Tunisie - "Les nouvelles mesures fiscales sanctionnent les bons contribuables", selon un expert

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Selon Fayçal Derbel, expert comptable, "les mesures fiscales contenues dans le projet de loi de finances pour l'exercice 2013, bien qu'elles n'aient concerné que les hauts revenus, défavorisent les contribuables transparents et n'auront aucun impact sur les fraudeurs".

Dans un entretien avec la TAP, l'expert a relevé que "le gouvernement n'a pas entamé une réforme radicale pour lutter contre la fraude fiscale, pouvant générer des ressources additionnelles dont le pays a besoin", sous prétexte qu'il n'est qu'"un gouvernement provisoire".

D'après lui, "il est nécessaire de revoir le régime forfaitaire des impôts qui ouvre la porte à la fraude fiscale, notamment dans les professions libérales".  Ce régime concerne près de 375.000 contribuables (85% du total des personnes soumises à l'impôt), alors que leur contribution ne dépasse pas 2% des ressources fiscales de l'Etat.  Il a appelé dans ce cadre à "la levée du secret bancaire" pour faciliter la tâche de l'administration fiscale dans le contrôle de nombreux contribuables.

Le nouveau projet de loi de finances comprend, a-t-il précisé, des mesures visant la réalisation de la justice fiscale dont la révision du barème de l'impôt sur le revenu (IR) des personnes physiques qui était plafonné à 35%. C'est ainsi, qu'un IR de 35% est appliqué pour les personnes dont le revenu dépasse 35.000 dinars par an et de 40% pour ceux dont le revenu annuel est de plus de 75.000 dinars.

L'expert comptable a considéré que la Tunisie qui passe, aujourd'hui, par de grandes difficultés économiques, a besoin d'améliorer sa rentabilité fiscale sans augmenter les taux d'imposition.  Le taux de pression fiscale, estimé en Tunisie à 22%, est considéré comme parmi les meilleurs taux dans le monde, mais dont une grande part, est supportée par les salariés.

Mettre en place un code général des impôts

La promulgation d'un nouveau code de l'investissement avant la fin de cette année, comme l'a annoncé le gouvernement ne peut se faire selon M. Derbel, sans une réforme globale du système fiscal qui compte quatre codes qui sont tous liés à l'investissement : le code de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et de l'impôt sur les sociétés, le code des droits d'enregistrement et du timbre fiscal, le code de la TVA et le code de la fiscalité locale.

L'expert a proposé de regrouper l'ensemble de ces code en "un code général des impôts", pour simplifier au maximum le système fiscal, considérant que la révision du code d'incitation à l'investissement ne peut se faire sans une évaluation des avantages fiscaux accordés aux entreprises tunisiennes au cours des dernières années, en vue de déterminer leur valeur globale et leur degré d'efficacité dans l'encouragement de l'investissement.

M. Derbel a appelé à évaluer le manque à gagner supporté par la communauté nationale, du fait des avantages consentis et de cerner les raisons pour lesquelles ces incitations n'ont pas atteint les objectifs escomptés.

Revoir la fiscalité des personnes physiques

L'expert comptable a indiqué que la fiscalité appliquée aux personnes physiques et notamment aux salariés soumis à des taux d'imposition importants, n'a pas été révisée depuis 1990. Ces derniers y compris ceux qui touchent le salaire minimum (SMIG), contribuent à 75% des ressources fiscales directes de l'Etat sur la base du système de retenue à la source.

Il a estimé que le relèvement du montant déduit du salaire pour le chef de famille de 150 à 250 D, ainsi que la déduction de 100 D au titre du premier enfant à charge (au lieu de 90 D auparavant), est insuffisant, proposant d'augmenter la déduction de l'impôt à 1000 dinars pour le chef de famille et à 500 dinars pour chaque enfant à charge, surtout que le nombre d'enfants a baissé dans la famille tunisienne qui compte en moyenne, deux enfants.  A ce propos, il a souligné l'importance de la mesure relative à la déduction de la base de l'impôt sur le revenu, au titre des enfants handicapés, appelant à généraliser cette mesure aux enfants étudiants qui ne bénéficient pas de bourses.

Nécessité de revoir la redevance

devant être appliquée au secteur touristique

Pour ce qui est du secteur touristique, l'expert comptable a évoqué la nouvelle mesure incluse dans la loi de finances 2013, prévoyant d'appliquer une redevance de 2 dinars par nuitée sur chaque résident dans les hôtels tunisiens, de plus de 12 ans, qui va permettre de mobiliser des ressources additionnelles pour l'Etat, d'une valeur de 50 millions de dinars. Il a jugé cette mesure "excessive" pour un secteur qui souffre de plusieurs difficultés, en raison de la conjoncture actuelle prévalant dans le pays. "L'hôtelier négocie actuellement avec les tours opérateurs, un coût global des séjours qui est généralement bas, indépendamment des charges. Il ne peut exiger d'eux de payer une redevance supplémentaire, laquelle sera donc supportée par l'hôtel et le touriste local".  "Certains hôtels tunisiens ne sont même pas capables de réaliser des bénéfices permettant de résorber cette taxe supplémentaire alors que le secteur est grevé par les dettes", a-t-il poursuivi, appelant à revoir cette nouvelle redevance et de l'adapter à la classification des hôtels.

Pour ce qui est de la redevance de 1% devant être appliquée sur le chiffre d'affaires brut des salles de jeux, des boîtes de nuit, des cafés, des restaurants et des pâtisseries et qui va générer 4 MD de revenus, il a proposé d'adapter la fiscalité selon les zones où sont implantées ces activités.  "On ne peut soumettre les cafés situés dans les quartiers chics tels que les Berges du Lac au même taux que ceux implantés dans les quartiers populaires ou dans les régions intérieures".

Mesure importante pour impulser les PME

L'expert comptable a relevé une mesure positive celle de l'exonération des petites et moyennes entreprises (PME) qui seront créées en 2013, des impôts sur les bénéfices pendant 3 ans, en vue d'encourager l'investissement et de créer des emplois. Il a également estimé que la mesure relative à l'octroi d'avantages fiscaux dans le secteur des logements sociaux, peut inciter les promoteurs à accélérer la réalisation du programme du gouvernement concernant la création de 30 mille logements, mettant l'accent sur l'importance du logement, pour assurer une vie digne aux catégories sociales à revenus limités et atténuer la tension social qui prévaut, surtout, dans les régions intérieures.

Cette mesure a pour objectifs d'exonérer les bénéfices réalisés par cette activité et d'instituer un droit d'enregistrement fixe sur les contrats de propriété, de 20 dinars.

TAP