CONECT prend le contre-pied de l’UTICA : la guerre des patrons
Le président de la CONECT (Confédération nationale des entreprises citoyennes de Tunisie) Tarak Chérif ne fait pas dans la dentelle. Toujours offensif, il n’a pas l’habitude d’avoir sa langue dans sa poche.
Depuis qu’il a créé en 2011 son organisation patronale, cet entrepreneur sexagénaire se répand dans les médias pour défendre la libre entreprise et mettre l’accent sur le rôle du secteur privé dans l’économie. Il s’y fait l’apôtre de l’Etat régulateur et non de l’Etat agent économique.
Pour lui, ce n’est pas le rôle de la puissance publique de, prendre la place de l’industriel, du commerçant, de l’hôtelier ou de l’agriculteur. S’il ne tenait qu’à lui toutes les entreprises publiques travaillant dans les secteurs concurrentiels devraient être privatisés. S’il y a un mot qui le fait sortir de ses gonds c’est bien celui de monopole.
Même s’il semble parfois prêcher dans le désert, il n’en cure. Il dit ce qu’il pense et il n’a pas l’intention de changer d’un iota. Même s’il lui arrive de reculer pour mieux sauter. Ainsi est-il un partisan invétéré du partenariat public-privé. L’Etat n’ayant pas les moyens de moderniser ses infrastructures doit-il se tourner vers le privé pour y obtenir les financements dont il a besoin. La Loi PPP a bien été adoptée mais elle tarde à entrer en application.
Pour autant, la CONECT cherche-t-elle à s’opposer à la centrale patronale historique, l’UTICA. Si vous pouvez la question à Tarak Cherif, il s’en défendra et balaiera l’accusation d’un revers de main. Ancien membre du bureau exécutif de l’UTICA et président-fondateur de la Fédération de la chimie, il ne renie pas son passé. Mais s’il peut montrer sa différence, il ne va pas bouder son plaisir.
C’est ce que la CONECT vient de montrer une fois de plus en s’opposant avec véhémence à l’accord signé entre l’UTICA et l’UGTT pour le versement des salaires du mois d’avril. Dans son communiqué, la CONECT exprime son profond regret, quant au principe et à la forme de cet accord. Du fait qu’il ait été signé sans concertation suffisante avec les différentes organisations représentatives des employeurs, marquant ainsi la persistance du ministère des affaires sociales à perpétuer son atteinte à la justice de représentation des entreprises. Comme elle rejette catégoriquement cet accord qui, n’obéit pas aux conditions légales, réglementaires et conventionnelles présidant à l’adoption de normes de travail contraignantes pour les entreprises.
L’occasion est trop belle pour que la CONECT n’en profite pas. Il se fait un plaisir de saluer la mesure arrêtée par le Chef du gouvernement, dans le cadre des mesures économiques et sociales d’accompagnement arrêtées en vue d’atténuer les conséquences sociales des mesures sanitaires décrétées, relative à l’allocation budgétaire de 300 MD, consacrée à l’indemnisation au titre du « chômage technique » même si ellel estime que cette mesure est tout à fait insuffisante à l’effet de surmonter les difficultés relatives au sort des contrats de travail des salariés ainsi affectés.
Dans son ommuniqué le CONECT ne manque pas ensuite d’enfoncer le clou en rappelant que la majorité du tissu économique tunisien est formé de PME et TPE employant plus de deux millions de personnes, que la plupart de ces entreprises sont à l’arrêt depuis le 20 mars 2020 soit depuis 26 jours compte tenu du confinement sanitaire total décrété par les pouvoirs publics. Elles ne disposent pas de ce fait de capacités financières suffisantes pour supporter les frais fixes tels que loyer, charges sociales et fiscales, ainsi que les salaires.
La CONECT profite de l’occasion pour exhorter le gouvernement à engager un dialogue sérieux et ouvert avec toutes les parties prenantes sur les meilleurs moyens à même de prévenir les licenciements et la crise des salaires et de réaliser, ainsi, tout ce qui socialement souhaitable, étant rappelé que les mesures prises ne peuvent, en même temps, garantir durablement que ce qui est économiquement possible.
Est-on en pleine guerre des organisations patronales ? On peut le craindre. Le pluralisme politique doit aussi coexister avec le pluralisme des organisations syndicales et patronales.
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