La finale-retour de la ligue des champions : il faut raison garder
Les décisions prises par la CAF en ce qui concerne la finale-retour de la Ligue des champions de football, en invalidant le résultat, en demandant la restitution du titre et des médailles et en décidant de rejouer le match dans un terrain neutre ont fait l’effet d’une bombe. Non seulement en Tunisie mais aussi ailleurs. Puisqu’il s’agit de décisions sans précédent, en contradiction même avec les règlements de l’instance africaine de football, comme viennent de le souligner des connaisseurs indépendants du sport-roi.
Les réactions à chaud des Tunisiens sont normales puisqu’ils se croient à juste titre victimes d’une grande injustice qui prend en football une dimension démesurée. Elles le sont d’autant plus que la CAF a justifié ses décision par des raisons sécuritaires. Ce qui est totalement faux et en plus diffamatoire envers un pays qui a toujours assuré des conditions de sécurité optimales aux événements les plus divers organisés sur son territoire.
Il y a juste un mois, la Tunisie a accueilli le 30ème Sommet arabe avec ses milliers de participants, chefs d’état et de gouvernement, ministres, VIP, journalistes et accompagnateurs sans la moindre anicroche. Tout s’est déroulé comme du papier à musique d’une façon qui a fait dire à des connaisseurs qu’il s’agit du Sommet le mieux organisé de l’histoire de la Ligue arabe.
Fin mai, un autre événement tout aussi sensible s’est déroulé de façon parfaite à la satisfaction de tous. Il s’agit du pèlerinage juif de la Ghriba à l’Ile de Djerba qui a rassemblé quelques six mille personnes venues de toutes les régions du monde.
Ce n’est donc pas un match de football aussi important, soit-il, qui puisse constituer un problème aux forces de sécurité tunisiennes, aguerries et professionnelles à souhait.
Mais si les réactions épidermiques sont normales de la part de simples citoyens ou de supporters, elles ne peuvent qu’être contre-productives venant de responsables politiques ou sportifs. C’est pourquoi, le tweet fait par le Chef du gouvernement Youssef Chahed qualifiant les décisions de la CAF de « farce » ou de « mascarade » selon les traductions paraît hors de propos.
Du chef de l’Exécutif on attend des actions et non des réactions. Il aurait été mieux inspiré d’appeler à une réunion d’urgence des ministres concernés à l’issue de laquelle une déclaration officielle devrait être rendue publique répondant point par point aux justifications soi-disant sécuritaires avancées par la CAF.
L’instance africaine est sortie de son rôle. D’une avarie technique concernant le VAR dont elle assume la totale responsabilité, elle a voulu faire question politique et sécuritaire. Car plus c’est gros, plus ça marche. C’est sur ce terrain-là que nous nous devions de lui répliquer de manière à montrer qu’il s’agit d’accusations mensongères qui n’ont pas de raison d’être.
Mais maintenant que les décisions ont été annoncées, il nous faut mettre en œuvre une stratégie à même de nous permettre de défendre nos droits de façon incontestable. De ce point de vue, il nous faut raison garder et ne pas rentrer dans des polémiques qui ne peuvent que se retourner contre nous.
Ainsi parler de lobby marocain et diriger une certaine rancœur contre le Maroc ne sert absolument à rien. Les Marocains ont su défendre ce qu’ils croient être leurs droits, et il ne faut pas leur en vouloir sur ce plan. De plus il serait malvenu de faire d’un match de football une raison de mettre à mal les relations séculaires entre les deux pays frères et voisins.
Il ne faut jamais insulter l’avenir et ne point chercher à aggraver une situation bien grave par des insinuations pour le moins malvenues qui risquent de porter atteinte à nos relations de tout ordre avec le Maroc.
Il importe d’abord d’agir sur le plan juridique, car les décisions de la CAF ne sont pas définitives et elles sont susceptibles de recours. Ainsi un recours auprès du Tribunal Arbitral du Sport (TAS) de la FIFA est recommandé. C’est ce que prévoit de faire l’Espérance sportive de Tunis.
A cet effet, elle devra bénéficier du soutien total des autorités gouvernementales et des instances sportives tunisiennes. Un dossier bien ficelé doit être élaboré à cette fin. Les arguments tunisiens sont solides et il est tout à fait possible de gagner cette bataille pour peu qu’on s’y prépare de façon optimale.
Bien évidemment, la meilleure réponse serait sportive et le Club tunisois doit aussi se préparer au match retour si celui-ci finit par s’imposer dans un pays tiers.
Ce qu’il ne faut surtout pas c’est de faire d’un match de football l’objet d’un contentieux politique et diplomatique avec un pays voisin, avec lequel nous avons des affinités qui dépassent le cadre sportif.
Mais également il ne serait pas indiqué de mettre à mal nos rapports avec l’Afrique qui reste notre continent et qui est notre profondeur stratégique. Ne l’oublions jamais, les pays africains sont nos partenaires les plus proches dans plein de domaines et particulièrement le sport et le football tout spécialement.
Si nous avons des problèmes avec la direction actuelle de la CAF, ce n’est pas une raison de prendre en grippe toute l’instance du football africain. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, comme on dit si bien.
Enfin de compte il ne s’agit que d’un match de football, ce sport-roi qui doit nous rassembler plus que de nous désunir.
RBR
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