"A cause du coronavirus, nous sommes passés de trois repas à un seul par jour"
En quelques minutes, le ciel s’assombrit. Des bourrasques balaient le sol et le sable s’envole en tourbillons. Une tempête se lève sur l’Assaba, vaste région du sud-est de la Mauritanie, et d’un geste de la main Eldou Ould Menne se protège de la poussière qui lui fouette le visage. Le chef de Limragha semble inquiet en regardant les nuages noirs au-dessus de son village. Mais ce n’est pas la pluie qui le tracasse le plus, bien au contraire.
« Ici les mesures de prévention contre le Covid-19 ont été respectées dès le début de l’épidémie et il n’y a eu aucune contamination. Mais la population souffre encore des conséquences du corona et elle reste soucieuse », assure celui qui dirige ce hameau de 300 âmes depuis une quinzaine d’années.
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Dans les villages de l’intérieur de la Mauritanie où, selon la Banque mondiale, près d’un quart de la population est en situation d’insécurité alimentaire, le coronavirus a paralysé l’économie pendant de longs mois.
Afin de lutter contre la pandémie, ce pays quasiment désertique, qui comptabilisait au 5 novembre 164 décès pour 7 744 contaminations, a notamment instauré un couvre-feu à partir de 18 heures, interdit la circulation entre les régions et restreint certains déplacements. Ces dernières mesures, qui ont empêché de nombreux échanges commerciaux avec Kiffa, capitale de l’Assaba (où 18 cas de Covid-19 ont été enregistrés en mai), ont fait plonger la fragile économie de cette région qui vit principalement de l’activité pastorale et du petit commerce.
Un « couscous béton »
« Mon mari est tailleur et, du jour au lendemain, on l’a empêché de se rendre à son travail », déplore ainsi Lamiti Mint Maazouz, une habitante de Senhoury, un village situé à une trentaine de kilomètres de Limragha.
Privés d’une partie de leurs revenus souvent issus du secteur informel et d’un accès aux denrées de première nécessité, les villageois ont été contraints de manger moins et autrement. « J’ai diminué les quantités et, au fil des semaines, les repas avec de la viande ont disparu, se souvient Lamiti Mint Maazouz. Je ne faisais cuire que du blé ou d’autres céréales pour préparer ce qu’on appelle chez nous un “couscous béton”, parce qu’il remplit bien le ventre… »
Pour compliquer un peu plus la situation, ces populations ont dû faire face à une importante sécheresse en 2019 qui les a privés d’une bonne récolte. Alors même ceux qui avaient un peu de réserve les ont vus fondre en quelques semaines. « Nous sommes passés de trois repas par jour à un seul et, vers la fin, on ne mangeait quasiment plus rien », affirme Eldou Ould Menne.
Les marchés étant fermés, la plupart des ménages se sont mis à emprunter de plus en plus auprès des petits vendeurs affectés par la baisse des échanges commerciaux. « J’ai déjà déposé le bilan une première fois parce que j’accordais trop de crédits à des clients et qu’ils ne me remboursaient pas, déplore Zeina Mint El Bechir, propriétaire de la boucherie du village de Senhoury. En achetant ce commerce il y a deux ans, je m’étais promis de ne pas faire la même erreur. Mais, à cause du Corona, j’ai continué à faire des avances et même à grande échelle. Aujourd’hui, on me doit 46 500 MRU [quelque 1 030 euros] que les villageois me rembourseront, Inch’Allah. »
Une pandémie qui semble stabilisée
Dans le cadre de son plan national de riposte contre le Covid-19, le gouvernement mauritanien a pris en charge les factures d’eau et d’électricité des familles les plus démunies et supprimé toutes les taxes municipales liées aux activités des petits métiers. Il s’est aussi engagé à fournir une aide de 2,5 milliards de MRU aux 200 000 ménages les plus vulnérables.
Le Programme alimentaire mondial (PAM), qui a reçu le prix Nobel de la paix pour ses efforts dans la lutte contre la faim, fournit également une assistance alimentaire et monétaire dans certains villages de l’Assaba grâce à différents programmes financés notamment par BMZ, la coopération allemande.
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Fin juillet, la plupart des restrictions liées au Covid-19 ont été levées en Mauritanie où l’épidémie semble stabilisée depuis mi-octobre. Dans les villages de l’intérieur, le commerce a repris progressivement, mais les ménages restent lourdement endettés. « Ils ne pourront commencer à rembourser leurs dettes qu’en 2021 après les prochaines récoltes qui sont prévues en décembre et janvier, explique El Hacen Kane, chef de bureau du PAM à Kiffa. Grâce à une bonne pluviométrie, elles s’annoncent heureusement bien meilleures que celles de l’an dernier. »
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