Fakhfakh est fini et la stratégie de Ghannouchi a pris fin
Par Nouredine Ben Mansour (*)
Fakhfakh est de Sfax, ville connue depuis l’Antiquité par son économie et les Sfaxiens sont dans l’ensemble des gens sérieux, intelligents, bien instruits et civilisés.
Fakhfakh était avant janvier 2020 presque incognito et sans poids politique considérable bien qu’il fût ministre au début de la période de la Troïka. Il passe pour un social démocrate à la tunisienne.
Il a déposé sa candidature à la présidentielle de 2019 en lançant des discours soutenant les libertés individuelles ; l’égalité et autres thèmes classiques. Il était en huitième position sur la liste remise au président de la république pour le choix d’un chef de gouvernement et il a recueilli moins de 0,5% des suffrages. C’est l’un des plus faibles pourcentages des suffrages.
Fakhfakh n’était jamais donné pour favori. Malgré ce mauvais résultat il devient chef du gouvernement, et ce, grâce au président de la république qui l’a choisi. Quels sont les critères de ce choix et pourquoi il l’a choisi. Mais pourquoi ce choix? C’est encore une énigme. Sa candidature était appuyée par Tahya Tounes et le Courant Démocratique. Dès le début, ce choix n’était pas unanime surtout que ce gouvernement renferme huit ministres de nationalité française ; chose mal vue par la majorité des Tunisiens.
C’est le premier point noir. Pour certains, la volonté des électeurs n’a pas été respectée. Une fois devenu chef de gouvernement ; il a présenté son programme ayant comme trait principal la reforme de l’économie et le secteur public et le renforcement de la justice sociale. Il a lancé l’idée d’une société de citoyenneté. Bref c’est un discours classique fondé essentiellement sur des principes classiques.
La première importante défaillance de Fakhfakh est qu’il n’était pas bien soutenu par les représentants de l’ARP. C’est sa faiblesse qui serait visible au cours de ses prochains jours comme chef de gouvernement. Sans unanimité et sans appui de la majorité, il lui est difficile pour lui de continuer son chemin.
Cette désignation a créé un profond désaccord entre Kaies Saied et Ghanouchi.
Pourquoi Fakhfakh devait démissionner ? Des causes directes et autres indirectes. Son comportement était choquant coloré d’une arrogance sans précédent et se croyant qu’il est hors pair et sans aucun reproche.
Il était hautain et ses discours étaient agressifs et donneurs de leçons. Il donne l’impression qu’il veut passer partout et par force. Il est trop subjectif surtout quand il a écarté Qalb Tounes et EL Karama deux partis en deuxième et quatrième positions à l'ARP. Il a commis des fautes de tactique qui ont eu un impact négatif. Le voilà encore qui fait encore des faux pas et il s’est mis dans une position hybride et inconfortable en déclarant qu’il va opérer un changement au sein du gouvernement en écartant les ministres du parti d’Enahdha qui tenait à élargir le gouvernement.
Une faute qui va lui coûter très cher. Cet éventuel passage en force a été mal calculé et fatal. Une chose faite, Ennahdha a relancé ses appels à changer le gouvernement de Fakhfakh.
C’est le commencement de sa fin. Il a mal calculé. Arrogant ; tête dure et manque d’expérience..
La pandémie de coronavirus était une sorte de sursis pour le gouvernement de Fakhfakh. Il a prêché la clarté dans toutes ses interventions et on n’oubliera pas ses fameux propos «personne n’a de plume sur sa tête». Le jeu pour lui est fini et le voilà devant un dilemme et c’est lui qui doit répondre à l’opinion publique qui lui exige des comptes dans une affaire de conflits d'intérêts.
Fakhfakh a mal calculé et ce par manque d’expérience en politique et en organisation,le voilà mis dans une position sans issue de secours. Ennahdha a déposé mercredi 15 juillet 2020 une motion de retrait de confiance a l’égard du chef du gouvernement Fakhfakh et son équipe ministérielle signée par un ensemble de 105 parlementaires.
La pression d Ennahdha a donné ses fruits puisque le chef du gouvernement Fakhfakh a présenté sa démission mercredi 15 juillet 2020. La situation en Tunisie pourrait devenir confuse surtout que le président Kais Saïd n’avait que 10 jours pour nommer une personnalité au poste de chef de gouvernement et puis comment ce nouveau chef de gouvernement peut-il avoir la confiance de l'ARP.
Depuis la chute du régime Ben Ali, le 14 janvier 2011, la scène politique tunisienne a connu plusieurs bouleversements et changements tant politiques que sociaux. L’ancien parti au pouvoir, le RCD, était dissous, de multiples partis de l'opposition, de gauche ; centristes ou islamistes, ont été légalisés ou fondés.
