Dans la perspective de l’élection présidentielle; N’est-il pas temps de jouer l’apaisement ?

Dans la perspective de l’élection présidentielle; N’est-il pas temps de jouer l’apaisement ?

 

Dans quelques semaines, la Tunisie s’engagera dans la ligne droite menant à l’élection présidentielle qui devrait avoir lieu à l’automne prochain. En septembre ou octobre 2024, selon les précisions de l’ISIE.

Ce scrutin majeur et décisif est attendu non seulement par les Tunisiens mais aussi par le monde qui nous entoure, car il balisera la voie pour la prochaine décennie sinon au-delà pour notre pays tant l’homme ou la femme qui prendra les rênes de la nation détiendra de larges attributions qu’aucun président avant lui n’en avait rêvé de posséder.

D’ici deux mois tout au plus, la deuxième chambre du Parlement, à savoir le Conseil national des régions et des districts, sera installée, ce qui aurait achevé la mise en place de l’architecture des institutions prévues par la Constitution adoptée le 25 juillet 2022.

De fait, on sortira alors de l’empire du décret N°117 du 22 septembre 2021 relatif aux mesures exceptionnelles instaurées au lendemain du 25 juillet 2021. On aura remarqué que ces mesures sont toujours en vigueur pour ce qui concerne la « fonction exécutive », le chef de l’Etat n’ayant pas encore prêté serment en vue d’appliquer pleinement la nouvelle constitution.

Si les Tunisiens ne se sont pas rendus en nombre aux urnes pour les élections législatives de 2022 et les élections locales de 2023-2024, le taux de participation à ces deux scrutins ayant stagné autour de 12% (l’un des scores les plus bas jamais enregistré dans le pays et paraît il dans le monde), c’est, entre autres, parce qu’ils n’attendaient pas grand-chose ni des députés et encore moins des conseillers locaux en estimant qu’ils n’avaient aucune prise ni sur leur présent ni sur leur avenir.

Des présidentialistes nés

Les Tunisiens ne croient qu’au pouvoir d’un seul homme ou d’une seule femme qui peut changer leur vie pour le meilleur comme pour le pire. Les Tunisiens sont des présidentialistes nés et ils l’ont toujours démontré avec Bourguiba, malgré ses maladies et son âge avancé et avec Ben Ali dont ils avaient toléré les écarts un moment, avant de se révolter contre lui.

Le régime hybride ou bâtard (semi-présidentiel ou semi parlementaire) qu’ils ont dû subir pendant une décennie, ils ont fini par le vomir et le honnir parce qu’il ne correspondait pas à leur culture de l’autorité mais aussi en raison des turpitudes de ceux qui en avaient été les détenteurs et qui avaient agi en véritables prédateurs pour qui le pouvoir était d’abord et avant tout un butin.

Logiquement, il faut s’attendre à ce que l’élection présidentielle prévue à l’automne prochain connaisse un véritable engouement et que le taux de participation soit le plus élevé possible pour nous faire oublier les taux historiquement bas des deux précédents scrutins.

Cependant, des conditions doivent être préalablement établies pour que ce soit réellement le cas, sinon on retrouverait les mêmes scores avec pour conséquence un sérieux doute sur la légitimité du président élu.

Condition sine qua non

Si un taux de participation bas ne peut entacher la légitimité d’une chambre de députés ou d’un conseil local, puisqu’il s’agit en fin de compte d’institutions internes, ce n’est pas le cas s’agissant du chef de l’Etat, qui est le symbole de la nation, le commandant des armées et le chef suprême de la diplomatie, appelé de par ses fonctions à interagir avec ses pairs partout dans le monde.

Parmi ces conditions, il y en a une qui est sine qua non, sans laquelle l’élection perdrait son attrait et le vainqueur toute légitimité. Il s’agit de de permettre une réelle compétition électorale donnant à tous les candidats qui veulent se présenter la possibilité de le faire et leur offrir des chances égales d’accès à tous les moyens de la puissance publique, au même titre que le président sortant.

En effet, il ne fait point de doute que le président Kaïs Saïed sera candidat à sa propre succession, pour des raisons politiques certes, mais aussi et surtout pour des raisons quasi mystiques que plein de ses affidés partagent, à savoir qu’il est chargé de la mission de remettre le pays sur le droit chemin après les errements non d’une décennie mais de plusieurs, tous les gouvernants qui l’ont précédé étant également responsables de sa situation actuelle.

La cité vertueuse, voire

N’étant pas dans la cité vertueuse que l’actuel chef de l’Etat appelle de ses vœux, il nous faut bien nous rendre à l’évidence, qu’en Tunisie comme ailleurs, il y a des bons et des mauvais, des gens honnêtes et d’autres qui le sont moins, ou pas du tout, comme il y a des corrompus et des corrupteurs et il nous faut faire avec tous ensemble et séparément.

Seule la loi applicable à tous sans distinction peut séparer le bon grain de l’ivraie. La justice neutre et impartiale doit être souveraine pour que chacun puisse jouir de ses droits et remplir ses devoirs. Au moment où des ténors de la scène politique se trouvent en prison sous différentes accusations, il n’est pas possible d’imaginer si cette situation perdure que l’on puisse envisager une compétition présidentielle en bonne et due forme.

Il est dès lors plus que temps de jouer l’apaisement. Il n’est pas dans mon intention d’appeler à une ingérence de l’exécutif dans les affaires du pouvoir judiciaire. Loin de là, car ce serait un déni de justice.

Occasion ratée?

Mais il est plus qu’urgent que les affaires pendantes dans lesquelles sont impliqués des hommes ou des femmes politiques connaissent leur épilogue, ou du moins que le public soit informé de leurs tenants et aboutissants pour pouvoir juger sereinement de la portée des accusations qui leur sont reprochées.

Des jugements définitifs permettraient au président de la République d’user de son droit de grâce si nécessaire pour que la compétition électorale soit préservée, dans son fond comme dans forme.

Si cela n’est pas fait avec une grandeur d’âme et une volonté évidente de dépasser les contingences, l’élection présidentielle si déterminante ne serait qu’une occasion ratée.

RBR

Votre commentaire