A la recherche d’une démocratie égarée ?!

A la recherche d’une démocratie égarée ?!

La période postrévolutionnaire, considérée comme une période de transition démocratique est animée par une très forte dynamique, entre d’un côté l'instauration d'une démocratie peu représentative, mais garante en soi de l'exercice d'un minimum des libertés individuelles et collectives, et de l’autre côté des forces contrerévolutionnaires qui tirent vers le rétablissement d’une démocrature, une dictature légitimée par les urnes.  Or, le dynamisme politique devrait traduire les clivages et confrontations des idéologies et des visions du devenir des sociétés, pour hisser ces dernières aux plus hauts rangs du progrès.

La période de transition, est surtout révélatrice de la bonne marche, du nouveau régime politique, pour évoluer vers une démocratie, reflétant réellement les aspirations d’un peuple qui s’est révolté, à savoir, l’équité, l’égalité, la justice sociale, une vie digne et décente, la protection des droits, individuels et collectifs.

L’actuel déficit au niveau de l’exercice de la démocratie se manifeste à travers deux grands aspects représentant de véritables étalons de mesure :

-D’une part, l’expérience démocratique semble être vouée à l’échec, puisqu’elle ne s’est pas traduite en progrès économiques et sociaux, et une amélioration de la qualité de vie des Tunisiens. Bien au contraire, la baisse du pouvoir d’achat du Tunisien moyen de près de 40% depuis 2010, montre que sa vie est devenue un véritable parcours du combattant, face à une détérioration sans précédent du service public, transport, santé éducation. Le problème c’est que le régime en place n’a d’yeux que pour les considérations politiques politiciennes. Un retour en arrière est donc imminent notamment qu'on n'a pas vécu une véritable révolution culturelle qui poserait les fondamentaux de la pérennité d'un tel nouveau système et d'une réelle émergence de notre pays.

-D’autre part, les principaux piliers de la démocratie, à savoir la culture démocratique, l’Etat de droit , et la séparation des pouvoirs, sont loin d’être respectés ni assuré leur ancrage dans l’exercice de la démocratie naissante.

Quant à la culture démocratique, elle est le pilier qui donne le plein droit aux institutions, garantes du non-retour d’une nouvelle dictature. En vérité, on ne peut être qu’au point mort, lorsque la volonté d’un seul homme se substitue à toute forme d’institution….Or le respect des institutions est une valeur, un principe, une règle de droit, qui s'applique à tout le monde

L’Etat de droit, fondant la responsabilité démocratique, qui devrait garantir la soumission de la puissance publique au droit, est un autre pilier, difficilement repérable, dans la conduite de la chose publique.

Enfin la séparation des pouvoirs seule garante des libertés, de l’équité sociale, de la démocratisation des institutions ; n’est pas non plus garantie, puisque l’exécutif et jusqu’à nouvel ordre jouit d’un absolutisme absolu.

L’héritage culturel, et social de l’hégémonie de l’exercice du pouvoir, s’accordent mal avec le système des valeurs citoyennes garant de la bonne marche de la démocratie. 

L’exercice du pouvoir ou le déficit permanent

La démocratie ne pourrait en aucun cas protéger un système, des conséquences d’un déficit au niveau de l’exercice du pouvoir. La démocratie, devrait s'opérer dans un système de valeurs, des institutions, garant des libertés individuelles et collectives, dont la liberté d’expression. Pourtant la liberté d’expression, considérée comme une liberté fondamentale, est inscrite dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. L’article 54, produit du génie de la démocrature Tunisienne, montre que le rapport loyal à la réalité est de plus en plus jugé subversif par le régime ; voire exécrable et manifeste l'absolutisme du pouvoir sous couvert de démocratie et traduit son intolérance.  

Serions en phase, d’une démocratie agonisante, d’une nouvelle forme de dictature ? celle qui réclame la démocratie pour l’instrumentaliser. Serions-nous témoins de l’établissement d’une monarchie, avec comme seul argumentaire la légitimité des urnes ?  

La vérité est que la nouvelle orthodoxie politique et les expériences des plus grandes traditions dans la culture de la démocratie, montrent que tout ce qui n'est pas issu d'un débat démocratique participatif ne peut que conduire à l’instabilité sociale. L’enjeu démocratique d’une démarche participative est d’être un vecteur de légitimation.

Du déficit institutionnel dans l’exercice de la démocratie

La démocratie ne permet pas toujours de cultiver l'intelligence du vivre ensemble, et ne nous met pas réellement à l'abri des conflits. A moins que la puissance publique subordonne le principe de légitimité au respect de la légalité. C’est ainsi que les institutions solides et résilientes sont les seules garantes d’un exercice efficace de la démocratie. 

Lorsque les institutions deviennent inefficaces, car censées organiser la vie en communauté entre autres, gérer la relation entre le peuple, les structures élues démocratiquement et le pouvoir en place, des mouvements révolutionnaires se mettent souvent en marche, et appellent, à l'application de nouvelles règles.

La crise économique actuelle est un constat d’échec une révélation, quant aux défaillances du système de santé, d’éducation, de recherche développement, tout ce qui pourrait constituer des valeurs communes d’une société, et générer ces biens publics, que nous devrions avoir en partage. Quand les institutions mises en place, en l’occurrence celles représentant le pouvoir, font preuve d’incapacité, nous devons porter une réflexion nouvelle, sur leur composition, leurs structures, voire leur bien fondé.  L'injustice sociale est en train de développer de nouvelles formes, de se moderniser. Nous ne parlons plus de pauvreté, mais de misère, alors que vivre dignement est un droit constitutionnel, un droit garanti par la loi et les institutions. Le problème c'est que la constitution n'a pas prévu les mécanismes qui permettent à tout citoyen l'exercice de ses droits. C'est ce que j'appellerais l'incomplétude constitutionnelle.

Dans cet exercice périlleux, l’Etat montre son incapacité à mettre en place les institutions qui doivent permettre la réalisation des droits constitutionnels comme celui de l’obligation de l’école jusqu’à l’âge de 16 ans ;  qui aujourd’hui se heurte  à une réalité douloureuse celle des 100 milles abandons scolaires annuels.

La question qui semble donc se poser expressément, ne devrait-on pas repenser le système de gouvernement ; évoluer vers de nouvelles formes de démocratie et créer de nouvelles institutions ? 

Habiba Nasraoui Ben Mrad

(Docteure, chercheure et enseignante universitaire)

.

Votre commentaire