La Syrie de Trotsky à Staline, à la démocratie
Qu'en est-il réellement de la Syrie, loin des systématisations iranophiles et des extases théoriques d'éternels rebelles?
Nous n'allons pas répondre à cette question métaphysique, bien sûr. Nous tenterons juste de dissiper ce qu'il est convenu d'appeler "l'embrouille" des rebelles, au pouvoir aujourd'hui.
Réduire l'insurrection du levant à la biographie de Ahmad Charaa, comme font la majorité des contempteurs, naïfs ou patentés de a fausse neutralité, n'est ni nécessaire ni suffisant. L'homme est l'expression des péripéties qu'avait connues sa région. Or celle ci serait passée en 13 ans de l'équivalent d'un trotskisme au stalinisme de combat.
Du modèle déterritorialisé, mondialisé, internationaliste, d'Al Qaida à celui local, centralisé, de Daech. D'abord l'islamisation puis le califat pour Al Qaida, , l'inverse pour Daech. La première importe, la seconde exporte. «Les djihadistes se divisent aussi sur le plan stratégique. Certains, comme al-Qaïda et Jabhat al-Nosra en Syrie, comparables aux trotskistes en leur temps, veulent faire triompher le djihad global en exportant leur vision de l’islam, de manière à inverser le rapport de forces global en leur faveur, ce qui seul permettra l’établissement d’un califat définitif et rédempteur. La lutte passe ici avant l’établissement du modèle. D’autres, comme Daech aujourd’hui, suivent une logique plus «stalinienne» en visant l’établissement du califat ici et maintenant, sur un territoire donné à partir duquel le djihad global pourra s’exporter», écrit Stéphane Lacroix, chercheur et professeur associé au CERI.
Le chercheur français, apporte un paradigme très utile à l'étude du cas syrien, mais semble s'arrêter aux frontières. Se serait-il tourné la tête du côté du sud, aurait-il élargi son opposition: Staline- Trotsky à l'Iran dont deux modèles se cognent de manière continue: un khoméninisme mondialisé versus un Etat chiite modèle. Les mollahs portent le premier, d'autres forces nationalistes, le second. La fameuse doctrine d'export de la révolution aurait exigé l'équivalent d'alqaeda et de Daech à l'échelle chiite, Hizbollah ( plutôt trotskyste et décentralisé) et Al Hachd, Al houthi ( territorialisés et nationaux). A la différence près que les deux modèles se furent rassemblés en Syrie où l'export de la révolution a-t-il rejoint l'import du modèle révolutionnaire iranien: une guerre confessionnelle.
Le paradigme de Stéphane de Lacroix, serait aussi extensible à l'ouest, voire à l'Est. Le trotskysme du parti baath syrien doté de deux directions, dont l'une est nationale et l'autre arabe, illustre sa stratégie de la révolution panarabe déterritorialisée et régionale. Assad avait certes ses milices locales issues de sa confrérie alaouite, notamment, mais aussi ses tentacules dans la région. Les fameux camps des jeunes panarabes, organisés un peu partout dans le monde arabe, recrutaient en 2012 des bras sous l'égide de la garde nationale syrienne, présentée par son leader Libanais Asaad Hamoud, alias Dhoulfaqar ( surnom de l'épée du compagnon du prophète Ali Ibn Taleb), dans un entretien accordée au quotidien alquds alarabi dans sa livraison du 02 aout 2021: comme une force panarabe issue de plusieurs pays, dont la Tunisie, le Liban, L'Algérie, l'Irak, l'Egypte et la Jordanie. Ajoutant qu'ils "sont adeptes du nassérisme et de l'union du levant, en d'autres termes panarabisme globalisé". Avant de renchérir " la garde est panarabe...90 % de nos soldats ne sont pas chiites...L'on surévalue le composant chiite médiatiquement...." Sauf que Hammoud lui-même est Chiite de la confrérie duodécimaine (ithnay achriya) et qu'il ne donne pas non plus des statistiques sur la distribution religieuse de la garde syrienne arabe. D'ailleurs, se reprend il: " nous entretenons d'excellentes relations avec l'Iran, en particulier avec la garde natioanle iranienne....". Le trotskyse chiite serait ainsi à la fois religieux (hizbollah) et pseudo laïc ( la garde syrienne arabe)....
Même à l'Est le trotskysme le dispute au stalinisme! Les milices kurdes associées à des factions Syriaques et autres groupes de lutte chrétiennes ou tribales, sont aussi partagées entre un fédéralisme transnational et une revendication identitaire strictement culturelle.....Avec une tendance sécessionniste difficilement dissimulée chez les soldats des forces démocratiques syriennes, inféodées au parti des travailleurs kurde, transnationaliste et ultra violent.
Le mondialisme opposé au nationalisme ne serait ainsi l'apanage des islamistes en Syrie, comme pourrait le suggérer le chercheur français De Lacroix. Il s'agit bien d'une opposition totale reflétant les niveaux d'organisation de la lutte régionale au levant, exprimant à leur tour douloureusement de profonds niveaux d'organisation ethnico religieuses. Bien que ce ne soit pas le but, c'est bien malheureusement le cas. Cette sale guerre était religieuse et pour cesser, doit-elle évoluer vers une paix des braves entre frères-ennemis, dans un Etat civil, républicain et démocratique.
De Trotsky à Staline à la démocratie. Aussi bien les islamistes que leurs ennemis devraient y passer...l'écheveau de l’embrouille rebelle est ici démêlé....
Voici l'unique trajectoire qui vaille et non les phobies personnelles de biographes à la petite semaine!
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