Tunisie: Que reste-t-il du 7 Novembre 1987 

Tunisie: Que reste-t-il du 7 Novembre 1987 

Âgé de 84 ans, souffrant de troubles séniles, le président tunisien Habib Bourguiba est destitué en douceur pour incapacité physique et mentale moyennant un certificat d’inaptitude paraphé par sept blouses blanches le 7 novembre 1987 par son Premier ministre Zine el-Abidine Ben Ali. Père de l'indépendance, Habib Bourguiba était au pouvoir depuis trente ans.

Pourquoi le sept Il se murmure dans la population que Ben Ali est un superstitieux, Cet homme issu de l'armée est arrivé au pouvoir le 7 novembre 1987 après un coup d'Etat médico légal. Ce matin-là, sept médecins sont convoqués pour établir un rapport médical attestant de l'incapacité du président Habib Bourguiba, le père de l'indépendance tunisienne, à assumer ses fonctions. La prise du pouvoir par le Premier ministre Ben Ali est alors un espoir pour le peuple tunisien. Le putschiste promet l'ouverture, la démocratie, le multipartisme. On sait ce qu'il adviendra de ces promesses

Le 7 novembre 1987, la Tunisie abordait, suivant la terminologie officielle désormais en vigueur, une « ère nouvelle ». De 1988 à 2010, puis de réélection en réélection (haut la main, évidemment), c'est un véritable culte qui s'instaure autour du chiffre 7 et de la couleur fétiche de l'"Artisan du changement" ("صانع التغيير"), le mauve.

Depuis, chaque année, le chiffre 7 était porté au zénith (sur les timbres, les portraits officiels, le logo de la chaîne de télévision nationale…), remplaçant les monumentales statues du Combattant suprême Bourguiba, prié de se faire aliter dans son exil forcé de Monastir, jusqu’à sa mort en 2000. Ben Ali instaura un culte de la personnalité numérologique avant de céder au péché statuaire (portrait géant hissé sur le fort de La Goulette, mosquée « El-Abidine » – Les Adorateurs – au nom équivoque érigée à Carthage, etc.) des vieux crocodiles affalés sur le divan du pouvoir depuis trop longtemps.

Le sept est devenu l'emblème chiffré du coup d'État, que la rhétorique Benalienne nomme "le Changement", à partir duquel s'ouvre "l'ère nouvelle"», Pour marquer le changement, les statues de Bourguiba sont déboulonnées, remplacées par des horloges, symbole de ces temps nouveaux.

Le régime a trouvé avec ce chiffre un substitut plus ou moins subtil aux statues érigées par le soit disant despote. Cela traduit une difficulté à assumer le culte de la personnalité. On a voulu marquer la rupture avec les régimes autoritaires de l'après-indépendance, mais c'est bien un culte de la personnalité, qui ne veut pas dire son nom, qui utilise une image euphémisante, mais qui permet l'économie de dire qu'on est revenu à l'ancien régime». C'était le mauvais goût de Ben Ali dans toute sa splendeur. La vulgarité et le kitsch de ce régime transparaissait à travers ces monuments.

Outre monuments et rues, le sept est imprimé sur les billets de banque, sur des timbres (ici à l'occasion des 20 ans de pouvoir de Ben Ali), au dos des cartes d'identité où volent sept colombes. Le 7 novembre, qui donne lieu à sept jours de congés, a damé le pion au 20 mars, jour où les Tunisiens célèbrent leur indépendance. Des défilés, des concerts gratuits, des rassemblements sont organisés ce jour-là.

En 23 ans de règne, le sept s'est instillé partout. «Place du 7 novembre, rue du 7, Avenue du 7, Boulevard du 7, Aéroport du 7, Université du 7, Épicerie du 7, Pharmacie du 7, Stade du 7, Café du 7, boucherie du 7,...Il ne manquait que les sept cieux et les sept terres ?

Les Tunisiens le surnommaient «Benavie». Finalement, il a duré vingt-quatre ans, sans dépasser le record de Bourguiba (trente et un ans au pouvoir).

Puis l’impensable arriva. Le 14 janvier 2011, après des semaines d’émeutes, Ben Ali l'idolâtrie du chiffre 7 et son épouse furent poussés dans un avion vers l’Arabie Saoudite.

Immédiatement, les médias occidentaux dirent pis que pendre du tyran déchu. De despote éclairé, il passa au statut peu enviable de Ceausescu, sans qu’on eût besoin de lui fabriquer un Timisoara cousu main. L’obséquiosité générale à l’égard du « miracle tunisien », loué par Antoine Sfeir et tant d’autres, fit place au droit de l’hommisme le plus intransigeant.

Le 7 a été effacé par la volonté populaire en espérant ne pas retomber sur un nouveau chiffre magique comme le 25 par exemple !

Avis au peuple tunisien afin qu'il ne retombe pas dans la soumission de rester libre et vigilant pour défendre ses acquis de liberté et de démocratie.

Abdessatar Klai

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