Gaza: L’ONU interdite d’accès au point de passage de Rafah par Israël
Alors que l’armée israélienne a déclaré, mardi matin, avoir pris « le contrôle de la partie palestinienne du point de passage » de Rafah, ville du sud de la bande de Gaza, située à la frontière avec l’Egypte, les agences humanitaires de l’ONU ont exprimé, mardi, leur profonde inquiétude quant au fait que les deux principaux points d’accès de l’aide de l’enclave restaient fermés.
« Nous n’avons actuellement aucune présence physique au point de passage de Rafah, car le Cogat [organisme israélien chargé de coordonner la politique israélienne dans les territoires palestiniens occupés] nous a refusé l’accès à cette zone », qui est le principal point de passage de l’aide humanitaire, a déclaré lors d’un point de presse à Genève, le porte-parole du Bureau de coordination de l’aide des Nations Unies (OCHA), Jens Laerke.
Selon les agences de l’ONU, après la saisie du poste frontière de Rafah, les deux principaux points de passage vers la bande de Gaza restaient fermés, coupant pratiquement l’enclave de l’aide extérieure.
Le poste frontière de Rafah est situé à la frontière entre l’Égypte et la bande de Gaza et est le seul point de passage avec Gaza qui n’est pas contrôlé par Israël. Depuis un accord conclu en 2007 avec Israël, l’Égypte contrôle le point de passage, mais les marchandises entrant dans la bande de Gaza par Rafah doivent être approuvées par Israël.
Ce point de passage est devenu une ligne de vie cruciale pour l’aide après qu’Israël a fermé ses points de passage avec Gaza le 7 octobre.
Bien que certaines fournitures non combustibles soient entrées par le point de passage d’Erez, au nord, ces derniers jours, les agences de l’ONU notent que ces fournitures étaient insuffisantes et difficiles à acheminer vers Rafah, car il fallait traverser des zones de combat actives.
Des réserves de carburant juste pour une journée
Cette nouvelle donne intervient alors que les agences de l’ONU ont très peu de stocks à Gaza, étant donné que les fournitures humanitaires sont consommées immédiatement. « On nous a dit qu’il n’y aurait pas de passage de personnel ou de marchandises à l’intérieur ou à l’extérieur de la bande de Gaza pour le moment », a ajouté M. Laerke, rappelant que cela aurait « un impact considérable » sur les stocks dont disposent les agences humanitaires.
Désormais les agences redoutent le scénario d’une pénurie. Selon M. Laerke, les stocks humanitaires existants à Gaza ne devraient pas durer plus d’une journée. Il a également fait remarquer que Rafah est le seul point d’entrée pour le carburant, sans lequel les générateurs, les camions et les équipements de communication ne peuvent pas fonctionner.
Dans ces conditions, l’enclave ne dispose que d’une journée de réserves de carburant. Or si aucun carburant n’arrive, « ce serait un moyen très efficace de mettre l’opération humanitaire en péril », a déclaré M. Laerke. « Nous disposons d’une très, très courte réserve de carburant d’une journée. Comme le carburant n’entre que par Rafah, la réserve d’un jour est valable pour l’ensemble des opérations à Gaza ».
La famine s’aggraverait dans le nord de la bande de Gaza
En réponse à la question d’un journaliste, une porte-parole de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a précisé qu’aucune exception n’était faite même « pour les patients malades ou blessés ».
Finalement, « les Forces de défense israéliennes ignorent complètement tous les avertissements concernant les conséquences pour les civils et les opérations humanitaires dans la bande de Gaza », a fait valoir le porte-parole d’OCHA à propos du blocus, qui prive les populations palestiniennes de l’accès à l’aide la plus essentielle à la survie.
Dans ce contexte d’incertitude quant au cessez-le-feu à Gaza et à l’imminence d’une opération militaire à Rafah, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) avait aussi averti, mardi matin, que l’interruption continue de l’entrée de l’aide et du carburant au point de passage de Rafah mettrait fin à la réponse humanitaire critique dans la bande de Gaza.
La famine dans le nord de la bande de Gaza « s’aggravera si ces voies d’approvisionnement sont interrompues », a précisé l’UNRWA, sur le réseau social X.
Rester à Rafah aussi longtemps que possible
Ces derniers développements interviennent alors que Israël pousse les Palestiniens à quitter l’est de Rafah. Selon les rapports des médias, l’armée israélienne déclare avoir « encouragé » les personnes déplacées et les organisations humanitaires internationales opérant dans l’est de Rafah à « évacuer temporairement » la zone.
« Le 6 mai, l’armée israélienne a ordonné aux habitants de neuf blocs de l’est de Rafah de [se déplacer temporairement] vers une soi-disant [zone humanitaire élargie] à Al Mawassi », a d’ailleurs précisé l'OCHA.
Face à cette situation, le chef de l’UNRWA prévient qu’une offensive militaire israélienne ne fera qu’ajouter une « couche supplémentaire à une tragédie déjà insupportable pour les habitants de Gaza ».
« Il sera encore plus difficile d’inverser l’expansion de la famine déjà provoquée par l’homme. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un cessez-le-feu et non de nouveaux déplacements forcés et de l’angoisse d’une souffrance sans fin », a insisté Philippe Lazzarini, relevant que les humanitaires resteront et fourniront une aide critique à Rafah aussi longtemps que possible.
Les femmes subissent de plein fouet les conséquences du conflit
De son côté, ONU Femmes rappelle qu’une intensification des opérations militaires va accroître la mortalité et le désespoir des 700.000 femmes et filles de Rafah. Et de nouvelles données de l’enquête d’ONU Femmes à Rafah mettent en évidence l’ampleur du désespoir physique et mental.
Plus de 90 % des femmes interrogées ne se sentent pas en sécurité et plus de la moitié d’entre elles font état d’un état de santé nécessitant des soins urgents. En cas d’invasion terrestre israélienne, ces chiffres grimperont en flèche.
Plus de 80 % des femmes font état d’un sentiment de dépression, 65 % ne parviennent pas à dormir et plus de 70 % souffrent d’une anxiété accrue et de cauchemars. Plus de la moitié des femmes interrogées souffrent d’un problème de santé nécessitant des soins médicaux urgents depuis le début de la guerre, et plus de 60 % d’entre elles ne sont pas en mesure de payer les soins médicaux nécessaires.
« Les femmes et les jeunes filles de Rafah, comme celles du reste de la bande de Gaza, sont déjà dans un état de désespoir et de peur permanents. Une invasion terrestre serait une escalade insupportable qui risquerait de tuer des milliers de civils supplémentaires et de forcer des centaines de milliers de personnes à fuir à nouveau », a déclaré Sima Bahous, Directrice exécutive d’ONU Femmes.
Votre commentaire