Quand la maison brûle, on ne doit pas regarder ailleurs

Quand la maison brûle, on ne doit pas regarder ailleurs
 
 Par Brahim OUESLATI
 
Célébrée dans un climat de deuil national, suite à l'attaque terroriste contre le musée du Bardo qui a fait plusieurs victimes, la fête de l'indépendance a été l'occasion pour le Président Béji Caid Essebsi pour lancer un appel à l'unité nationale.
 
Fidèle à ses habitudes, le chef de l'Etat a laissé de côté le texte rédigé par ses collaborateurs, pour improviser pendant près de 45 minutes, un discours où se mêlent, dans un mélange exquis, le passé comme pour éclairer le présent, et le présent comme pour scruter l'avenir.
 
En présence des représentants des forces politiques, des organisations nationales, de la société civile et des médias, il a notamment puisé dans l'histoire récente du pays qui, dit-il, « nous a appris que le peuple tunisien triomphe, chaque fois qu’il se solidarise autour de ses priorités ».
 
La présence remarquée de l'ancien Président Moncef Marzouki et de l'ancien Président de l'ANC Mustapha Ben Jaafar, longtemps boudeurs, mais qui, tout comme plusieurs figures des premières heures de l’indépendance et de plusieurs convives, ont suivi avec beaucoup d’attention le discours rassembleur du nouveau locataire de Carthage, témoigne d’un sens aigu de responsabilité en ces moments difficiles. C’est un signe fort que les divisions et les divergences de vues s'estompent quand l'intégrité de l'Etat et la sécurité du pays se trouvent menacées. 
 
Exploiter le drame
 
Le retentissement de l'attentat terroriste de Mercredi dernier est considérable, aussi bien en Tunisie qu'à l'étranger. Il a suscité une vague d'indignations et de condamnations dans le monde entier. Mais aussi de la compassion envers les victimes et leurs familles et de la solidarité avec notre pays.
 
Et si le propre des attentats terroristes est de provoquer la confusion, de créer un climat de suspicion, de peur et de troubles, ils n'en constituent pas moins une occasion pour bien exploiter ce drame, resserrer les rangs et mettre à profit le soutien international.  
 
La classe politique a été unanime à condamner l’attaque contre le musée de Bardo et on n’a pas à sonder les intentions des uns et des autres pour en savoir plus sur qui est de bonne foi et qui ne l’est pas. Le plus important est que « quand la maison brûle, on ne doit pas regarder ailleurs ».  
 
Le terrorisme, faut-il le rappeler, a profité, au cours des dernières années, du laxisme de l’Etat, de la connivence de certaines parties et de la compromission d’autres et il est maintenant à l’intérieur de la maison Tunisie. Plus grave encore, Al Qaida et Daesh s’invitent chez nous ! Et les Tunisiens, qui n’ont jamais imaginé qu’un jour les scènes choquantes du terrorisme aveugle se déroulant dans d’autres contrées et transmises par les chaînes de télévision ou relayées par les réseaux sociaux allaient se passer chez eux et devant leurs yeux, se demandent comment nous en sommes arrivés là.
 
Et pourquoi a-t-on laissé se développer un tel phénomène et comment a-t-on créé un terreau fertile à un mal qui, s’il n’est pas jugulé à temps, pourrait se propager dans le corps d’un pays, naguère immunisé contre ce genre de fléau. La tragédie qui vient de nous frapper au Bardo doit, en principe, nous unir contre les forces du mal et non élargir le fossé entre nous. 
 
L’union sacrée contre le terrorisme
 
Le moment est grave et il faut savoir en mesurer les conséquences. Il est, plus que jamais, impératif d’instaurer cette «Union sacrée», tant souhaitée, pour contrer ces menaces qui nous guettent de toutes parts. Car, au-delà des divergences des vues et des appréciations, des clivages politiques voire idéologiques, aucune ligne rouge ne saurait être invoquée, la seule et l’unique étant la stabilité du pays et sa sécurité.
 
Pour l’histoire, lors du déclenchement de la première guerre mondiale, la France était divisée et fragilisée par de profondes divergences entre les différentes composantes de la société, politique, syndicale et religieuse. Mais face à la guerre, un mouvement avait été créé sous le nom de «l’Union sacrée», pour souder les Français toutes tendances confondues.
 
Défendue par le président Raymond Poincaré, cette «Union» fut adoptée par le Parlement au mois d’août 1914 et immédiatement ralliée par l’ensemble des formations politiques et des organisations syndicales. François Hollande et son gouvernement s’en sont souvenus après la tragédie de Charlie Hebdo et ont réussi à mobiliser le monde entier avec la France.
 
Béji Caid Essebsi, adepte de l’histoire, pourrait, à son tour, s’y inspirer pour concrétiser son appel à l’unité nationale et exploiter, à bon escient,  le soutien international.
B.O.