Tunisie - La petite épargne, un moteur de croissance rurale
Dans ce petit exposé, je ne parlerais pas de l’effet de l’épargne sur la croissance économique, un sujet qui nourrit encore des débats très vifs entre économistes, mais je traiterais brièvement de la relation entre la «petite épargne» et la «croissance rurale», en évitant de m’emmêler les pinceaux dans mes calculs.
Au 30 juin 2012, la Tunisie compte 24 banques avec 1424 agences reparties sur le territoire, et un ratio moyen de 7500 H/A (Habitants/Agence).
On enregistre le ratio le plus bas à Tunis (2933), les plus hauts à Kasserine (27.313), Sidi Bouzid (23.111) et à Siliana (19.583) : des constats alarmants !
Le tableau ci-dessous récapitule ce ratio par région :
On note la grande disparité entre les régions, et une évidente corrélation avec l’activité économique et le chômage conséquence directe d’un accès quasi-absent aux crédits.
LES BANQUES ET LES ZONES RURALES
Si les banques tunisiennes n’ont pas de filiales dans les zones rurales, c’est que la population n’a pas encore la «culture bancaire». Mais les banquiers de la place ne font rien pour attirer les petits épargnants : DES MILLIONS.
En Tunisie, le taux de pénétration des agences bancaires par habitant est bien en dessous de la moyenne mondiale. Constat explicable aussi par le fait que les services bancaires sont assez coûteux et conséquemment en limitent l’accès à des populations disposant en majorité de maigres ressources qui s’enlisent de plus en plus dans le paupérisme.
Fait plus grave, l’accès aux crédits et microcrédits est difficile voire impossible pour ces régions défavorisées et faiblement industrialisées.
LE TUNISIEN ET L’EPARGNE
La grande majorité des travailleurs journaliers, les petits commerçants et artisans, n’ont pas de comptes bancaires. Cette catégorie de Tunisiens préfère garder ses revenus chez eux et ne trouvent pas un intérêt à avoir des comptes en banque et d’épargne faiblement rémunérés.
Cela va sans dire que les retraités (CNRPS : 247.000 en 2012) gardent leurs pécules chez eux, puisque la grande majorité perçoit sa pension par mandat postal, c’est plus simple, surtout pour les veuves qui sont parfois analphabètes : vivement les bas de laines pour les économies !
Certains petits commerçants, préfèrent, comme à l’ancienne, investir dans de l’or ou dans des petits lots de terrains : seules valeurs sures.
Il s’agit de milliards de dinars hors du circuit financier pour la promotion des investissements.
Aujourd’hui, les ménages tunisiens, surendettés, essayent de renverser la vapeur, en rationalisant leurs revenus, surtout avec la nouvelle circulaire de la Banque Centrale qui réglemente les crédits ménagers, au grand dam des économistes qui prêchent qu’une économie qui ne s'endette pas assez, est une économie qui ne croit pas en l'avenir.
RECOMMANDATIONS
L’épargne n’est pas seulement utile pour générer des profits, ou pour les investissements, mais aussi pour protéger les foyers contre les aléas économiques et les aider à amortir les chocs financiers qui peuvent replonger les familles rurales, voire urbaine, dans la pauvreté.
Aussi, un programme de BANCARISATION du pays doit être développé et mis en œuvre pour faciliter l’accès aux microcrédits à la classe pauvre des zones de l’intérieur et surtout pour la femme rurale.
Etant donné l’attitude négative envers les banques, et aussi la non rentabilité des agences bancaires dans les zones rurales, des efforts doivent être consentis pour confectionner des services bancaires bien adaptés à cette grande frange de Tunisiens qui compte des millions !
En outre, une culture financière doit être infusée à la fois aux micro-entreprises et aux travailleurs de faibles revenus, et développer au sein des banques des compétences financières pour développer et gérer la « petite épargne » et les microcrédits, et instaurer un cadre juridique de protection des petits épargnants pour les rassurer.
En Tunisie, l'expérience de la Banque postale, par sa proximité et prolifération dans les zones rurales, est une réussite, au demeurant insuffisante. Une première sur le continent africain qui commence à faire des émules, mais qui doit encourager l’épargne et surtout l’accès facile aux microcrédits.
Certains pays en Afrique, ont développé des programmes ciblant des villageois qui n’ont pas d’accès aux institutions financières.
Des programmes spéciaux peuvent être conçus pour la femme rurale, principale génératrice de richesses, qui produit de tout, des articles artisanaux aux petits produits agricoles, pour l’encourager à épargner une partie de ce qu’elle gagne, en lui accordant en retour et après une certaine période (3 ans) des microcrédits pour développer son business aussi petit soit-il. Même pour acheter des poules pondeuses !
Une BANQUE MOBILE, une expérience qui a fait ses preuves dans un pays africain, serait une solution envisageable.
Une Banque Mobile qui collecterait régulièrement les dépôts des villageois et octroierait des microcrédits pour la création ou l’expansion de petits projets générateurs de revenus durables et pourvoyeurs d’emplois :
…VOUS NE VENEZ PAS A LA BANQUE, LA BANQUE VIENT A VOUS…
Farouk Ben Ammar