Dr Chokri Jeribi: "Il est primordial d’agir et de fédérer tous les acteurs impliqués dans la recherche clinique en Tunisie"

A l'occasion de la journée internationale de la Recherche Clinique, célébrée le 20 mai en Tunisie et dans le monde, nous avons rencontré le Dr Chokri Jeribi, Président de la chambre Nationale des CROs (Contract Research Organisation), expert en recherche clinique, vrai militant et engagé dans le domaine de la recherche clinique depuis des décennies. Dans cette entrevue, il évoque la célébration de la journée internationale de la recherche clinique ainsi que des thèmes retenus cette année en Tunisie.
Pourquoi le 20 Mai a été choisie pour célébrer la recherche clinique?
Dr Chokri Jeribi : Il faut remonter à 1747, un 20 Mai, à bord du navire Salisbury, le scorbut fait rage parmi les marins. Un médecin écossais au nom de James Lind décide de comparer l’efficacité de 6 traitements sur un groupe de 12 marins malades. Après 6 jours de traitements, le groupe ayant été traité par des agrumes était guéri par rapport aux autres marins traités par d’autres thérapeutiques que les agrumes. Ainsi, James Lind, en cette date du 20 Mai 1747 venait de poser les bases de la recherche clinique et de la médecine fondée sur les preuves.
C'est ainsi que le 20 Mai de chaque année, est célébrée partout dans le monde et en Tunisie, la journée internationale de la recherche clinique. C'est une occasion pour célébrer et souligner les progrès que la recherche clinique permet de faire dans la découverte de nouveaux traitements et de sensibiliser un plus vaste public à l'importance des essais cliniques en santé. En ce sens, le progrès de la médecine et l’innovation sont étroitement liés à la recherche clinique.
Comment la Chambre nationale des CRO a-t-elle célébré cette année la journée internationale de la recherche clinique ?
Au niveau de notre chambre, nous sommes convaincus qu’il est primordial d’agir et d’oeuvrer ensemble et de fédérer tous les acteurs impliqués dans la recherche clinique en Tunisie. Ainsi, pour la deuxième année consécutive, la Chambre Nationale des CRO constituée par les organismes chargés de conduire les études de recherche en santé s’est associée à la direction de la recherche médicale au Ministère de la santé, au SEPHIRE ( Syndicat des Entreprises Pharmaceutiques Innovantes de Recherche) , à la CNIP (Chambre Nationale des Industries Pharmaceutiques) , le Conseil National de l’Ordre des Médecins ( CNOM) et au Conseil National des Pharmaciens de Tunisie pour célébrer la journée internationale de la recherche clinique du 20 mai.
A cette occasion, une journée scientifique réunissant tous les intervenants dans le domaine de la Recherche Clinique a été organisée le Mardi 20 Mai à Beit El Hikma à Carthage.
Quel est le programme scientifique développé au cours de cette manifestation ?
Au cours de la manifestation, un programme scientifique riche et détaillé a été développé. A savoir des sessions interactives, des panels liés à des sujets d’actualité dans le domaine de la recherche clinique, à l'instar des études en vie réelle (Real World Evidence), l’Intelligence artificielle dans les essais cliniques et les métiers de la recherche clinique...
Pourquoi avoir choisi particulièrement ces trois thèmes ?
Nous ne pouvons parler de recherche clinique en 2025, sans aborder ces trois thèmes. En effet, par exemple pour le thème lié aux études en vie réelle, la richesse de données collectées en santé, l’apport de l’intelligence artificielle constituent des outils et des opportunités de tailles pour conduire des études de vraie vie sur les produits de santé.
Ces études, contrairement aux études en phases précoces, avant la mise sur le marché qui sont réalisées sur la base de protocoles bien précis, très cadrés et sur un nombre limité de patients, les études en vie réelle permettent de vérifier l’efficacité et l’innocuité des produits de santé dans la vraie vie, au quotidien, chez des patients, suivis en routine. Ces études permettent également d’évaluer le rapport coûts / bénéfices pour les traitements innovants, entre autres.
Les études en santé en vie réelle sont devenues un nouvel allié de la recherche clinique. L’impact de ces études est significativement positif sur les patients, sur les chercheurs et au niveau des décideurs dans leur prise de décision d’octroi d’autorisation de mise sur le marché (AMM).
Il en est de même pour l’apport de l’intelligence artificielle (IA) dans les essais cliniques. L’IA accélère l’innovation. L’IA est en train de transformer le modèle traditionnel des essais cliniques. L’IA, par exemple, au niveau de l’étape découverte de nouvelles molécules (drug discovery), grâce à des algorithmes peut analyser beaucoup de données pour identifier très rapidement de nouvelles cibles médicamenteuses et aider à comprendre les mécanismes complexes des maladies. L’IA générative peut concevoir de nouveaux candidats médicaments dotés de propriétés thérapeutiques spécifiques et prédire leur efficacité et tolérance.
En phase clinique, l’IA permet un recrutement de patients beaucoup plus rapidement. Véritable tournant apporté par l’IA dans les essais cliniques qui va réduire considérablement les délais de réalisation des études cliniques ainsi que leur coûts.
Tous ces éléments font que le domaine de la recherche clinique a besoin de nouvelles compétences et fait appel à des nouveaux métiers, en plus des métiers classiques. Des compétences en bio-informatique, en biostatistique sont devenus indispensables et incontournables.
L’aspect formation constitue une priorité pour répondre à ces besoins. Cette évolution est pourvoyeuse d’employabilité au niveau des diplômés des sciences de la vie.
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