La démocratisation qualitative de l’école
La démocratisation qualitative de l’École correspond à la réduction du lien entre l’origine sociale d’un élève et son parcours scolaire, l’élimination de la corrélation entre le milieu social de l’élève et la qualité de la formation dont il bénéficiera.
La démocratisation de l’école est aussi synonyme d’un accès équitable à la formation académique. Les enfants issus de milieux sociaux différents doivent en effet disposer des mêmes moyens pour accéder aux différents postes dans la hiérarchie sociale, c’est ce qu’on appelle l’égalité des chances et l’équité sociale.
Malheureusement, dans notre pays, nous vivons aujourd'hui à une époque où non seulement la démocratisation de l'école a largement reculé, mais aussi à la progression d'une école à deux vitesses. Dans ce nouveau système dualiste, nous trouvons l’école privée qui progresse à pas géants, et l’école publique qui souffre de plusieurs handicaps à savoir:
-un système d'évaluation qui accapare plus de la moitié des volumes horaires dont on dispose
-problèmes liés aux infrastructures, logistique, avec des locaux délabrés dans certaines écoles et des sanitaires dans un état piteux.
-Problèmes de sécurité à l’intérieur des établissements et devant les écoles, dont certaines sont de véritables théâtres de braquage voire de violences physiques, et agressions verbales.
-renchérissement des fournitures, qui à mon sens doivent être fournis par l’État, notamment dans les écoles publiques, à l’instar de certains pays pourtant avec des niveaux de vie largement supérieurs au notre , et affichant des rangs avancés dans les classements mondiaux, et pour exemple je citerais l’Irlande et Singapour
-Absentéisme, de part et d’autre.
-Dysfonctionnement au niveau des recrutements,
-Disparités régionales au niveau des effectifs,
-Fragilisation des contrats et de la condition de certains enseignants,
-Contenu des programmes, techniques d'enseignement à réviser et à moderniser
-Techniques d’enseignement désuètes
-Surcharge horaire hebdomadaire, ne laissant aucune place aux activités artistiques culturelles et sportives, reconnues pour améliorer les compétences des élèves et nécessaires pour l’équilibre psychiques des enfants et adolescents
-Absence d’une formation pédagogique, aux nouvelles recrues, non préparées au préalable aux techniques pédagogiques, notamment modernes.
Quant à l’école privée, qu’on ne peut qualifier d’irréprochable et ce à plusieurs titres ; nous assistons au développement d’une école privée popularisée, destinée à la classe moyenne et à laquelle peuvent accéder les familles aux revenus intermédiaires, et une école privée labellisée (Canadienne, Française ou Américaine………..etc); réservée aux portefeuilles bien fournis, et difficilement accessible au Tunisien moyen.
Nous assistons en vérité, face à la prolifération de plusieurs catégories d’établissements privés, à un enseignement à plusieurs étages, une véritable hiérarchisation, entre beau monde et petites gens où la qualité des études, et la valeur du diplôme, dépendront de l’institution ou de l’établissement fréquenté par l’élève. Malgré les excellents résultats réalisés par les élites ressortissantes des Lycées publics dont les lycées pilotes lors du concours du baccalauréat , nous devons reconnaître que nos bacheliers débarquent à l’université avec des handicaps langagiers très graves. C’est justement dans ce sens, celui de l’enseignement des langues étrangères que la formation dans les écoles privées , va se distinguer par rapport aux écoles publiques.
Un débat national sérieux doit prendre lieu, pour réhabiliter l’enseignement public, et en assurer la remise à niveau, de manière à démocratiser l’enseignement du moins jusqu’au Baccalauréat. La démocratisation de l’école, signifiera aussi la réforme du système d’éducation dans le sens du renforcement de l’école de la seconde chance visant à récupérer les centaines de milliers d’élèves qui ont quitté les bancs de l’école pour investir les réseaux de crime, de gangstérisme, et les circuits de la marginalisation.
La démocratisation de l’école signifierait également la vraie gratuité de l’enseignement public pour les enfants issus de familles nécessiteuses, et l’instauration de bourses d’études dès l’école primaire. La démocratisation de l’école signifierait également que la caractère constitutionnel obligatoire de l’école jusqu’à l’âge de 16 ans soit réellement traduit en lois et mesures en faveur de plusieurs catégories sociales, dont les enfants ne pourront plus réellement accéder à l’enseignement, public ou privé. Loin de réclamer la réinstauration de l’État providence , nous pensons que le rôle redistributif de l’État, et l’obligation qui lui incombe de protéger les pupilles de la nation, exigent qu’il, intervienne et dans l’urgence pour réformer notre système éducatif.
Habiba Nasraoui Ben M'rad
Docteure, chercheure et enseignante universitaire ESCT UMA
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