Assassinat de Chokri Belaid, cinq ans après et le crime toujours non élucidé
Il y a cinq ans jour pour jour, la Tunisie s’est réveillée sur un assassinat peu ordinaire, celle d’un homme politique, leader d’une formation de gauche, le Watad. C’était le 6 février 2013, Chokri Belaid tombait sous les balles d’un tueur au-dessous de l’immeuble où il habitait. Grand militant, démocrate et tribun hors pair, pourfendeur de l’islamisation rampante du pays, Chokri Belaïd est un critique virulent de la poussée de l'islam intégriste en Tunisie, s'en prenant aux promoteurs de ce qu'il désigne comme un « projet salafiste » et reprochant au parti Ennahdha au pouvoir sa complaisance à l'égard de ces mouvements extrémistes.
Son assassinat a déclenché de nombreuses manifestations dans tout le pays appelant au départ du gouvernement de la Troïka dirigé par Hamadi Jebali. En signe de protestation contre cet assassinat, les bureaux d'Ennahdha dans plusieurs régions ont été saccagés. Le soir même Jebali annonce la démission du gouvernement et il est remplacé de pied levé par Ali Larayedh.
Le 26 février, le ministre de l'Intérieur annonce que le meurtrier est identifié alors que quatre complices, appartenant à un groupe religieux radical, sont arrêtés. Trois jours plus tôt, Amine Gasmi et Yasser Mouelhi ont été interpellés et ont livré les noms d'Ali Harzi, Abou Qatada, Ahmed Rouissi, Marouane Ben Haj Salah, Mohamed Ali Damak et Kamel Gadhgadhi, identifié comme le tueur, qui tous évoluent dans la nébuleuse salafiste. Plusieurs restent en fuite à l'été 2013.
Un an plus tard, Kamel Gadhgadhi est tué le 4 février 2014, dans une opération menée par un commando spécial à Raoued.
Depuis, l’affaire de l’assassinat traine en justice et il est qualifié de « crime d’état ».
Le porte-parole du Front Populaire, Hamma Hammami estimée, en effet, que l'assassinat de Chokri Belaid, « est un crime d'Etat par excellence comme le confirme l'enquête menée depuis cinq ans et les entraves dressées pour ne pas laisser apparaître la vérité ne sont pas techniques ou de formalité mais purement politiques ». Il fait assumer « la responsabilité politique, morale et pénale » au mouvement Ennahdha et accuse « la coalition au pouvoir regroupant Ennahdha et Nidaa Tounes » d’avoir « entravé le procès ».
De son côté, Basma Khalfaoui, veuve de Chokri Belaid, a mis en cause le manque de sérieux des gouvernements successifs dans le traitement de cette affaire. Elle a, même déclaré, que « Ennahdha exerce des pressions sur tous ceux qui tentent de traiter le dossier sur le plan judiciaire. D’ailleurs, le mémorial construit à la mémoire de Chokri Belaid a été vandalisé ». Elle a, également, déploré la passivité des trois présidences. Le comité défense tiendra aujourd’hui une conférence de presse au cours de laquelle elle va révéler de nouveaux éléments.
L’assassinat de Chokri Belaid qualifié de « crime d’état » ne sera certainement pas élucidé de sitôt, malgré les promesses du chef de l’Etat Béji Caid Essebsi de faire toute la lumière sur ce meurtre.
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