Ces  jeunes rapatriés de force, une véritable bombe à retardement

Ces  jeunes rapatriés de force, une véritable bombe à retardement

A partir de ce lundi 10 Août, les autorités italiennes ont commencé à rapatrier par force les jeunes migrants tunisiens arrivant en Italie à bord d'embarcations, avec 80 rapatriements par semaine, selon le ministre italien des affaires étrangères Luigi Di Maio, conformément à un accord de rapatriement signé avec la Tunisie en 2011. Ce dernier a même brandi des menaces contre notre pays : « Sans réponse tunisienne adaptée », a-t-il mis en garde, « l’aide italienne pourrait être suspendue », évoquant « une première enveloppe de 6,5 millions d’euros ».

Son collègue de l’intérieur Luciana Lamorgese a été dépêchée à Tunis où elle a rencontré, le 27 juillet dernier, le président de la République Kais Saied pour évoquer directement avec lui ce flux migratoire qui ne cesse d’augmenter pour atteindre les 462%, au départ de la Tunisie, selon les chiffres du HCR. Et elles se multiplient notamment depuis un mois. Les autorités italiennes parlent de 12 000 migrants arrivés dans la péninsule entre le début de l'année et la fin juillet, dont près de la moitié venaient de Tunisie. En Juillet dernier, on a dénombré plus de 4000 Tunisiens qui ont atteint les côtes italiennes, lus grand nombre jamais enregistré depuis le pic d’octobre 2017 qui avait culminé à 2.700.

Ces chiffres sont confirmés par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES). « Depuis janvier, on constate que 53% des départs de Tunisie concernent des Tunisiens, les 47% restants sont des Subsahariens », signale son porte-parole Romdhane Ben Amor. « Avec le déconfinement, les Tunisiens reprennent en masse le chemin des côtes pour tenter la traversée vers l'Italie alors qu'en mars, avril et mai, les Subsahariens étaient plus nombreux à prendre la mer car ils se trouvaient déjà le long des côtes », ajoute-t-il.

Le président de la république Kais Saied qui s’est déplacé à Sfax et à Mahdia, les deux principaux points de départ des embarcations qui tentent de rallier l'Italie, ne s’est pas départi de la responsabilité de la Tunisie dans ce phénomène migratoire « La question est essentiellement tuniso-tunisienne », car le pays a « échoué à résoudre les problèmes économiques », a-t-il expliqué. Les projets sont nombreux mais ils sont, à ses yeux, entravés par « les blocages politiques et administratifs ».  Selon lui, la partie italienne a, à son tour, sa part de responsabilité. Car « au lieu d’investir davantage dans les forces côtières pour éradiquer ce fléau, il faut éliminer les motifs originels qui poussent ces candidats à se jeter à la mer », à savoir « l’inégale répartition des richesses dans le monde».

Remplis d’espoir à l’idée de se construire un avenir en Europe, des milliers de jeunes se trouvent rapidement renvoyés, des fois sans même avoir foulé le sol de ce faux Eldorado. Ils ont tout vendu pour se frayer une place dans une embarcation de fortune, risquant leur vie, pour traverser la Méditerranée. « « Du pain, de l'eau, Oui. Mais non à la Tunisie», les a-t-on entendus brandir ce slogan qui remplacé celui « Du pain, de l'eau, Oui. Mais non à ben Ali». Voilà où nous en sommes à peine dix ans après cette fameuse journée du 14 Janvier 2011 qui avait suscité tant d’espoir. Depuis, Ben Ali est parti sans retour, mort et enterré loin de ses terres, et le slogan « emploi, liberté et dignité » a été comme enterré avec lui.

Ce retour forcé de ces jeunes frappés de désillusions et qui ont tout perdu, va constituer une véritable bombe à retardement pour les autorités du pays, impuissantes face à une crise, la plus grave depuis l’indépendance du pays. Crise multiple, aggravée par la pandémie du coronavirus qui a provoqué la perte de plusieurs milliers d’emploi. Le taux de chômage a du coup monté à plus de 18% et il frappe de plein fouet les jeunes, premières victimes expiatoires de la crise. Qu’a-t-on préparé pour les accueillir et les soulager ?

B.O

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