Tunisie: une bonne gestion de l’énergie électrique passera par une meilleure isolation thermique des logements !
Ces derniers jours, la Tunisie a vécu un épisode caniculaire avec une montée en flèche du mercure dépassant de loin les normales saisonnières, et ce, de 7 à 12 degrés. Face à cette augmentation des températures, les systèmes de climatisation ont tourné à plein régime faisant exploser la consommation nationale d’électricité. Or, selon l’avis d’experts thermiciens, la réalisation de travaux d’isolation thermique sur des logements énergivores, dits « Passoires thermiques », permettent d’économiser de 20 à 35% de l’énergie de refroidissement du bâtiment et de 5 à 8% celle des planchers bas. À méditer.
Un record de consommation d’électricité estimé à 4.563 mégawatts a été enregistré, lundi, 27 juin 2022, en Tunisie, contre des pics à hauteur de 4.434 mégawatts le 9 août 2021 et 4.025 MW en 2020, a fait savoir, avant-hier, le P-DG de la Société tunisienne de l'électricité et du gaz (S.T.E.G.), Hichem Anen, lors d’un atelier organisé par l’agence de coopération allemande « Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit » (GIZ) et le ministère de l’Industrie pour le lancement d’un projet de développement de l’hydrogène vert en Tunisie.
Devant un tel constat, le patron de la S.T.E.G. a fermement appelé à la rationalisation de la consommation d’électricité due à la climatisation. Mai qui dit rationalisation, dit également une réflexion sur l’optimisation de la consommation domestique en énergie électrique
Or, selon les statistiques de l’Agence nationale pour la maîtrise de l’énergie (A.N.M.E.), le secteur du bâtiment en Tunisie contribue à la consommation d’énergie finale à hauteur de 27%, soit la 3e place du podium des secteurs les plus consommateurs.
Et la situation risque de se compliquer encore plus, car d’ici l’an 2030, ce secteur deviendrait, d'après les prévisions de l’agence nationale, le premier consommateur d’énergie. Un tel tableau inquiétant impose le recours à de nouvelles approches pour les nouvelles constructions, notamment en cette période de l’année, la saison idéale pour lancer de nouveaux chantiers.
Il faut reconnaître justement que bâtir plusieurs « logements économes », dits « Basses consommation » — c’est-à-dire qui consomment moins d’énergie et permettent de faire des économies — constitue désormais un défi à relever, même si de l’avis de plusieurs experts dans le bâtiment, il est assez facile d’obtenir une ambiance intérieure confortable en toutes saisons, grâce à des bases conceptuelles et l’adoption de certains principes constructifs.
M. Zied Gannar, ingénieur thermicien, sous-directeur de l'efficacité énergétique dans le secteur du bâtiment direction de l'utilisation rationnelle de l'énergie de l’agence nationale pour la maîtrise de l'énergie (A.N.M.E.), conseille les Tunisiens de consulter en premier lieu un architecte.
Ce dernier aura la tâche d’assister les propriétaires dans leur projet afin de concevoir une unité d’habitation (logement) fonctionnelle, la plus adaptée à leurs besoins, au climat de leur région et surtout à leur budget.
«Ainsi, votre maison peut être confortable, économe en énergie et à moindre coût d’exploitation», comme l’atteste le guide édité par l’A.N.M.E. intitulé «Réussir sa maison basse consommation».
Selon M. Gannar, «un bon confort thermique peut facilement être obtenu à moindre coût» en appliquant quelques directives simples. Vu que la Tunisie présente un climat doux et tempéré, il est du devoir de l’architecte de concevoir un bâtiment capable de protéger ses résidents du froid en hiver (capter l’énergie, la stocker, la conserver et la répartir à l’intérieur de la maison) et de la chaleur en été (protéger la maison du rayonnement solaire et rafraîchir la maison).
Exécution des travaux
En suivant le guide des bonnes pratiques de l’A.N.M.E., nous apprenons que le choix des matériaux de construction ainsi que la qualité et la maîtrise de leur mise en œuvre vont influer sur l’amélioration du confort intérieur du logement. Ainsi, une maison saine est un lieu bien isolé mais qui doit être aéré.
«Une bonne isolation thermique du logement au niveau de la toiture, des murs extérieurs et des fenêtres, permet de réduire les besoins en énergie de chauffage et de refroidissement de 30 à 50%, selon la zone climatique où est située la maison ou bien l’appartement», souligne l’ingénieur thermicien.
L’Agence nationale pour la maîtrise de l’énergie conseille les promoteurs immobiliers ainsi que les particuliers d’avoir recours à une bonne exécution des murs extérieurs en brique thermique ou en double cloison de briques creuses avec respect de l’épaisseur de la lame d’air (de 3 à 7 cm) vide et parfaitement propre et la réalisation d’une toiture bien isolée offrant une importante économie d’énergie.
«Il reste à signaler que le territoire tunisien est subdivisé en trois zones : la zone ZT1 (le Nord-Ouest, le Centre et le Centre-Ouest de la Tunisie), la zone ZT2 (les régions côtières : le Nord, le Cap Bon, le Grand-Tunis, le Sahel et le Sud-Est de la Tunisie) et la zone ZT3 (le grand Sud et le Sud-Ouest du pays). Dans la zone ZT1, des murs extérieurs en double cloison de briques creuses sont suffisants si la maison n’est pas trop vitrée (taux de baies vitrées inférieur à 25%). Dans les zones ZT2 et ZT3, il est conseillé d’utiliser un isolant thermique au niveau de l’enveloppe extérieure», précise M. Gannar.
