Chama Chaïbi tire sa révérence !

Chama Chaïbi tire sa révérence !

Par Naoufel Ben Aissa

Rendre hommage aux femmes "militantes par alliance" est un devoir. A ces femmes aussi, la Tunisie doit être reconnaissante.

Chama Chaïbi, Allah yarhamha, a soutenu son mari, le fervent militant feu Tahar Amira (1920-2004), dans les moments les plus durs et sombres de leur vie commune. Ainsi a-t-elle résisté aux foudres du despotisme de la République naissante de Bourguiba auprès d'un mari patriote, engagé et dévoué pour la cause de son pays.

Qui est Tahar Amira, son époux ?

Reçu à l'Ecole des Mines de Paris en 1942, au titre d'Elève étranger. A son décès, Tahar Amira a eu droit à un vibrant hommage de la part de l'association des anciens élèves de l'Ecole où ils ont retracé son parcours.

On y apprend qu'il a fait ses études primaires à l'école publique de Halfaouine à Tunis et ses études secondaires au collège Sadiki, puis au Lycée Carnot de Tunis. Quant à ses études supérieures, il intègre l'Ecole des mines de Paris d'où il décroche un diplôme d'ingénieur civil des mines (promotion 1942). Il poursuit ensuite ses études encore un an, en faisant une spécialisation de géologie appliquée après le diplôme des Mines.

"De retour à Tunis, il devient militant syndicaliste, il adhère au parti de libération de son pays où il est actif dans la résistance armée (1951-52). Tout en faisant partie du bureau de l'UGTT auprès de Farhat Hached, il fabrique des explosifs et des détonateurs qu'il confie aux résistants. Condamné à mort par contumace (1952), il s'enfuit à Tripoli (Lybie), au Caire, puis à Jakarta (Indonésie), où il représente le mouvement de libération de la Tunisie auprès de la conférence des pays non alignés de 1953 à 1955, à Bandung. Il est alors condamné par contumace par la Justice française.

Après l'indépendance de la Tunisie (1956), le service des mines lui est confié pendant 2 ans. En 1958, le régime Bourguiba l'accuse (à tort) de complot youssefiste et le condamne à 20 ans de prison pour délit d'opinion. Jeté en prison 3 semaines après la naissance de sa fille aînée, il passe plus de 4 ans au bagne de Porto-Farina (Ghar el Melh). Il est gracié le 1er juin 1962 et sort de prison le 18 juin.

Il occupa notamment les fonctions suivantes : Directeur général des transports maritimes de Tunisie (1968-1970), Président de la Compagnie des phosphates de Gafsa (1970-1975), Président du Holding d'El Bouniane (1975-1978), Directeur de l'office des Ports nationaux tunisiens (1978-1981).

Il fut décoré Grand officier de l'Ordre de l'Indépendance par Bourguiba, Commandeur par Ben Ali et C.B.E. (Commander of the Order of the British Empire) par la Reine Elisabeth II."

Feu Azouz Allal, lui aussi combattant de la libération et ami proche de Ahmed Tlili, a connu, comme feu Hamadi Ghars, Tahar Amira de très près puisqu'ils étaient du même quartier tunisois de Bab Laqwas d'une part et d'autre part, si Tahar Amira fabriquait les bombes, Azouz Allal était de ceux qui les posaient aux endroits indiqués.

De Am Azouz (né le 1 mars 1926) qui était comme un père pour moi, j'ai appris ce qui suit de feu Si Tahar Amira:

Depuis son jeune âge, il a brillé par son caractère, son intelligence et sa proactivité. Il était ami des "leaders" dont en particulier Farhat Hached et ne se laissait jamais influencer. Il a toujours été son propre arbitre. Contrairement à ce qu'on a voulu laisser entendre, Il n'a jamais été youssefiste ni bourguibiste d'ailleurs. Toutefois, il a essayé d'apaiser les tensions entre les deux rivaux et jouer au modérateur, seulement il fut trahi par Behi Ladgham qui a fait faux bond et préféré prendre parti pour Bourguiba lors du Congrès de Sfax et par conséquent, démoli tout ce qui a été entrepris pour arriver à un compromis entre Bourguiba et Ben Youssef.

Étant encombrant car un témoin gênant, compromettant et "indomptable", on l'a accusé à tort et incarcéré pour l'éliminer du paysage politique, croyant pouvoir le faire taire.

Après tant de bravoure et de dévouement pour son pays, Tahar Amira a été injustement traité par les siens, ses "compagnons d'armes". Meurtri par une telle ingratitude, il a pris ses distances....

C'est avec ce Grand Homme d'honneur et de principes que Chaïma Chaïbi a partagé sa vie, pour le meilleur et pour le pire.

Allah yarhamhom
 

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