Kaliningrad: Le talon d’achille de l’OTAN et de l’Europe 

Par Mahjoub Lotfi BELHEDI
Universitaire, spécialiste en réflexion stratégique 

Bien que le mouvement antimondialiste en Europe n’a pas  franchit  le seuil contestataire, l’invasion russe en ukraine lui a prêté une nouvelle dimension de nature cruelle  sous couvert d’une série de pseudo-alibi alliant histoire et géopolitique …

Depuis l’automne dernier, le tsar rouge du Kremlin s'obstine á poursuive sa propre  «opération militaire spéciale»  en vue d’imposer un modèle de « Re-mondialisation  Eurasiatique » à caractère totalitaire / autarcique dont la chine et la Russie affichent, à des nuances prés, leurs ambitions à commander ses timons.

Dans cette course sans merci de proue et de gouvernail entre une Mondialisation en perte de vitesse et une « Re-mondialisation » en mode sino-russe, l’oblast  de « Kaliningrad »  demeure, doublement, un champ stratégique énigmatique et la pièce occulte du puzzle communicationnel de l’OTAN, mais aussi des européens et des russes !

Du côté Occidental, 

Débattre la question de Kaliningrad dans les médias, c’est divulgué au grand jour les motivations profondes de la demande d’adhésion du Suède et de la Finlande á l'OTAN, c’est aussi décrypté, en partie, la phobie allemande d’un éventuel glissement européen dans le bourbier Ukrainien.

En effet, Kaliningrad était  la capitale de la Prusse orientale (une province allemande  disparue appelée jusqu’en 1945 « Königsberg »), dotée d’un micro-territoire de 15 000 km et d’une population d'un million d’habitants environ,  annexée à l’Union  soviétique en vertu des accords de Yalta  (Février 1945) et de Potsdam (Juillet-Août 1945).

S’est convertit en enclave - coincée entre la Pologne et la Lituanie - suite à l’indépendance des pays baltes en 1991, sa façade maritime évolue en mer fluide libre de glace à la différence des ports de « Saint-Pétersbourg  » et de « Kronstadt  », abritant le quartier général de la flotte russe de la Baltique « lourdement équipée mettant en pression encore plus directe sur l’Europe » selon les observateurs.

Après l’annexion de la Crimée en 2014 par la Russie, Moscou a procédé au déploiement des missiles « Iskander » sur son enclave, il s’agit de missiles balistiques de courte et de moyenne portée capables d’emporter des charges conventionnelles mais également nucléaires selon la formule A2 / AD (Anti Access / Areal Denial), rendant ainsi la riposte de l’OTAN quasi-inopérante (comme l’a démontré ses manœuvres récentes baptisées « Baltops 22 »)  en cas de blocus militaire globale russe de la mer baltique. 

Du côté Russe,  
 
Au-delà des atouts géostratégiques de  Kaliningrad,  ce territoire symbolise, du moins aux yeux du maître du Kremlin, toute une ère soviétique glorieuse,  perçue comme une sorte de tribut de guerre (taxe) en compensation des pertes humaines colossales des soviétiques durant la seconde guerre mondiale, à garder discrètement et à fortifier davantage !

A l’instar de la vision orientale et ses représentations psycho-sociales mutiples, la dimension historio-symbolique occupe une place centrale dans l'histoire politique de la Russie impériale, soviétique ou fédérale, hissée au rang  d’un  totem á ne pas toucher  émanant d’une puissance supérieure…

Ironie de l’histoire,  Kaliningrad, la ville natale du grand philosophe allemand des lumières Emmanuel Kant, pourrait passer toute l’Europe, faute d’issues pacifiques du conflit russo-ukrainien, sous les ténèbres et le grand néant …