Trump président: Le naufrage des sondages et des médias américains
"Un sondage n'est pas un substitut à la réflexion.” Warren Buffett
Nous avons assisté à un séisme politique à forte magnitude aux États-Unis. Donald Trump, a remporté l’élection américaine. C'est un « Brexit » à la puissance 100.
C'est d'abord un bras d'honneur contre les fameuses « élites » malmenés par le milliardaire yorkais lui-même coupé du peuple. C’est aussi un rejet de Hilary Clinton, cette responsable politique de premier plan, au pouvoir depuis fort longtemps et qui était le symbole d'un système libéral entre les mains d’une oligarchie que la plupart des électeurs rejettent de plus en plus depuis quelques années.
La participation, une bonne surprise
Une carte des États-Unis dominée par le rouge des Républicains. Voilà l'image qui a marqué l'élection présidentielle américaine.
· Le taux de participation à cette élection s'est élevé à 55,6 %. Les chiffres de participation au scrutin de 2016 placent ce dernier un peu au-dessus de la moyenne entretenue depuis les années 1960 (54,5 %).
· Trump est élu avec moins de voix que Hillary Clinton. Il obtient 58,97 millions de voix et elle 59,11, soit 200 000 de moins sur un total de 225 millions d'électeurs inscrits. Comment est-ce possible ? Aux États-Unis, le candidat arrivé en tête dans un État remporte la totalité des grands électeurs correspondants. Ce sont eux qui élisent formellement le président. Ainsi, en arrivant en tête en Floride, Donald Trump a récupéré 18 grands électeurs et Hillary Clinton, zéro.
· Le vainqueur a non seulement rassemblé moins de voix que son adversaire, mais seulement 26 % des électeurs inscrits. Pour le dire autrement, 74 % des électeurs n'ont pas voté Donald Trump… Jolie la démocratie !
· Donald Trump est ainsi le cinquième président élu à la Maison Blanche alors qu'il a récolté moins de voix que son adversaire au niveau national. Une telle situation est déjà arrivée en 1824 avec John Quincy Adams, en 1876 avec Rutherford B. Hayes, en 1888 avec Benjamin Harrison et en 2000 avec George W. Bush.
Qui a voté pour qui ?
1.Une disparité entre les villes et le monde rural
Les résultats symbolisent la fracture entre les habitants des grandes villes, qui ont voté à 59 % pour Hillary Clinton, et ceux des campagnes, à 62 % pour Donald Trump dans les anciens bastions industriels et ouvriers des Grands Lacs (Michigan, Pennsylvanie, Ohio etc.). Là où se sont développés les syndicats ouvriers et où les crises industrielles ont été les plus fortement subies sans véritable accompagnement social ou économique.
2.Le vote des femmes pas d’impact significatif sur Trump
"Quand on est une star, elles nous laissent faire. On fait tout ce qu'on veut. (...) Les attraper par la chatte… On peut tout faire !" Les propos machistes de Donald Trump et les accusations d'agressions sexuelles contre lui ne semblent pas avoir eu d'impact significatif sur le vote des femmes. 42 % d'entre elles ont voté pour le candidat républicain.
3.Le vote blanc acquis à Trump
Du côté de Trump, l'électeur type est un homme plutôt âgé de plus de 45 ans vivant dans une petite ou moyenne ville, sans diplôme, gagnant plus de 50.000 dollars par an. Il domine de 20 points sa concurrente chez les électeurs blancs (58 % contre 37 %). Un écart qui monte à 32 points d'écart chez les seuls hommes blancs et à dix points chez les femmes blanches. Il a su mobiliser un électorat populaire, très majoritairement blanc, peu diplômé et dans de grandes difficultés, qui s'est trouvé un champion qui leur parlait de leurs difficultés quotidiennes et semblait vouloir « dégager » l’Establshment.
Le naufrage des sondeurs
Le résultat de l'élection présidentielle américaine a pris tout le monde par surprise. La majorité des sondages prévoyaient une victoire de la candidate démocrate Hillary Clinton. Cet échec des instituts de sondages en rappelle celui du 23 juin, où presque toutes les enquêtes donnaient probable le maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne. « Mister Brexit », comme Donald Trump aimait se faire appeler pendant la campagne, avait donc vu juste.
Donald Trump n'a cessé de critiquer les sondages et les médias pendant sa campagne. Il l'avait clamé : « Je pense que les sondages sont bidon. » Il n'avait pas tort. Sur les 20 plus grands organismes de sondages des États-Unis, dont les puissantes chaînes de télévision, les journaux et agences de presse qui avaient mené plus de 80 enquêtes depuis la mi-septembre, seul un, le journal Los Angeles Times associé à USC Tracking, a invariablement donné l'avantage à Donald Trump.
Apparemment, personne n'a anticipé l'immense ras-le-bol des électeurs, et notamment des blancs, dans les banlieues et les régions rurales, le désamour grandissant vis-à-vis de Hilary Clinton qui est la représentante de l’Establishment et de l’oligarchie…
Le naufrage des médias!
Si les journalistes sont de moins en moins crédibles, c'est parce qu'il existe une oligarchie médiatique qui ne représente ni l'opinion, ni la société, mais elle-même, et qui vit en symbiose avec l'élite politique. Les médias traditionnels sont pris à partie parce que, eux non plus, n’avaient rien vu venir. Pire, ils ont largement soutenu la candidate démocrate. Plus de 200 journaux ont pris position pour Hillary Clinton, contre six seulement pour Donald Trump.
En 1992 déjà, le sociologue français, Dominique Wolton, évoquait la dictature des « chiffres » et les dérives que cela pouvait engendrer : « Médias et sondages sont considérés comme des capteurs essentiels des problèmes à venir, alors même que la plupart du temps ils ne font qu'enregistrer ce qui survient et n'ont pas vocation à une fonction anticipatrice. Et c’est là que réside la contradiction. Anticipation qu'ils n'apportent pas souvent car tel n'est pas le rôle (...) Chiffrer une information lui donne incontestablement une légitimité plus forte. C'est ainsi d'ailleurs que les journalistes ont de plus en plus tendance à s'abriter derrière les chiffres des sondages et à produire moins d'informations spécifiquement de presse. » Une analyse pertinente 25 ans plus tard que les récents échecs des sondages confirment cette collision entre sondages, médias et politiques.
Hilary Clinton avait raison pour une fois en déclarant que “Les sondages ne votent pas, ce sont les gens qui votent.” Elle a été entendue et les Américains se sont déplacés pour la sanctionner.
AK
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