Les avantages de l’isolation thermique
Au moment d’entamer la phase d’enveloppement du bâtiment, en premier lieu, M. Mohamed Chelly, architecte urbaniste, conseille les promoteurs immobiliers et les particuliers d’avoir recours à l’isolation thermique entre les doubles cloisons et surtout au niveau de la toiture.
Selon lui, l’isolation thermique a plusieurs avantages tels que : la réduction des besoins en chauffage et en refroidissement (une économie à l’exploitation), une réduction des puissances des installations de chauffage et de refroidissement (une économie à l’investissement) et un meilleur confort thermique et acoustique.
«Les produits et matériaux d’isolation sont divers et variés. Il existe des plaques en polystyrène ou en polyuréthane (matériaux organiques), des matériaux d’origine minérale (Ex : la laine de roche, la laine de verre, le verre cellulaire, le béton cellulaire, etc.), ou bien des matériaux naturels dits aussi écologiques tels que le liège, la laine, le coton, la paille, etc. La différence se situe au niveau des prix et de la qualité d’isolation des produits employés», ajoute M. Chelly.
De son côté, M. Gannar insiste sur le fait que l’isolation de la toiture est un facteur essentiel de diminution de la consommation d’énergie de chauffage et de refroidissement du bâtiment.
«Les études montrent que le surcoût engendré par l’isolation est amorti à court terme. Les murs extérieurs peuvent être isolés soit de l’intérieur, au milieu ou de l’extérieur. L’isolation de l’extérieur constitue la meilleure solution : elle permet de réduire au maximum les ponts thermiques et augmenter l’inertie thermique des murs.", ajoute-t-il.
Des conseils soutenus par M. Mohamed Chelly qui réaffirme la nécessité de "supprimer les ponts thermiques, d’effectuer une isolation par l’extérieur et d’assurer une excellente étanchéité à l’air du bâtiment en question".
Or, d’après la définition d’un pont thermique, cette «partie de l’enveloppe du bâtiment présente une faiblesse au niveau de l’isolation thermique par rapport au reste de l’enveloppe».
En s'appuyant sur les conseils pratiques de l’A.N.M.E., «les ponts thermiques ne peuvent pas être éliminés totalement. Il faut veiller à bien les traiter de façon à réduire leurs effets au maximum possible. L’apparition des ponts thermiques est étroitement liée aux techniques et à la qualité d’exécution de l’enveloppe du bâtiment. Plusieurs solutions techniques sont possibles pour traiter les ponts thermiques». D’où la nécessité de demander conseil à un architecte ou un expert.
Il reste à signaler que les chiffres montrent que l’isolation de la toiture et des murs permet d’économiser de 20 à 35% de l’énergie de chauffage et de refroidissement du bâtiment, celle des planchers bas, de 5 à 8%. Quant au double vitrage, il permet des économies de chauffage de 10% à 15%.
Bien orienter son bâtiment
Par ailleurs, M. Chelly relève qu’il faut bien orienter les chambres pour minimiser l’énergie qui sera dépensée par les systèmes de climatisation et de chauffage.
Parallèlement, il ne faut pas tomber dans le gaspillage de l’espace, car un plan bien étudié est toujours avantageux. D’où la notion de la qualité de l’espace.
«De ce fait, le plan de l’architecte doit garantir une captation optimale de l’énergie solaire de manière passive tout en assurant une protection contre les rayons solaires et surtout un rafraîchissement passif du bâtiment en été. Nos anciens avaient raison d’orienter les chambres côté «Est» (Charqui), «Sud» (Quebli) et Sud-Ouest tout en évitant les ouvertures côté «Nord» (Jebli) et Nord-Ouest pour bénéficier du soleil en hiver et de s’en protéger l’été. Ceci permet un gain de 20 à 30% des besoins de chauffage et de refroidissement et d’obtenir un éclairage naturel agréable dans les pièces, et, par conséquent, réduire, considérablement, la consommation de l’énergie», renchérit l’architecte dont les propos sont confirmés par les conseils proposés par l’A.N.M.E.
D’ailleurs, «il est conseillé d’éviter la disposition des grandes baies vitrées surtout dans les secteurs Nord-Ouest, Ouest, Sud-Ouest, Nord-Est, Est et de prévoir des protections solaires des surfaces vitrées pour réduire les apports solaires en été», précise le guide de bonne pratiques de l’Agence nationale pour la maîtrise de l’énergie.
Il est préférable aussi d’intégrer de la verdure tout autour du bâtiment par le biais d’un écran végétal.
«Les plantes peuvent être d’une grande utilité par temps chaud. Parce qu’elles assurent un abaissement de la température de l’air ambiant externe, une ventilation naturelle ne peut qu’améliorer les conditions de confort d’été. L’arrosage des plantes, le soir, associé à une ventilation nocturne, favorise la conservation de la fraîcheur intérieure de la maison jour et nuit. Et pourquoi ne pas s’inspirer de l’architecture andalouse qui préconise la présence d’un patio jardin à l’intérieur de la maison», souligne M. Chelly.
Pour ce qui est des appartements, «l’escalier doit être toujours centré pour éviter les longues distances de circulation au niveau des couloirs», conclut l'architecte.
Assurément, une stratégie nationale pour encourager les constructions, favorisant l’isolation thermique des habitations et barrer la route aux logements énergivores (« Passoires thermiques »), serait plus que salutaire en ces temps de pénuries énergétiques.
À bon entendeur, salut !
Par Abdel Aziz HALI
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