les terrains hôteliers, en payant en devises les allotements et en développant les réservations électroniques. Bref, l’endettement, si besoin est, doit servir à financer l’investissement créateur de revenus et d’emplois.
A noter beaucoup d'intervenants ont pointé du doigt la mauvaise foi des banquiers et déploré les réglementations mises en place, notamment en 2000, pour les protéger des «abus» que les hôteliers leur reprochent.
Le manque de volonté politique pour resoudre le problème de la dette des hôteliers a été largement dénoncé. Ces dettes risquent encore de s'aggraver au regard des perspectives du secteur touristique pour la saison 2016-2017. Dans ce sens, le gouvernement doit prendre le taureau par les cornes et engager sans tarder les réformes structurelles avec les professionnels. Par ailleurs, une vingtaine d'hôtels actuellement mis en vente n'ont toujours pas trouvé preneurs.
Voir ici le reportage photos de la manifestation.
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