Tunisie: Mustapha Nabli parle de prémices d'amélioration de la situation économique
Le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) Mustapha Kamel Nabli a affirmé que les prémices d'amélioration de l'économie nationale,
enregistrées en janvier 2012, sont "tangibles" et résultent de données objectives dont notamment l'accroissement des exportations des industries manufacturières, des importations de biens d'équipement et de matières premières et demi-produits, ainsi que de l'augmentation des recettes touristiques.
En réponse aux critiques et interrogations suscitées par le communiqué optimiste sur la situation économique dans le pays, publié par la BCT, le 15 février courant, à l'issue de la réunion de son Conseil d'administration, le gouverneur a précisé dans un entretien avec la TAP, que cette évolution a été constatée non seulement par rapport à janvier 2011 mais aussi à janvier 2010.
De fait, les exportations des industries manufacturières ont marqué une hausse sensible de 16 pc, au cours des 40 premiers jours de 2012 (du 1er janvier au 10 février 2012) par rapport à la même période de 2011 et de 19,8 pc, par rapport à celle de 2010.
Indicateurs de l'investissement, les importations de biens d'équipement ont cru de 19 pc, par rapport à 2011 et de 5,4 pc en comparaison avec 2010, alors que les importations de matières premières et demi-produits- indicateurs de la production-, ont progressé successivement de 15,3 pc (2011) et de 13,8 pc (2010).
Du côté de l'activité touristique, les recettes ont évolué de 10,7 pc, par rapport à janvier 2011.
L'ensemble de ces indicateurs est considéré par M. Nabli, comme un signe d'une reprise économique, toutefois, il a jugé "prématuré de déterminer un taux de croissance ou d'affirmer que le pays a renoué avec un taux de croissance positif".
Le gouverneur de la BCT a mis en garde contre la poursuite du l'élargissement du déficit courant qui a augmenté à 634 millions de dinars -MD- (0,9 pc du PIB), ce qui constitue, selon lui, "un taux important".
Cette augmentation résulte d'une importante hausse du coût des importations énergétiques étant donné le renchérissement des prix sur le marché mondial (ayant dépassé les 100 dollars pour le baril de pétrole).
Il a averti que l'aggravation du déficit a contribué à la baisse des avoirs en devises qui ont atteint 10 200 MD, jusqu'au 21 février 2012 (l'équivalent de 108 jours d'importation), appelant à la nécessité de mobiliser des ressources en devises sous forme de dons ou d'emprunts pour faire face à cette situation.
Il a évoqué, par ailleurs, les dangers des pressions inflationnistes sur la stabilité financière du pays, indiquant que ces pressions continuent, ce qui demande de faire preuve de vigilance et de conforter la reprise".
D'un autre côté, les prix ont évolué de 0,7 pc en janvier 2012, ce qui résulte à 50 pc, de l'augmentation des prix des produits alimentaires et notamment des produits frais.
Cette augmentation résulte de raisons spécifiques (non-maîtrise des circuits de distribution, faiblesse du contrôle économique..) et non de l'inflation, d'où la nécessité d'une intervention pour la maîtriser.
La politique monétaire expansionniste a atteint ses objectifs
Le gouverneur a affirmé que "la politique monétaire expansionniste" adoptée par la BCT en 2011, a atteint ses objectifs. Il s'agissait d'épargner au pays "un effondrement économique" à cause des évènements qui y sont survenus, et ce en adoptant une politique monétaire expansionniste, consistant en la réduction du taux d'intérêt (deux fois) et du niveau des réserves obligatoires des banques.
Cette politique avait laissé des marges de manoeuvre, à la faveur d'un taux d'intérêt relativement élevé et d'un taux d'inflation relativement limité.
Cette politique est parvenue, selon M. Nabli, à renforcer l'activité économique et à accroître la demande et l'accès des entreprises au financement nécessaire pour pallier aux difficultés.
Cependant, l'apparition de pressions inflationnistes a été l'un des résultats prévisibles de cette politique, ce qui exige un suivi constant, a-t-il fait remarquer.
Sur un autre plan, le premier responsable de la BCT a relevé que la politique budgétaire expansionniste adoptée par l'Etat en 2011 et axée sur l'augmentation salariale pour accroître la demande et booster la croissance économique, a contribué à la hausse des prix.
"Les marges sont aujourd'hui limitées, ce qui exige de la BCT, dont l'une des priorités est la préservation de la stabilité des prix, un suivi constant de la situation pour prendre les mesures idoines", a-t-il encore précisé.
L'indépendance de la BCT, garante d'une politique monétaire saine
Le gouverneur de la BCT a souligné que l'indépendance de l'institution "demeure le seul garant de l'adoption d'une politique monétaire saine, conforme à des objectifs bien précis (maîtrise de l'inflation)".
"Toute utilisation de la politique monétaire pour la réalisation d'objectifs de court terme (visées électorales, mobilisation de l'opinion publique…) mène forcément à une instabilité financière du pays", a-t-il averti.
"Dans toutes les démocraties, la Banque Centrale demeure responsable devant la communauté nationale et doit rendre des comptes", a encore avancé M. Nabli, concluant que "la préservation de l'indépendance de la BCT est aussi cruciale pour le contrôle des établissements bancaires du pays, et partant pour la garantie de la stabilité du secteur bancaire, principale source de financement de l'économie".