IACE : Le déficit énergétique pèse lourdement sur l’économie tunisienne

IACE : Le déficit énergétique pèse lourdement sur l’économie tunisienne

Le déficit énergétique a atteint 57% du déficit commercial en 2024, à cause de la croissance des quantités importées malgré le fléchissement des prix. La principale raison réside dans la chute de la production nationale d’hydrocarbures qui a enregistré 16% en 2024 par rapport à 2023, pour se situer à 3,7 Mtep alors que le pays produisait plus du double en 2010, selon le dernier blog sur la diversification des sources d’énergie en Tunisie, explorant  les enjeux et les solutions possibles, publié aujourd'hui par l'Institut Arabe des Chefs d'Entreprises (IACE). 

Ainsi, la consommation continue d’augmenter, soit 3% en moyenne par an pour l’électricité et 1,4% pour les produits pétroliers depuis 2010, et ce, malgré la croissance faible du PIB, suite aux choix sectoriels énergivores comme la multiplication des cimenteries et la substitution du transport par petits modules au transport en commun.

Pour le premier trimestre de 2025, la valeur moyenne de la tonne équivalent pétrole (Tep) est élevée à cause de la composante gaz naturel dans les importations (après l’arrêt du gaz russe de l’Europe du Nord). Une baisse des prix est observée en 2025, et ce, de 18% pour la moyenne de l’année par rapport à 2024, mais les quantités importées continuent leur hausse limitant le gain en devises à 1,5 milliards de dinars.

D’ailleurs, sur les deux premiers mois de 2025, la balance courante était excédentaire de 191 MDT mais elle est déficitaire de 1654 MDT par l’effet du déficit énergétique. Cela provoquerait des contraintes sur les autres importations pour limiter l’effet sur la baisse des réserves en devises qui est déjà observée pour faire face aux flux nets négatifs de capitaux liés au remboursement de la dette extérieure.

L’exécution des projets d’énergies renouvelables prévus et la programmation d’autres projets constituent donc une priorité absolue pour la stabilité financière du pays.

Le déficit énergétique, exprimé par le besoin élevé en énergie par rapport aux ressources énergétiques classiques de la Tunisie est non seulement élevé et croissant, mais aussi inquiétant par sa structure caractérisée par un manque de flexibilité et de substitution.

En effet, la production d’électricité est totalement dépendante du gaz naturel comme source d’énergie en Tunisie, ce fut un choix historique d’adopter une source plus propre que le fuel qui a été poussé à l’extrême pour atteindre 96% de l’électricité générée à partir du gaz naturel, le reste étant constitué par les énergies renouvelables et très peu d’hydroélectricité.

Certes, les énergies renouvelables constituent la solution de diversification des ressources énergétiques recommandée à la fois pour sa propreté et pour son coût qui baisse pour la composante solaire, même si elle est accompagnée de moyens de stockage pour pouvoir la consommer au moment voulu.

Solutions possibles

Devant la lenteur de la progression des énergies renouvelables en Tunisie, surtout pour des raisons de financement actuellement, et l’impossibilité de l’énergie nucléaire dans le moyen terme (5 à 10 ans), la seule solution, selon l'IACE, réside dans la diversification des sources de gaz naturel pour s’assurer de sa disponibilité au moindre coût pour les centrales électriques existantes avec les extensions possibles. En parallèle, la priorité en matière d’extension de capacité de génération d’électricité doit être allouée à l’énergie renouvelable, en priorité solaire accompagnée de stockage pour éviter les problèmes de capacité du réseau de distribution et de timing journalier de la demande.

Ainsi, la diversification de l’approvisionnement en énergie est une nécessité pour tout pays dans le Monde, rien que pour faire face aux problèmes techniques éventuels. Pour l’électricité, qui doit être fournie continuellement, le choix d’avoir opté pour une source unique, le gaz naturel, la diversification impose le recours au gaz naturel liquide (GNL) comme source additionnelle d’approvisionnement.

En fait, les calculs économiques montrent, qu’en 2023-2024, le GNL importé par l’Europe en provenance des USA et regazéifié dans les ports pour être injecté dans les réseaux de gaz naturel coûte moins cher que le gaz naturel importé par gazoduc des pays voisins. Cette situation s’explique en partie par la rareté du gaz naturel après la guerre d’Ukraine, mais aussi par l’abondance du gaz américain où l’extraction schisteuse ne pose pas de problèmes, qui est liquéfié et exporté faisant des USA le plus grand exportateur mondial du GNL.

En 2023, le prix sur le marché de référence du gaz naturel - TTF de Rotterdam - a été de 43.9 $/MWh contre 8.6 $/MWh pour l’US Henri Hub, référence pour le gaz américain. En effet, l’écart entre les deux prix est important depuis 2008 par suite de la baisse du prix américain par l’exploitation à outrance du gaz de schiste.

Actuellement, le prix européen TTF est à 37 $/MWh contre 13 $/MWh pour le Henri Hub américain. Cet écart justifie le coût additionnel de liquéfaction du gaz naturel américain en GNL plus le coût de transport par méthanier plus le coût de regazéification dans le pays de destination pour l’utiliser en gaz naturel pour la production d’électricité ou toute autre utilisation.

Cette analyse montre que le recours au GNL en Tunisie constitue non seulement une source de diversification de l’approvisionnement des centrales électriques, mais offre aussi la possibilité d’acheter le gaz naturel moins cher selon les conditions du marché international, surtout que les importations couvrent plus de la moitié des besoins.

Pour cette raison, il suffit de faire un investissement d’une usine de regazéification dans un des ports tunisiens liés au réseau de gazoducs. Il est possible de réduire l’investissement en louant une barge qui permet cette opération pour accélérer la réalisation du projet et bénéficier de l’écart important des prix. Il n’est pas exclu que la Tunisie gagne en exportant sa redevance du gaz algérien et utilise le GNL importé.

I.Z.

 

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