Abdelaziz Belkhodja : "Nabil Karoui connaît la Tunisie mieux que quiconque ! "

Pour le porte-parole du parti "Au cœur de la Tunisie", Abdelaziz Belkhodja, le candidat à la présidentielle Nabil Karoui est le plus apte à diriger le pays parce qu’il le connait mieux que quiconque.

Dans cette interview accordée à Espace Manager, Belkhodja parle de la motivation de l’équipe de 9alb Tounes en l’absence de son leader. Il est également revenu sur le profil de leur adversaire au second tour le juriste Kais Saied, ainsi que son parcours politique personnel. Récit.  

Espace Manager: Mercredi l’optimisme était de mise chez 9alb Tounes concernant l’éventuelle libération de Nabil Karoui mais le verdict du tribunal a été reporté et Nabil Karoui est toujours en prisons. Quels sont les dessous de ce report ?

Abdelaziz Belkhodja: C'est la grève des magistrats suite aux incidents de l'affaire de l'Organe Secret d'Ennahdha qui a empêché les juges, pourtant réunis, de délibérer.

Est-ce que ces déceptions répétées de la non-libération de Karoui pourraient entacher l’énergie de votre équipe ? Comment est organisé le travail du parti en cette période cruciale en l’absence de son leader ?

L'énergie est intacte, elle est au contraire démultipliée par le sentiment d'injustice, mais nous somme devant une inégalité des candidats et c'est très grave pour le processus électoral et même pour le processus démocratique.

En outre, il est assez dérangeant de voir que l'adversaire de Nabil Karoui, un juriste constitutionnaliste, n'est pas choqué par cette inégalité. On se demande s'il a conscience des graves atteintes portées contre le processus électoral et le principe de la présomption d'innocence. M. Kaïs Saïd est droit comme un "i", mais ses principes, eux, sont mouvants.

En dehors des accusations en rapport avec l’affaire de blanchiment d’argent, les enregistrements audio fuités, dont celui de l’ONG I Watch, continuent à salir l’image de Karoui. Comment espérer devenir le président de tous les Tunisiens quand on traîne de telles casseroles ?

La question du blanchiment est ridicule quand on sait qu'elle concerne une société basée au Luxembourg qui est un des Etats membres de l'Union Européenne et qui, de ce fait, est particulièrement sévère sur ce genre d'affaire. Concernant les enregistrements audio, ils ont été faits en secret, alors que M. Nabil Karoui, hors de lui et dans un cadre privé, réagissait contre des accusations qui ont terni sa réputation. 

N'importe quel être censé disposant d'un minimum de fierté aurait réagi de la même manière, l'essentiel est que M. Karoui n'a mis à exécution aucune de ses menaces, il n'a réagi que par voie judiciaire. Il ne s'agissait que d'un défoulement. Quand aux mots orduriers, ne soyons pas hypocrites, ils sont monnaie courante sous nos cieux. Enfin, on aimerait demander à IWatch pourquoi il n'a jamais réagi à l'affaire Bouchléka alors que tous les éléments de preuve sont là, et pourquoi il s'acharne sur Nabil Karoui sans aucune preuve.

Certains observateurs ne cessent d’affirmer que Youssef Chahed n’est pas impliqué dans l’arrestation de Karoui ? Est-ce que vous ne pensez pas que c’est réellement une affaire de justice ?

Les membres du bureau politique de Tahya Tounes nous disaient, chaque jour, que Youssef Chahed allait faire arrêter Nabil Karoui. Une fois Nabil Karoui arrêté et devant le tollé, ils nous ont dit que ce n'est pas Youssef Chahed qui a donné les instructions nécessaires. Alors, qui a procédé à l'arrestation? Les services spéciaux du ministère de l'Intérieur, avec une diligence et des moyens exceptionnels. 

Seul le ministre de l'Intérieur a les moyens de déclencher une telle arrestation complètement insensée car M. Nabil Karoui est un simple prévenu pour une affaire banale. Si les terroristes étaient suivis avec autant de diligence, la Tunisie n'aurait pas connu les attentats de ces dernières années.

Parlons un peu de vous. Depuis 2011, vous n’avez pas cessé de sauter d’un parti à un autre et vous avez soutenu des politiques qui vous ont déçu, comme BCE ou Chahed. Pourquoi tous ces changements et qu’est-ce qui vous laisse croire que Nabil Karoui ne va pas vous décevoir aussi ?

La seule activité politique que j'ai eue est la fondation du Joumhouri en 2011 que j'ai présidé durant 9 mois avant de démissionner. C'est donc la première fois, depuis, que je m'engage. Pour le reste je n'ai fait qu'écrire des chroniques politiques de soutien ou de rejet, selon les activités de nos politiques. 

Pour Nabil Karoui, c'est différent, il s'agit d'un brasseur d'idées, un hyper actif intellectuel qui a un plan pour la Tunisie et les moyens de le réaliser. D'où mon engagement vu que la Tunisie est sur une très mauvaise pente et que l'engagement est devenu plus que nécessaire pour chacun d'entre nous si on veut remettre ce pays debout.

Quelle sera votre position au cas où il y aurait un revirement qui implique une alliance entre 9alb Tounes et Tahya Tounes ?

Si c'est une alliance autour d'un programme de sauvetage de la Tunisie et que les conditions de cette alliance sont la participation de véritables compétences à un gouvernement, je serai le premier à la soutenir. Mais s'il s'agit d'une alliance de facade destinée à garder en place des politiciens qui ont contribué à ruiner la Tunisie, je m'y opposerai.

Si vous aviez le droit de choisir un autre candidat à affronter au second tour de la présidentielle, qui serait-il et pourquoi ?

Un candidat qui a un véritable programme et qui ne risque pas de détruire ce qui reste de notre pays. Dans ce cas là, une défaite ne serait pas douloureuse.

Entre un candidat qui n’a pas le droit de parler et un autre qui préfère ne pas parler. Quel diable emporte la Tunisie ?

C'est la cause de 9 années d'errance et d'échecs, les Tunisiens sont à bout de souffle, ils ont décidé de voter contre le système, certains pour un symbole censé représenter l'incorruptible, les autres pour un autre symbole, celui de la générosité.

Or si le premier ne s'exprime que d'une façon incommunicable, le second a été emprisonné par les gardiens de l'ordre établi. C'est ce diable là, celui de l'ordre établi, un ordre mû que par des intérêts croisés, sans aucun égard pour le pays et son peuple qui est en train d'emporter la Tunisie.

Nabil Karoui n’a jamais occupé de poste politique... Comment compte-t-il compenser ce manque d'expérience ?

Nabil Karoui était très proche des décideurs. Mille fois il a voulu les avertir des terribles dysfonctionnements, mille fois il a été ignoré. Nabil Karoui connait le pays, son administration et ses dysfonctionnements comme personne en Tunisie.

Vous avez trop parlé des qualités de Nabil Karoui. Quels sont ses principaux défauts ?

Il fait trop facilement confiance, il a beaucoup d'égo, il veut tout contrôler...

Kais Saied étant le favori du second tour…est ce que vous allez continuer à vous battre dans cette course ou vous allez privilégier les législatives dans lesquelles votre parti est favori ?

Nous sommes les seuls à jouer sur les deux tableaux. Il est très important, pour pouvoir sortir le pays de ses crises, de disposer des deux pouvoirs. Nous allons donc tout faire pour travailler sur les deux échéances.

Propos recueillis par Cheker Berhima