Tunisie : une légère stabilité du dinar
La légère stabilité observée du dinar, s’explique par un contexte relativement favorable marqué par une série de facteurs : un emprunt de la STEG en devises auprès d'une banque de la place, des entrées des recettes de la cession de certaines entités confisquées ( Zitouna, Zitouna Takaful..), des recettes touristiques en hausse au premier trimestre, des entreprises publiques qui ont différé certaines importations, a indiqué, l’économiste et universitaire et membre du Conseil d'Analyses Economiques, Moez Labidi dans un entretien avec l’agence TAP.
«S’ajoute à cela, le resserrement monétaire qui a freiné, à la fois, le comportement spéculatif de certains opérateurs, en les poussant à utiliser leurs avoirs en devises au lieu de recourir au robinet du crédit, et la demande de crédit pour financer des importations de biens d'équipement et des intrants, tempérant ainsi, les pressions baissières sur les réserves en devises » a-t-il souligné, en marge de la 15ème conférence annuelle de l’ASECTU, qui se tient à Hammamet (Nabeul), du 12 au 14 juin 2019.
Labidi a aussi, estimé que cette appréciation de la monnaie, a le mérite de neutraliser les comportements spéculatifs de certaines entreprises importatrices qui ont fortement, pénalisé la monnaie tunisienne.
A la question de savoir si cette légère appréciation du dinar va se poursuivre ou pas, il a expliqué que les perspectives positives du secteur du tourisme, plaident pour une certaine stabilité du dinar dans la mesure où la Banque centrale de Tunisie aura de la marge pour le défendre.
Toutefois, poursuit-il, «toute la question est de savoir si cette stabilité va se poursuivre après la saison touristique. Là je pense que cela dépendra de la qualité et des résultats de ces élections».
Autrement dit, «la santé du dinar serait très sensible au degré d’adhésion des Tunisiens aux prochaines élections et à la crédibilité du prochain gouvernement issu des législatives. Une faible adhésion des tunisiens aux élections avec une équipe au pouvoir qui brille par son populisme, serait le pire scénario que pourrait encaisser la Tunisie démocratique, avec son cortège de creusement des équilibres macroéconomiques et de glissement du dinar. Rappelons que la force et la faiblesse d’une monnaie dépend essentiellement, de ces fondamentaux et notamment du déficit de la balance courante. Avec un déficit courant de plus de 11% de PIB, on ne peut pas espérer une véritable amélioration du dinar » a-t-il encore, expliqué.
«Par contre, une adhésion forte aux élections, avec un gouvernement crédible dans son programme, suffisamment audacieux, pour faire respecter la loi (combattre la corruption et l'informel, traitement en profondeur des dossiers les plus délicats comme le phosphate et le déficit énergétique) serait de nature à favoriser le déclenchement d'une véritable dynamique de réforme capable d'améliorer les fondamentaux macroéconomique qui sont les seuls réels garants de la stabilité du dinar » a-t-il ajouté.
«Pour espérer une réelle appréciation du dinar, plusieurs chantiers sont incontournables, dont notamment, la résolution de la question du déficit courant et du déficit énergétique qui représente le tiers du déficit commercial. On pourrait aussi, envisager une amnistie de change qui aura certainement, un impact très positif sur le dinar, mais un tel pas ne pourrait pas être engagé par un gouvernement sortant, au risque d’un changement de position de la part du gouvernement issu des prochaines élections ».
Labidi pense aussi, que « le stress qui pèse sur les finances publiques avec la montée de l’endettement et du service de la dette va compliquer l'équation du financement du budget : durcissement des conditions de financement externe (hausse de la prime de risque de la Tunisie sur les marchés financiers internationaux) et le tarissement des autres sources de financement externes (auprès des bailleurs de fonds), alimentant ainsi, la pression sur les réserves en devises du pays. L’autorité monétaire ne sera pas ainsi, dans une situation confortable pour défendre le dinar. Et c’est la raison pour laquelle, je dirais encore une fois que la défense du dinar passe par l’amélioration des fondamentaux plutôt que par des interventions musclées de la BCT, sur le marché ».
L’universitaire considère, à ce titre « qu’utiliser les réserves en devises pour défendre une monnaie dont les fondamentaux se dégradent est, in fine, une sorte de gaspillage de l’argent public en devises, qui pourrait peser négativement, sur les importations de médicaments et des pièces de rechange, ... Défendre de façon ponctuelle la parité du dinar oui, mais il ne faut pas que cela devienne une pratique récurrente ».
Et de conclure «le dinar se déprécie parce que les fondamentaux se dégradent, mais aussi, parce que la vague spéculative qui le touche est de plus en plus forte. Cette vague se traduit par les importations anticipées et excessives, qui mettent la pression sur les réserves en devises et favorise la dépréciation du dinar. C’est le phénomène des anticipations auto réalisatrices. La légère stabilité observée a cassé cette vague et a montré que la baisse du dinar n’est pas irréversible. Reste maintenant à soutenir cette tendance vers la stabilité par un courage politique qui doit se manifester par une fermeté dans l’action pour améliorer les fondamentaux économiques ».
TAP
Votre commentaire