Barberousse: Le destin algérien de la Tunisie
Par Jamel HENI
Cela s’était passé en Algérie, il y a quatre ans et des miettes. L’Université de Béjaïa avait organisé en collaboration avec le centre national algérien des archives, le 11 novembre 2016, un colloque, dont la simple évocation aurait suscité un tollé général, sous nos yeux. Saisissant l’opportunité du 500 ème anniversaire de l’entrée des frères Barberousse en Algérie, le campus Aboudaou, avait abrité une série de conférences et d’expositions sur le thème, sans cesse relancé « Barberousse et l'émergence de l'Etat algérien au XVIe siècle ».
Le doyen de l’université de Béjaïa, fief de la mouvance identitaire kabyle, n’était pas obligé d’en découdre avec des têtes de « Turcs », perroquets d’un racisme orientaliste, l’ambassadeur turc, n’avait pas pris la poudre d’escampette, au risque de se faire piétiner par des hooligans du révisionnisme maghrébin, les médias n’avaient pas boycotté une propagande de la sublime porte !
Pis encore, l’événement fut couvert par l’ensemble des médias locaux et une bonne partie des médias nationaux. Les syndicats des journalistes, n’ont pas mis leur grain de sel. La centrale syndicale n’en fit pas des siennes….L’Algérie n’en devint pas malade pendant un mois. L’entendement moyen se tînt à l’écart des combats idéologiques d’un autre temps. La déchirure ethnique en Algérie, s’arrêta au seuil de l’université, où seuls les scientifiques décident. Le savoir en fut sauf ! La raison aussi. L’Algérie, surtout.
Imaginons une seule seconde que cela soit arrivé à Tunis. Le doyen serait déjà limogé de son beau limogeage, l’ambassadeur turc, dont personne ne verra la tronche, aurait été insulté à cor et à dia. Les organisateurs auraient tous été auditionnés. Le savoir serait pris en otage. Les démagogues, éternels cancres de la république, auraient reproduit Abdellya à l’envers : des conférenciers agressés, l’exposition vandalisée….Tout cela au nom du progrès ….vers l’abîme abyssal de la guerre sainte contre « l’histoire » ! Celle qui n’arrange pas le présent.
Nous touchons là le fond du problème en Tunisie : la sujétion du savoir et de la culture à la doctrine. La vérité historique ou scientifique, ne semble plus établie selon des critères épistémologiques, mais bien politiques. L’injection de la doctrine dans la recherche, aurait fini par transformer les phénomènes scientifiques en des phénomènes juridiques : des tribunaux syndicaux et médiatiques préfigureraint l’inquisition universitaire et culturelle. On ne cherche plus des lois de la nature ou de la société, mais de lois tout court ! Un colloque de la sorte n’est même pas concevable chez nous, aujourd’hui. Et pour cause.
Pourquoi ? La question devrait être posée clairement, plus clairement que le reste : pourquoi la science et la culture seraient-ils devenus le jouet de cancres chroniqueurs, de redoublants et d’incultes, sillonnant les universités et les théâtres, armés d’idéologie et de bâtes ? Dans l’impunité totale. Dans l’incompréhension générale.
La réponse est ailleurs : ce ne sont que des potiches pseudo progressistes ! A la nuance près qu’elles sont soutenues, derrière l’écran associatif et diplomatique ! Des forces régionales, détracteurs patentés de la porte sublime, déterrent la hache de la guerre, chez nous : les Torquemada, n’ont rien oublié. 1516, 2016 : 5 siècles ! Ouffff. 500 ans d’indépendance. D’État algérien. Cinq siècles de défaite blanche, occidentale, cyniquement conquérante!
A Tunis, le monde semble s’être arrêté entre deux barbes : barbe-bleue contre barbe-rousse. Le monde a pourtant changé en Algérie, les scientifiques « imberbes » le constatent ouvertement et librement. Voilà notre destin algérien : en finir définitivement avec 1509 : je vous laisse chercher à quoi correspond cette date en Algérie.
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