Défis Sociaux en Tunisie post-révolution, gouvernance et intervention sociale

Cela fait plus que six ans que la révolution tunisienne a eu lieu, il s’agit d’un évènement ovationné par trois Expressions fondamentales: EMPLOI, LIBERTÉ ET DIGNITÉ, annonçant l’entrée de la Tunisie dans un nouveau tournant de son histoire avec des aspirations et affiches de changement structurel touchant les modèles politique, socioéconomique et culturel. Ce changement qui n’épargne aucun système s’insère dans une expérience qualitative ouvrant la voix à de nouveaux horizons et à de nouvelles perspectives qui attendent à être concrétisés.
Le Salut du 14 janvier 2011 qui est parvenu, par une volonté tunisienne collective et en puissance, à renverser l’ancien régime a fait entrer le pays dans un processus de transition multidimensionnelle. Il a également généré de grandes attentes chez les différentes fractions de la population qui croit plus que jamais dans sa volonté et son pouvoir à changer et à faire changer son quotidien.
Toutefois, le rythme et le poids ascendants des manifestations de la complexité et de l'exacerbation de la réalité vécue ont eu cet effet alourdissant sur la volonté d’agir et ont réduit voire même anéanti l’étendu de l'espoir et de l’optimisme créés par la révolution qui se sont progressivement transformés en désespoir, frustration et pessimisme.
Cette transformation du tempérament sociétal n'est pas, selon notre hypothèse due au volume des problèmes produits du modèle de développement ayant caractérisé les décennies précédentes la révolution et ayant été à l’origine de la volonté du changement. Elle n’est pas non plu due aux nouveaux problèmes apparus après la révolution. Mais elle trouve son origine dans l’incapacité des différents acteurs et intervenants à proposer les solutions adéquates en mesure d’améliorer les conditions de vie des populations dans les plus courts délais possibles et répondre à leurs attentes pour qu’elles puissent voir leur espoir et leur optimisme se concrétiser.
C’est ainsi que de nouveaux défis sociaux sont apparus après la révolution, parmi lesquels nous citons en particulier la gestion du changement politique, économique et social et le choix des approches, des méthodologies d’intervention et des références en mesure de nous permettre de comprendre une réalité et vécu dont la complexité ne cesse de prendre de l’ampleur touchant ainsi différentes composantes de la vie quotidienne du citoyen où s’interfèrent des données multiples et extrêmement enchevêtrées .
Etant donné que l’étincelle qui a été à l’origine de la révolution avait un caractère profondément social, et pour pouvoir réaliser le changement tant espéré, il est primordial que «la question sociale » bénéficie d'un intérêt extrême aussi bien au niveau du diagnostic qu’au niveau de la vision stratégique quant au traitement des problèmes sociaux variant en nombre, en ordre et en nature et allant du simple au complexe, du local au régional et du micro jusqu'au macro phénoménologique.
Les différentes approches des problèmes sociaux jusqu’ici utilisées se sont presque toutes figées sur le diagnostic et ont permis de parvenir à un certain consensus quant à l’ampleur et aux impacts des différents problèmes. Cependant, elles ont trébuché sur la canalisation des solutions à proposer et à mettre en œuvre pour parvenir aux résultats escomptés. Cela tient essentiellement à la qualité et à l’ampleur des défis sociaux et au manque d'expérience quant à leur manipulation calibrée.
La réalité tunisienne actuelle offre ainsi une occasion unique pour une réflexion scientifique spécifique permettant d’expérimenter et de tester les concepts et les modèles théoriques en liaison avec la Question Sociale et qui pourraient éventuellement être passibles de révision et d'ajustement académiques en fonction de la mouvance du contexte et des changements historiques que connaît la Tunisie. Ceci dit, la réflexion sur la question sociale permettra aux académiciens d’accompagner le changement en œuvre dans la société tunisienne et d’agir en tant que support à toute action qui vise les meilleures conditions sociales.
Une pléiade de chercheurs a attiré l'attention au fait que les choix sociaux représentent le facteur principal derrière toute annulation des options estimées efficaces pour procéder aux réformes nécessaires pour les transitions politique et socioéconomique. Ces choix sociaux sont le produit du modèle de développement de plusieurs décennies et qui était à l’origine de l’exclusion et de la marginalisation sociales. Par ailleurs, plusieurs chercheurs et universitaires ont démontré le fort lien de corrélation entre les choix sociaux et les actions collectives.
Sous cet angle, nous considérons que la maîtrise des variables expliquant le comportement individuel orienté vers le changement ainsi que la connaissance des différences internes, externes et croisées entre les différentes catégories(classes) sociales et les catégories professionnelles doivent se baser sur la recherche scientifique appliquée.
Ceci est en mesure de fournir un acquis stratégique dans le processus à mettre en œuvre pour faire face aux défis sociaux de l'après révolution. Nous pensons également qu’il sera pertinent d’aborder dans le cadre du congrès proposé des questions relatives au niveau de vie de la classe moyenne, aux salaires, à l'inflation, au partage équitable des richesses de la nation, à la qualité du capital humain et à l’élargissement des perspectives et des choix pour répondre aux attentes et aux aspiration des citoyens. L’approche adoptée devrait être une approche globale et intégrative mettant en lumière la relation étroite entre le capital humain et le capital social en plus des dynamiques des réformes du marché du travail sans perdre de vue la qualité du capital humain dans son rapport avec le système éducatif et la logique du travail collectif.
L'objectif étant d'aborder le profil de la fragilité sociale et de l’inégalité régionale et sociale qui se sont accentuées dans le contexte sociopolitique de transition que connaît la Tunisie. Ceci suppose l’adoption de nouveaux modèles d’analyse, la révision des moyens et des dispositifs d'intervention sociale ainsi qu’une restructuration institutionnelle qui permettraient de s'attaquer sciemment à de nouveaux phénomènes tels que, le chômage de longue durée, le suicide, l’immigration non réglementaire, l'effritement des relations sociales primaires à tous les niveaux, la violence sous toutes ses formes, la délinquance, le racisme et la discrimination, le régionalisme et bien d’autres problèmes.
C’est par rapport à ces différents éléments que l'Institut National du Travail et des Etudes Sociales/Université de Carthage organise son premier congrès scientifique international sur « les défis sociaux en Tunisie postrévolutionnaire : gouvernance et intervention sociales" le 25 et 26 octobre 2017 à la cité des sciences de Tunis avec la présence des universitaires, chercheurs et experts de la Tunisie, l’Algérie, le Maroc, la France, l’Allemagne et le Canada.
Les objectifs du congrès :
•répertorier les problèmes sociaux de base en fonction d'un critère référentiel et fournir des propositions pratiques permettant d’approcher les problèmes répertoriés.
•Proposer des pistes d’intervention en mesure de fournir les solutions adéquates aux multiples problèmes sociaux affectant le bien être individuel et collectif.
•jeter les fondements d’une tradition scientifique dans le domaine de la Question Sociale en Tunisie.
Dans sa première édition, le congrès à organiser propose un travail de réflexion qui abordera les axes suivants:
1. Les défis sociaux en période de transition démocratique : La gouvernance, Problèmes et expériences
2. Les défis sociaux en période de transition démocratique: ampleur et impacts
3. Les défis économiques en période de transition démocratique
4. Politiques sociales en période de transition démocratique: Analyse et Evaluation
5. Interventions sociales en période de transition démocratique: Acteurs et Stratégies
6. Crises économiques et sociales après 2011 et innovation sociale
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