Tunisie : vers un perfectionnement de la coopération intra-maghrébine

La tournée maghrébine du Président Moncef Marzouki, était loin d’être protocolaire. Elle a porté une importante dimension politique mais

pas seulement. Au-delà des pourparlers politiques constructifs, une relance des affaires économiques a été engagée avec les Algériens (lire article).

Par ailleurs, un constat général, suivi d’un état des lieux et des Pistes de relance des Affaires économiques  avec le Maroc et la Mauritanie, a été élaboré par M. Mohamed Chawki Abid, Conseiller économique auprès du Président de la République dont en voici l’intégralité :

CONSTAT GÉNÉRAL

« Afin de gagner le combat contre le chômage, et de relever les défis de la viabilité économique, les pays de l’UMA doivent accélérer le rythme de leur croissance économique.

Nos experts nous ont toujours enseignés que pour passer à un nouveau palier de croissance (+3 à +5 points complémentaires), nous devrions nous intégrer dans le marché commun de l’UMA et éradiquer les virus de la corruption et des malversations.

Les études élaborées sur la Tunisie, menées en interne ou conduites par les institutions internationales (BM, FMI, ..), indiquent toutes que le coût du "non-maghreb" est élevé pour notre pays et serait encore plus élevé pour nos enfants. Il en est de même pour les analyses faites à l’échelle de l’espace maghrébin, dans la mesure où le « non-marché unique » est préjudiciable pour nos économies ainsi que pour nos jeunes maghrébins.

L’UMA dénombre 100 Millions d’habitants, et mérite un positionnement solidaire pour bien défendre ses intérêts. Le décloisonnement des 5 économies stimulera l’investissement dans un marché vaste et émergent. Une telle intégration économique amortira l’impact de la «crise économique secouant l’Europe» sur nos économies. Une rationalisation des dépenses budgétaires sera observée, de par la cristallisation d’une paix régionale et l’émergence de nouvelles priorités à fort impact socioéconomique.

LE MAROC

La structure de nos économies est quasiment identique et nos produits exportables sont presque similaires, conjugués à un handicap de non proximité géographique et l’absence de ligne maritime. Cependant, les opportunités de complémentarité sont réelles, même dans les secteurs concurrentiels (Tourisme, IME, Industrie chimique).

Comme prévu, les rencontres des 2 journées au Maroc se sont bien déroulées. Conscients de part et d’autre du coût du non-Maghreb, les officiels et opérateurs économiques ont réitéré la volonté commune d’œuvrer à la reconstruction du MARCHÉ COMMUN MAGHRÉBIN.

Certes, les responsables des deux pays sont conscients plus que jamais que la croissance « individualiste » ne permettra point aux deux économies de répondre aux attentes populaires: dignité, croissance économique, création d'emplois, développement régional, justice sociale, etc....

Le Maroc constitue le 3ème partenaire commercial (après la Libye et l’Algérie) sur le plan africain et arabe. Les principaux produits Tunisiens exportés vers le Maroc sont: pneumatique, câbles, cahiers, STPP, batteries, dattes, huile d’olive, …. Alors que les principaux produits Marocains importés en Tunisie sont: extraits & essence, pâte chimique, spath fluor, médicaments, etc.

Le Maroc bénéficie d’une ouverture efficace sur l’Afrique: présence du secteur bancaire, fréquence des liaisons aériennes, logistique maritime souple, etc… A ce titre, il nous a été rapporté que Monsieur Labbène (un investisseur compatriote), installé au Maroc depuis 16 ans, réalise actuellement près de 90% de son activité avec l’Afrique.

Cependant, il y a lieu de souligner l’absence de liaison maritime, entre la Tunisie et le Maroc, et ce, suite à la suspension de la ligne directe entre Tunis et Casa par l’armateur privé Med Express- Navimed pour motif d’insuffisance de rentabilité. Ainsi, les échanges commerciaux souffrent de surcout logistique et de lenteur du cycle de transport (transit time = 20 jours contre 3 jours), en raison des transbordements requis via ports européens.

