Bourguiba le grand leader était aussi un homme avec ses grandeurs et sa décadence
Habib Bourguiba aura eu 115 ans ce 3 août 2018, certains avançant le chiffre de 118 ans, car à l’époque les registres de l’Etat civil n’étaient pas aussi à jour qu’ils ne sont aujourd’hui.
avec le siècle, le leader nationaliste, le premier président de la République, « le bâtisseur de la Tunisie moderne et libérateur de la femme » comme il aime à se définir a parcouru le vingtième siècle de bout en bout y laissant une trace indélébile.
Bien qu’on ait cherché à l’effacer de la mémoire des Tunisiens, il est resté vivace dans leurs cœurs. Son œuvre lui a survécu tant est si bien qu’au lendemain de la chute de son tombeur Ben Ali il a repris une place à la mesure de l’héritage qu’il a laissé et qui est immense.
L’éducation, cet ascenseur social qui a bien fonctionné lors des trente glorieuses de son règne et qui a fait du savoir un sacerdoce pour les Tunisiens c’est lui. La femme, cette moitié de la société qui a repris une place digne de son rôle et dont il a mobilisé les compétences au service de la patrie c’est encore lui. La santé pour tous, un droit pour le citoyen et une obligation pour l’Etat, c’est aussi lui.
planification familiale qui a évité à la Tunisie les affres d’une surpopulation non maîtrisée avec ses effets collatéraux qui ont pour noms pauvreté, misère et criminalité c’est lui également. Le tout dans un pays où il fait bon vivre, avec une large classe moyenne, un pays respecté dans le concert des nations grâce à une diplomatie basée sur des principes intangibles et une défense ombrageuse de sa souveraineté.
Si l’héritage de Bourguiba lui a survécu malgré les vicissitudes du temps, c’est parce que l’homme avait une vision et une ambition pour son pays. Mais aussi parce qu’il avait une haute idée de sa fonction et du rôle qui était le sien au sein de la société.
Père affectueux parfois, chef intransigeant le plupart du temps, pédagogue né souvent, maitre absolu s’il le faut, Bourguiba était tout cela à la fois et parfois en même temps.
S’il était autoritaire, il n’était pas un dictateur, ni un autocrate. Car même si c’était lui qui décidait il savait écouter et faisait la part entre le bon grain et l’ivraie, et distinguait entre l’essentiel, l’important et l’accessoire.
Mais le chef de l’Etat qu’il était, il n’en était pas moins homme avec ses grandeurs et sa décadence. Si son œuvre est désormais inscrite dans les tablettes de l’histoire qui finira par lui aménager une place parmi les grands hommes du vingtième siècle et peut être au-delà, on ne peut occulter qu’en s’accrochant au pouvoir au-delà du raisonnable, il avait empêché le pays de faire son entrée dans le club des pays démocratiques.
La dérive a commencé lorsqu’il avait fait adopter par l’assemblée nationale la présidence à vie en 1975. A partir de cette date et jusqu’à sa déposition suite au coup d’état médical du 7 novembre 1987, toute cette période avait été ponctuée de crises, allant des affrontements du 26 janvier 1987 avec l’UGTT, aux émeutes du pain de janvier 1984 avant de culminer avec la grave crise économique et financière de 1986.
Ne l’oublions pas la déposition de Bourguiba qui a permis selon le mot de l’ancien ministre des affaires étrangères Mohamed Masmoudi de « sauver Bourguiba de Bourguiba » a été accueilli dans le soulagement tant la période de fin de règne était pleine de dangers et de menaces pour le pays.
Malgré ces déboires, Bourguiba reste dans la mémoire collective des Tunisiens comme le plus grand homme que le pays n’ait jamais enfanté. Même ceux qui ne l’ont pas connu de son vivant l’ont placé sur un piédestal auquel peu de ses contemporains peuvent prétendre.
Cette place, il la mérite sans conteste. Ses adversaires les plus acharnés comme ceux qui l’ont combattu sans relâche reconnaissent son rôle éminent dans le devenir du pays, comme il le fut pour son passé. C’est peut-être cela la marque des grands hommes.
RBR
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