L'image de tous ces partis ainsi que leurs leaders s’est dégradée d'une façon spectaculaire. C’est le ras-le-bol. Ce qu’on peut affirmer que la scène politique dans le pays se dégrade de jour en jour. Les uns se prennent pour des bourguibistes ; d’autres des panarabistes et destouriens et sans oublier les partis qui se passent pour progressistes et nationalistes locaux. Certes le plus important parti en nombre et organisation est le parti Ennahdha. Le deuxième parti était Nidaa Tounes qui n’est plus influent et a connu une division profonde c’est-à-dire il est parti en fracas.
D’autres partis se sont scindés en deux ou trois sous groupes, comme le parti du Congres de Marzouki, Ettakatol de Ben Jaafar et El Joumhouri de Chebbi. Des partis ont vu le jour dernièrement comme El Destouri, Tahia Tounes et Kalb Tounes. La liste est encore longue. La Tunisie compte plus de 200 partis et pseudo-partis.
Ces nouveaux partis tunisiens évoluent depuis 2011 dans un contexte illogique, tant au niveau national que régional. Ils ont du mal à se faire accepter par la population du fait du manque de stratégie réelle et efficace dans sa vision et aussi par leurs programmes proposés qui ne reflètent pas des solutions concrètes aux problèmes du pays.
Ghannouchi est maintenant entre le ciel et la terre et il ne sait plus quoi faire. Il a été mis dans un piège d'où il ne peut plus agir car son action est devenue tributaire d'autres acteurs (locaux et étrangers). Dommage pour lui il a perdu l'indépendance de la parole. Il a perdu sa liberté d'agir. Avant il parlait selon les principes d'Ennahdha mais maintenant il s'appuie sur ce que les autres lui dictent.
Cette nouvelle position va lui créer beaucoup de problémes et chaque déclaration va augmenter son isolement au sein de son parti.
Le résultat est l'affaiblisssement d‘Ennahdha. Face à ces évolutions on pourra avoir trois divisions (trois partis) l'une sera constituée par Mekki et Cie, une deuxième par Zitoun et ses collègues et la troisième c'est à dire celle qui reste sera pour Ghannouchi.
La faute monumentale de Ghanouchi réside autour de sa stratégie qu'il a calculée uniquement à court terme. Il est inutile que c'est une sorte de peur qui l'a poussé à s'allier avec Essebsi. Cette position était dictée par les pressions étrangéres et les acteurs de la contre révolution ou plus exactement par une bonne partie de l'ancien régime. Il a eu peur que son sort et celui de certains nahdhaouis soient les mêmes que celui des frères musulmans d'Egypte.
La conduite de Ghannouchi actuellement est une politique de caméléon qui se colore avec les circonstances. Il veut être ami avec la droite et la gauche. Avec Qatar et l’Amérique. C’est de l’opportunisme politique pour certains ou de la sagesse politique pour d'autres, mais ses conséquences sont graves pour son parti plusque jamais divisé.
C'est pour cela, qu'il cherche par tous les moyens de prolonger son pouvoir en tant que président du parti, bien que plusieurs voix se sont élevées contre lui pour ne plus se présenter aux futures élections d'Ennahdha.
La situation du pays est encore confuse et les horizons ne sont pas clairs et elle pourrait basculer autrement vers des cieux inconnus. Cette vérité doit ouvrir les yeux surtout des vrais politiciens de prendre en considération ces faits négatifs actuels et de là il faut agir rapidement et corriger ces défaillances.
Une partie des pays arabes a connu son printemps arabe mais seule la Tunisie a relativement réussi. C’est une révolution qui est encore à ses débuts et elle est fragile. Pour qu’elle réussisse elle a besoin d’un vrai élan qui nécessite un dialogue sincère, un compromis et une unité. Tous les partis sont obligés de s’entendre pour qu’ils puissent construire un avenir sûr et démocratique.
Pour sortir au mieux de la situation actuelle, il est nécessaire et obligatoire d’emprunter la voix de la démocratie réelle et de la justice sociale et bloquer les négatives interventions étrangères et locales.
La question du jour est comment le président de la république Kais Saied a choisi le nouveau chef de gouvernement Hichem Mechichi? Selon quels critères ?
Un chef de gouvernement sans bagages économiques pourrait-il sauver la situation catastrophique de la Tunisie ? Pour le faire, il faut être un magicien,
(*)Dr.Ing.gen.
Ex.Min. indstrie
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