"Illuminations d'El Halfaouine" clôturé en beauté avec un spectacle soufi aux couleurs de "Hizb El Mahdia"

Sous les lanternes vacillantes, la mythique place El Halfaouine, au cœur de la médina de Tunis, s’est offerte, le temps d’une nuit, à la beauté d’une ferveur partagée. Dans la soirée du mardi 18 mars 2025, la troisième édition des "Illuminations d’El Halfaouine" (Tajalliyat Al-Halfaouine) a refermé ses portes, laissant derrière elle l’écho des voix et la douce ivresse d’une spiritualité envoûtante. Avec les premières notes du groupe soufi "Hizb El Mahdia", dirigé par Fadhel Saka, le chant s’est infiltré entre les ruelles, portant avec lui l’ivresse du dhikr et la profondeur des "madihs". Certains parmi la foule, immergés dans l’instant, laissaient leur âme se fondre dans la cadence hypnotique, tandis que d’autres, assis aux terrasses des cafés, accompagnaient d’une voix discrète ces mélodies envoûtantes, où le temps semblait se suspendre, créant une communion silencieuse entre l’âme et la musique.
Une soirée d’émotions et de ferveur
La nuit s’est ouverte sur une effervescence joyeuse, où les éclats de rire des enfants résonnaient au rythme du jeu des acrobates et jongleurs qui ont offert un moment féerique, prélude à une nuit vibrante d’émotion et de ferveur.
Lorsque la voix d’Amani Riahi s’est élevée, accompagnée des mélodies envoûtantes de son album "Kima Errih", une douce intensité s’est installée. Engagée et habitée par ses textes, elle a offert une prestation vibrante.
Puis, le silence s’est fait, empreint d’attente et de recueillement. Drapés de leurs habits traditionnels, les membres du groupe "Hizb El Mahdia" ont pris place, faisant résonner les premiers accords d’une série de "madihs" issus du répertoire de la confrérie "Aissaouia". "Nouba Al Mouzin", "Nouba Ben Aissa Gharbi" en hommage à Sidi Mohamed Ben Aïssa, puis "Nouba Akhmar Ya Khammar" et "Nouba Rasd Eddhil" se sont succédé dans une montée progressive d’intensité.
Le point culminant de la soirée fut l’interprétation de "âali Lekdar", véritable empreinte musicale du groupe. Réarrangé avec des nuances mélodiques captivantes, ce "madih" a enveloppé la place d’une aura presque mystique, transportant le public dans un voyage intérieur où la musique devenait prière, et le temps, une ferveur.
La "Takhmira" : apogée de la transe mystique
Au cœur de la "hadhra" soufie, le spectacle a atteint son apogée avec la "Takhmira", ce moment de transe où la musique et la ferveur se confondent en une extase mystique. Portés par l’accélération vertigineuse du rythme et l’intensité envoûtante des chants, les présents ont peu à peu cédé à l’appel de la transe. Les battements puissants de la "zokra" et du "bendir" résonnaient comme un souffle ancien, éveillant en chacun une énergie presque sacrée. Certains spectateurs, emportés par cet appel collectif, ont rejoint spontanément les cercles de dhikr, les yeux clos, psalmodiant les invocations avec une intensité qui se lisait sur leurs visages.
Dans une volonté d’ouverture et d’innovation, "Hizb El Mahdia" a osé fusionner tradition et modernité en intégrant des instruments comme le violon et l’orgue. Ces sonorités inédites, glissant subtilement au fil des "madihs", ont offert à l’art "Issaoui" une profondeur nouvelle, un souffle mélodique plus fluide sans jamais altérer son essence.
Ce qui fait la singularité de "Hizb El Mahdia", bien au-delà de son riche répertoire, c’est son approche scénique envoûtante, où chant, danse et percussion s’entrelacent dans une harmonie totale. Là où les ensembles soufis traditionnels cloisonnent les rôles entre chanteurs, musiciens et danseurs, "Hizb El Mahdia" abolit ces frontières. Chaque artiste devient à la fois voix, mouvement et rythme, entraînant le public dans un tourbillon où la spiritualité se fait palpable, presque charnelle. Les corps tournoient, les tambours résonnent, les voix s’élèvent en parfaite synchronisation, dessinant une transe collective hypnotique.
Fondé en 1996 à Mahdia, le groupe s’inscrit dans la lignée de la "Tariqa Issaouia", héritière de la tradition mystique de Sidi Mohamed Ben Aïssa, dont le mausolée se dresse dans la ville marocaine Meknès. Ce courant soufi, éclaté en multiples écoles -"Issaouia", "Soulamia", "Qadiriya"- possède une richesse rythmique et vocale unique. Pourtant, "Hizb El Mahdia" a su tracer son propre sillage. Brisant les codes figés du soufisme musical classique, il insuffle une énergie nouvelle à ces chants séculaires, alliant l’hypnose du sacré à la puissance de la scénographie.
Un éclat d’art et un foisonnement de cultures, le temps des cinq nuits ramadanesques "Illuminations d’El Halfaouine"
Pour sa troisième édition, "Illuminations d'El Halfaouine" a une fois de plus transformé la médina de Tunis en un écrin de féerie et de spiritualité. Organisée par le Théâtre National Tunisien (TNT), en partenariat avec la fondation Abdelwahab Ben Ayed (FABA) et Microcred, cet événement s'est imposée comme un rendez-vous incontournable du mois de Ramadan.
Durant cinq jours, du 14 au 18 mars 2025, la magie a opéré, tissant un lien vibrant entre traditions et expressions contemporaines. Cirque, théâtre, cinéma et musique soufie ont résonné dans les ruelles, au charme d’antan, offrant au grand public un beau voyage dans le temps et l’espace où l’art et la ferveur ont fait complicité, tissant en chaque soirée ramadanesque une fresque vivante de mémoire, de son et de lumière.
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