Ghazi Mabrouk: "L'objectif est de mettre à la disposition de la Tunisie un véritable outil de lobbying"
Docteur en Sciences politiques de l’Université de la Sorbonne (Paris I) depuis 1973, Ghazi Mabrouk compte parmi les plus grandes personnalités tunisiennes influentes à l'étranger. Sortant des plus grandes écoles où il effectua un cursus universitaire en droit, études politiques, économie et finances..., Mabrouk est aussi l’auteur de plusieurs articles, essais et ouvrages.
Ce spécialiste en marketing politique, très respecté à "Bruxelles", est depuis 2008 le coordinateur de l’Alliance Économique Européenne, un lobby interrégional élitiste. Il vient récemment d’être élu Président-Exécutif du «G7 Circle for Tunisia». Espacemanager l’a rencontré pour vous à cette occasion. Interview !
Espace Manager: Vous venez d'être fraîchement nommé comme Président-Exécutif du «G7 Circle for Tunisia», à Paris. Quel parcours avez-vous emprunté avant d'en arriver là !?
Ghazi Mabrouk: Un bien long parcours, vous pouvez me croire ! Et surtout durant le quart de siècle qui me sépare aujourd’hui des débuts de ma vie professionnelle. Comment vous résumer en quelques mots les initiatives que j’ai initiées, en des temps où certains concepts étaient tellement avant-gardistes que pour les vulgariser il avait fallu des efforts redoublés.
Je me limiterai à vous dire ici que mon activité s’est articulée autour de ce que l’on appelle le lobbying et que l’on nomme maintenant le Public-Affairs. Ceci avait commencé en une époque où même l’Europe en était à ses balbutiements…a fortiori la Tunisie !
Désormais le lobbying est devenu incontournable et s’impose même comme un outil professionnel évident. On parle de diplomatie économique, mais elle est totalement inopérante si elle n’active pas les réseaux constitutifs du lobbying. Il est vrai que, par les temps que vit la Tunisie, c’est plus la course à l’échalote de copinages pour des postes d’Ambassadeurs, que la volonté réelle de maitriser des mécanismes et dispositifs up to date comme celui-ci. Vous imaginez donc le parcours qu’il m’a fallu accomplir pour «en arriver là», comme vous dites !
En quoi consiste réellement le «G7 Circle for Tunisia»?
Ce qu’on imagine, c’est que le G8 ou G7 est une institution installée, avec une logistique d’action et même des fonds de distributions de financements propres. Ce qui est totalement erroné. Il s’agit uniquement d’une initiative quasi-irrégulière de réunions, diligentées au gré des besoins économiques et politiques des Grands de ce monde. Ce qui signifie que, lorsque le G8 de Deauville de juin 2011 avait fait des promesses de financements à la Tunisie, il n’y avait aucun instrument pour s’assurer du suivi réel de la concrétisation de cette annonce péremptoire. Comme je ne pensais pas que les instruments de l’Etat tunisien étaient en mesure de se concentrer sur ce genre d’action, empêtrés qu’ils sont dans la vie politicienne de notre pays, c’est là que j’ai pensé à demander à l’OEM - dont je suis le Conseiller Spécial – de se pencher sur un soubassement et même un contrefort qui amènerait la Tunisie à bénéficier réellement de cette manne promise et jamais entamée.
Le «G7 Circle for Tunisia» avait alors été initié. Je vous signale que l’appellation est indifféremment G7 ou G8, selon que la Russie le rejoindrait ou en serait exclue. Le premier «G8 Circle for Tunisia» s’est tenue à Paris l’an dernier, le 25 avril 2014, en présence des dirigeants des 8 plus grandes plateformes de public-affairs présentes dans les pays du G8. Ce qui avait été annoncé par la presse européenne.
J’avais ensuite été coopté en qualité de Président-exécutif le 20 mai 2014. Ce qui a été institutionnalisé ce mois-ci, près d’un an après, ainsi que mon entrée en exercice officielle. Ce qui va permettre d’engager de manière dynamique les actions de lobbying de soutien en vue de la participation tunisienne au prochain G7 en juin, en Allemagne.
Quels sont les véritables objectifs du «G7 Circle for Tunisia»? A-t-elle un impact en faveur de la relance économique dans nos murs?
Le premier objectif est de mettre à la disposition de la Tunisie un véritable outil de lobbying et d’action de réseaux pour s’assurer de la concrétisation des promesses du G7. Les objectifs, outre le soutien auprès des réseaux d’influence du prochain G7, seront essentiellement de veiller et d’agir, afin de s’assurer que les discours qui vont y être prononcés et les engagements qui vont y être pris seront réellement suivis d’effets.
Comptez sur ce dispositif pour qu’il soit d’une clarté et d’une omniprésence telle, que toute dilution de la part des pays réunis et toutes tergiversations éventuelles seront d’une visibilité immédiate.
L’impact étant attendu par une Tunisie qui se redresse. Une Tunisie qui a besoin d’un «Plan Marshall» de ce fameux G7. Une Tunisie qui a besoin de voir s’activer enfin les Sovereign Wealth Funds dans sa direction. Une Tunisie qui a besoin d’un moratoire consensuel de la dette extérieure de trois années, ce qui n’a rien d’infamant en soi. Une Tunisie qui a besoin d’une politique de Grands Travaux Publics. Dans la situation actuelle, c’est à l’Etat de donner l’impulsion, afin que les investisseurs intérieurs et extérieurs suivent et que les PME tunisiennes et autres sous-traitants embauchent.
La prochaine conférence du «G7 Circle for Tunisia» se tiendra en Tunisie le 15 septembre 2015. Quelles sont les décisions qui devraient être entreprises en cette phase cruciale pour notre pays ?
Comme vous le savez, toute dynamique a besoin d’une «locomotive». Parmi les 8 grandes plateformes de Public-Affairs qui constituent le Collège du «G7 Circle for Tunisa», il en est qui sont issues de pays traditionnellement proches de la Tunisie. Ce sont celles-ci qui vont provoquer un effet d’entrainement, pour tirer les conséquences des engagements du prochain G7 de juin 2015.
La prochaine Conférence «G7 Circle for Tunisa», prévue le 15 septembre à Tunis va permettre de faire le bilan de l’engagement effectif sur le terrain, des décisions qui seront prises par la Sommet de juin prochain. Ainsi le tableau de bord sera visible par tous et chacun prendra ses responsabilités. On ne peut pas continuer à balader ainsi la Tunisie, en un moment où l’Egypte a bénéficié d’un pactole saoudien considérable, avec l’accord tacite indispensable de certains de ces pays du G7…précisément.
Suite à votre récente nomination, vous avez prononcé cette jolie phrase: «Tout ce que nos aînés ont fait est à refaire, après que les vandales modernes l’aient défait. Le cheval des Attila contemporains est passé, afin que l’herbe ne repousse plus…Mais l’herbe de Tunisie repoussera et repoussera encore, car elle ne s’est jamais définitivement flétrie.» Que cherchez-vous à mettre ici en évidence?
J’ai cherché à mettre en évidence…l’évidence justement ! On veut tuer deux fois nos aînés bâtisseurs. Ces mêmes vandales modernes sont ceux qui ont piétiné l’Etat et sa structure durant trois années. Ce sont ceux qui ont voulu détricoter les acquis modernes de la société tunisienne. Ce sont, ceux-là mêmes, qui font aujourd’hui sciemment profil bas…pour revenir en force et y rester. Souvent avec le consentement équivoque et implicite de «qui vous savez» !
Propos recueillis par O.D.