Par ailleurs, il nous a été donné de constater :

•    Méfiance des institutions financières à l’égard des sociétés tunisiennes, après les fiascos de BATAM et ENNAKL
•    Insuffisance de collaboration entre les Centres de recherche Technologiques et les Instituts de Normalisation, ce qui prive les 2 pays des bienfaits de l’unification des référentiels techniques et des normes qualitatifs.
•    Manque de coordination entre les 2 pays pour identifier des opportunités d’investissements communs, et pour mettre en œuvre des projets mixtes.

S’agissant des perspectives d’avenir, nous avons noté de visu que des pistes de consolidation du partenariat bilatéral sont explorables concomitamment:

1) Coordination des équipementiers & sous-traitants du secteur de la « construction automobile » des 2 pays, pour répondre aux besoins récurrents de l’usine RENAULT-NISSAN (Tanger Med).

2) Coopération industrielle & agricole pour mieux exploiter des accords de libre-échanges signés unilatéralement avec des pays tiers: la zone le libre échange USA-Maroc enregistre de grosses commandes potentielles que les opérateurs marocains ne peuvent satisfaire sans une complémentarité judicieuse avec leurs homologues tunisiens.

3) Collaboration dans le secteur touristique:

•    Participation au prochain Salon du Tourisme à Tunis (25-28 avril 2012)
•    Mise en œuvre de circuits combinés pour les marchés lointains
•    Opportunité de Jumelage « Fès-Kairouan » et « Marrakech-Tozeur ».

MAURITANIE :

La Mauritanie est un pays d’apparence pauvre, mais potentiellement riche et à fort potentiel développement.
La balance commerciale de la Mauritanie est excédentaire : Export ≍ 2,6 Milliards $US, contre Import ≍  2,2 Milliards $US, soit un taux de couverture = 118%) ; alors que notre balance d’échange bilatérale est largement favorable pour la Tunisie 39 M²$ contre 1,5 M²$. Près de 70% des besoins alimentaires et la quasi-totalité des besoins énergétiques sont importés.

Les investissements tunisiens en Mauritanie ont connu une impulsion dans les secteurs du transport aérien, des télécommunications (MATEL), de l’industrie et des services médicaux ; sauf que le cas de "Mauritania Airways" n’est le bon exemple de par la déconfiture que connaît cette société mixte.

En revanche, près d’une dizaine d’opérateurs tunisiens ont investi et réussissent bien dans ce pays, dans des secteurs divers : industrie, BTP, conseil, distribution, abattage de cheptel, restauration, ….

Les perspectives de coopération et de business avec la Mauritanie sont diverses, substantielles et juteuses: industrie minière, industrie chimique, industrie alimentaire, TIC, distribution, santé, enseignement, conseil & ingénierie etc.

Aujourd’hui, la Mauritanie sollicite grand nombre de compétences humaines de diverses qualifications, ce qui contribuera à l’allégement de la pression du chômage des diplômés. Plusieurs opportunités sont offertes à des compétences pluridisciplinaires, moyennant une intervention proactive de l’Agence de Coopération Technique:

•    Enseignement : professeurs d’enseignement secondaire et supérieur, formation d’enseignants en Tunisie,
•    Santés : médecins spécialistes pour les hôpitaux mauritaniens, formation des médecins et personnel de santé en Tunisie
•    Services divers : urbanisme, architecture, études techniques et économiques, BTP, ….
•    Mines & Énergie : prospection de ressources naturelles, exploitation de mines de phosphate, …
•    Industrie : réalisation de projets manufacturiers, de projets de conditionnement de produits de mer, et de projets de transformation de minéraux, ….

Il nous appartient tous, chacun en ce qui le concerne (administration, investisseurs, médias, société civile, …), de veiller à la concrétisation et à la consolidation des accords en vigueur, afin de faciliter la cristallisation d’un marché intra-maghrébin sans frontière. Au cas où les 5 libertés proposées par le Président de la République venaient à être validées et adoptées par les 5 états membres, l’impulsion économique serait vraisemblablement intense et génératrice d’une nouvelle ère de développement durable et d’épanouissement social. »

Par Mohamed Chawki Abid
Conseiller économique auprès
du Président de la République